Accouchement gémellaire différé : déroulement, risques

En quoi consiste un accouchement gémellaire différé ? Dans quels cas peut-il avoir lieu ? Quels risques pour les bébés et la maman ? Eclairage avec le gynécologue-obstétricien Adrien Gaudineau.

Accouchement gémellaire différé : déroulement, risques
© 123RF / vadlen

Il arrive parfois que des jumeaux naissent à un intervalle espacé, parfois de quelques heures. Mais cette situation est plutôt rare. "Un accouchement gémellaire différé ne peut avoir lieu que dans le cadre d'une grossesse gémellaire dizygote, c'est-à-dire qu'il y a deux bébés (faux-jumeaux), chacun dans leur poche disposant de leur propre placenta", explique le gynécologue-obstétricien Adrien Gaudineau, également co-auteur de "Plus de 100 questions : Grossesse et accouchement" (MA Editions).

Qu'est-ce qu'un accouchement gémellaire différé ?

"Généralement, ce type d'accouchement différé se produit lorsque le travail débute et qu'un premier bébé naît puis, le col se rétracte après son passage et les contractions s'arrêtent", relate-t-il. Il explique en outre que "les grossesses gémellaires engendrant un plus grand risque de prématurité, le travail risque donc de débuter avant le terme. Et la dilatation complète du col (10 centimètres), n'est pas forcément nécessaire pour permettre au bébé prématuré - et donc plus petit - de passer. Le col de l'utérus a ainsi plus de facilité à se rétracter ensuite". Quid du laps de temps écoulé entre les deux accouchements"la plupart du temps, l'accouchement n'est décalé que de quelques heures", précise-t-il. En outre, rappelle-t-il : "l'accouchement gémellaire différé est une situation qui se produit très rarement."

Comment maintenir le deuxième bébé en place ?

Si le premier bébé est né prématurément (avec les effets de la prématurité), "le fait de permettre deuxième de rester un petit peu plus longtemps va permettre de pouvoir mettre en place des mesures préventives prophylactiques afin de limiter les effets trop importants de la prématurité", explique Adrien Gaudineau. Pour ce faire, on procède à des injections de corticoïdes. Pour que les corticoïdes fassent effet, il faut au minimum 12 heures avant que le deuxième accouchement ait lieu (et pendant une durée maximale de 48 heures). Un délai qui permet au deuxième bébé de jouir du bénéfice de la corticothérapie. "On peut envisager l'accouchement qui va reprendre dans les heures où les jours à venir de façon plus propice", note le gynécologue. "Il a été décrit dans la littérature des cas d'accouchements gémellaires différés de plusieurs semaines, mais c'est rarissime, car le risque au niveau infectieux est forcément de plus en plus important à mesure que les heures s'écoulent", rapporte-t-il. En effet, une fois que le premier bébé est né, le col s'est ouvert, permettant à des bactéries de pénétrer par voie vaginale et de remonter la filière génitale. Il y a alors un risque que la poche du deuxième bébé soit infectée. D'autre part, en cas d'accouchement gémellaire différé, le premier placenta est toujours à l'intérieur, les bactéries peuvent également aller l'infecter, car il constitue une source d'alimentation pour le développement des bactéries.

Quels sont les risques pour le premier bébé ?

Dans le cas d'un accouchement gémellaire différé, le premier bébé né n'aura pu bénéficier du traitement à base de corticoïdes, parce que l'accouchement se sera produit trop rapidement. Il pourra donc naître plus fragilisé que son frère jumeau ou sa soeur jumelle, voire dans certains cas, ne pas survivre. "Les chances de survie sont parfois moindres pour le premier bébé, né prématurément, que pour le deuxième en cas d'accouchement gémellaire différé", révèle le Dr. Gaudineau. "Il arrive aussi que l'un des bébés ne soit pas viable in utero ou qu'il souffre d'une pathologie particulièrement grave et incurable, nécessitant l'arrêt de la grossesse de façon sélective sur l'un des jumeaux", précise l'obstétricien. Cependant, le bébé restera lui aussi à l'intérieur, jusqu'à ce que l'accouchement ait lieu. "Parfois aussi, cela se fait spontanément, c'est-à-dire qu'on a une grossesse gémellaire initiale, puis finalement l'un des embryons n'évolue pas et se désagrège spontanément petit à petit", rapporte-t-il.

Le cerclage est-il systématique dans le cas d'un accouchement gémellaire différé ?

"Le cerclage n'est pas systématique", assure le Dr. Gaudineau. Il s'agit d'une technique chirurgicale permettant de maintenir la grossesse en place après la naissance de l'un des jumeaux. Cela consiste à passer un fil autour du col en piquant à l'intérieur du col de manière à le refermer artificiellement. "On peut le faire quand on est dans une prématurité extrême telle que laisser la nature faire conduirait probablement à la perte des deux bébés", décrit-il. Néanmoins, "on ne peut procéder à un cerclage que si le col s'est suffisamment rétracté et qu'on est en absence de signes infectieux manifestes", pondère-t-il. Il y a également deux problématiques à cette approche selon lui : d'abord, la technicité du geste n'est pas du tout évidente, surtout après l'accouchement du premier bébé, ayant rendu les structures particulièrement fragiles (risques de saignements, etc.). Et puis, passer une aiguille dans le col peut percer la poche du deuxième, générant un risque infectieux nécessitant de faire naître le bébé sans tarder. 

Le deuxième bébé a-t-il des séquelles ?

"Cet accouchement différé est parfois bénéfique", remarque le gynécologue-obstétricien : "on peut le souhaiter dans les situations de grande prématurité, car le deuxième bébé aurait un vrai bénéfice à jouir d'une corticothérapie". Néanmoins, nuance-t-il, "il est souvent difficile de maintenir l'accouchement différé, car quand le processus est lancé, arrêter le travail et les contractions du deuxième bébé n'est pas évident". Pour autant, "quand la grande prématurité est passé, le deuxième bébé a plus de risque d'aller moins bien que le premier à la naissance. Justement parce qu'il est resté plus longtemps dans le ventre, a subi les contractions et l'accouchement du premier bébé. D'ailleurs, les deuxièmes bébés sont fréquemment un peu plus endormis à l'accouchement", note-t-il. Il rassure aussi sur le suivi effectué lors d'un accouchement différé : on procède à des monitorings pour vérifier que le bébé supporte bien et qu'il n'y a pas de signes d'infection qui pourrait se traduire par une tachycardie au niveau du coeur du bébé. 

Quels risques pour la maman d'un deuxième accouchement aussi rapproché ?

Pour le Dr. Gaudineau, "un accouchement gémellaire est déjà un double accouchement. Le fait qu'il soit différé de quelques heures n'engage donc pas spécialement plus de risque pour la maman". Selon lui, le seul véritable risque est le risque infectieux. Ou que le placenta se décolle malgré les tentatives pour maintenir le second bébé, et n'entraîne le décollement du deuxième placenta. "La venue d'un saignement abondant peut avertir d'un éventuel décollement et, à ce moment-là, il faudra avancer l'accouchement du deuxième", indique-t-il. Quant au traitement de corticoïdes injecté à la maman, il rassure : il n'a aucune répercussion négative sur la santé de la maman.

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