Infirmière et photographe de sport, voici l'incroyable quotidien de Julia Roger-Veyer

En plus de son métier d'infirmière, Julia Roger-Veyer est photographe de sport. Deux métiers intenses, qui lui assurent émerveillement et sensations fortes au quotidien. Le Journal des Femmes a pu s'entretenir avec cette femme occupée.

Infirmière et photographe de sport, voici l'incroyable quotidien de Julia Roger-Veyer
© Autoportrait Julia Roger Veyer

Elle a découvert la photographie de haute montagne alors qu'elle n'était qu'une enfant. Trente ans plus tard, Julia Roger-Veyer en a fait l'un de ses métiers. Un quotidien hors norme qui lui permet d'immortaliser les athlètes en plein effort. Rencontre.

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© Julia Roger-Veyer

Journal des Femmes : Comment avez-vous découvert l'art de la photographie ?
Julia Roger-Veyer : Mon amour pour la photo est une histoire très ancienne. J'ai commencé par hasard avec mon grand-père. Il immortalisait les sommets de montagne avant de les peindre et je l'accompagnais de temps en temps. On m'a offert un petit appareil photo que j'ai toujours gardé sur moi lorsque je lui rendais visite à la montagne. J'ai fini par m'y rendre plus régulièrement pour la photo que pour le ski.

Pouvez-vous raconter votre parcours professionnel ?
J'ai passé mon enfance à Paris. J'ai tenté des études de médecine, mais je n'ai pas réussi la première année, donc je suis partie un an en Belgique. Puis, au lieu de revenir à la capitale, j'ai décidé de déménager à Chamonix pour rejoindre mes grand-parents. Je suis rentrée en gendarmerie dans l'unité de secours en montagne de Chamonix, mais une blessure à l'épaule m'a empêchée de passer carrière. Je me suis cette fois reconvertie en tant qu'infirmière. Diplômée depuis 2015, j'exerce actuellement à l'école de formation de haute montagne.

Comment concilier le métier d'infirmière et celui de photographe de sport qui prend énormément de temps ?
Une chose est sûre, je ne m'ennuie pas ! Je suis infirmière du lundi au vendredi. Mais j'ai la chance de ne pas travailler les soirs et la nuit. Mon but, à terme, c'est d'inverser les deux et de pouvoir passer consacrer plus de temps à mon travail de photographe.

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© Julia Roger-Veyer

Quel est le moment que vous préférez dans un reportage photos ?
J'aime beaucoup la phase de préparation. J'aime faire des projets et imaginer le rendu. Il y a un mélange de pression et d'excitation qui me plaît beaucoup. Et puis évidemment, passer à la photo sur le terrain. C'est ma partie préférée. Parfois, tout ce que j'avais envisagé en amont ne se présente pas. Il faut improviser avec les éléments, faire avec la nature qui se déroule devant nous... Et puis d'autres fois, pendant un très court instant, j'aperçois exactement ce que j'imaginais et je peux prendre la photo que je voulais. C'est un très beau sentiment. 

Pour vous, à quoi ressemble une photo "parfaite" ?
Je ne pense pas que la photo parfaite existe. Dans ma carrière, cela ne m'est arrivé qu'une ou deux fois, maximum. On a tous-tes des photos qui nous plaisent plus ou moins. Je suis très exigeante avec mes clichés, et rarement satisfaite.

Vous travaillez dans des conditions souvent extrêmes, vous définiriez-vous comme une accro à l'adrénaline ?
Pas du tout ! Au contraire. J'ai plutôt peur du danger. Je fais très attention à la sécurité et ne vais jamais au-devant du risque pour le cliché parfait. Mon approche du risque est vraiment très réduite. Par exemple, je ne pars qu'avec des gens en qui j'ai une entière confiance. Je ne suis pas motivée par la sensation, mais par l'endroit que je veux photographier. Mon truc, ce n'est pas de montrer le sensationnel, mais la beauté. Je veux me faire plaisir partout, pas avoir peur.

Vous utilisez la photo pour diffuser l'impact du changement climatique, quel message cherchez-vous à faire passer à travers vos clichés ?
Au départ, ma motivation principale, c'était d'être dans de beaux endroits. En faisant ça, j'ai vu les glaciers évoluer, et pas en bien. Je peux témoigner de la fonte des glaces et du réchauffement climatique. Nous sommes en plein hiver, à Chamonix et je n'ai pas très froid. Ce n'est pas normal. Je veux donc montrer la tristesse associée à ces changements climatiques, grâce à la photo. Mais cela me pousse aussi à m'interroger moi-même sur mes agissements et sur le tourisme de montagne.

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© Julia Roger-Veyer

Vous avez été plusieurs fois récompensée pour votre travail. Que représentent ces prix à vos yeux ?
Ce n'est pas ma motivation première, mais c'est vrai que je fais certains concours. C'est un moyen de me challenger grâce au thème imposé. Habituellement, je réfléchis surtout en termes de personnes et de lieu que je veux immortaliser. Là, il y a des consignes à respecter, c'est motivant. 

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© Julia Roger-Veyer

Est-il compliqué d'être une femme dans le milieu de la photographie sportive aujourd'hui ?
On est encore très loin de l'égalité
. Au-delà du milieu de la photo, le milieu de la montagne est encore trrop genré. Ce n'est pas évident pour une femme, ne serait-ce que pour qu'elle se sente légitime. Je suis maman, donc je ne peux pas parcourir la planète comme un homme le ferait, et parfois ça me coûte certains shootings. Et puis il est vrai que je peux avoir du mal à m'imposer. J'ai même été agressée par un homme qui estimait que je ne pouvais pas bien faire mon travail, car je suis une femme. Sans oublier que les gens sont parfois surpris que ce soit une femme qui ait pris certaines photos jugées "masculines".

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© Julia Roger-Veyer

Quelle est votre relation avec la marque d'appareils photo Canon ?
Mon histoire avec Canon a commencé en même temps que mon histoire avec la photo puisque mon premier appareil était de cette marque japonaise. Depuis, je n'ai jamais souhaité en changer. J'ai très longtemps shooté avec un 5D mark III et je fais une confiance aveugle à ce matériel. J'ai switché vers un R3 récemment, il m'offre beaucoup de possibilités et de légèreté. J'ai récemment eu la chance de faire des photos lors de la coupe du monde de bobsleigh et j'ai pu le mettre à rude épreuve. Rafale, autofocus rapide… Tout me plaît. Et bien sûr, la qualité s'en ressent. En plus, la batterie tient mieux le froid que moi ! Je suis devenue leur ambassadrice en 2023, c'est une grande fierté, je n'y crois pas encore. C'est un grand réseau qui m'aide énormément dans ma carrière. C'est une marque qui fait partie de mon identité.

À part la photo, qu'est-ce qui vous anime ?
Je dirais la curiosité par-dessus tout, et sur tous les sujets. La découverte du monde me passionne. Je suis aussi animée par les rencontres que je fais. Elles me donnent un autre regard sur le monde. C'est ce qui m'a construite en tant que femme et en tant que photographe. 

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