Gaëtane Thiney : "Le football, c'est toute ma vie"

La saison 2023/2024 sera la dernière pour Gaëtane Thiney. La capitaine du Paris FC et internationale française raccrochera finalement ses crampons à la fin de l'année. Mais la footballeuse de 38 ans a encore des rêves plein la tête et des matchs à gagner. Rencontre.

Gaëtane Thiney : "Le football, c'est toute ma vie"
© Paris FC

Figure emblématique du football français, Gaëtane Thiney évolue au Paris FC (ex-FCF Juvisy) depuis 2008. Désormais capitaine de l'équipe, elle s'apprête à vivre sa dernière année au sein du club. Rencontre.

Journal des Femmes : Depuis le mois de novembre, les matchs des équipes masculines et féminines du Paris Football Club à domicile sont accessibles gratuitement pour les supporters. Comment avez-vous accueilli cette décision au sein de l'équipe ?
Gaëtane Thiney :
Très positivement. Ça m'a conforté dans l’idée que j'appartiens à un club citoyen qui regarde au-delà des résultats sportifs et qui a envie que les gens s'épanouissent dans des loisirs sans penser avant tout au business. Cette évolution est très positive, mais il faut que nous arrivions à remplir encore plus le stade de Charléty. On rêve qu'il soit plein le 30 janvier prochain pour notre match contre Chelsea.

Vous avez passé une très grande partie de votre carrière au sein du Paris Football Club. Pouvez-vous nous parler du lien qui vous unit à ce club ?
Je suis restée dans ce club parce que j'y ai trouvé des valeurs humaines qui m'ont permis de m'épanouir en tant que personne, en tant que femme et en tant que sportive. C'est grâce à ce cadre que j'ai réussi à performer. Et je suis une femme de projet. J'ai eu envie de participer à la construction de ce club [notamment lors de sa fusion avec le FCF Juvisy en 2017, ndlr] et j'ai eu la chance qu'on me demande mon avis. C'est beaucoup de satisfaction de voir cette évolution, tant sur le plan sportif que sur le plan humain. En 2012, lorsque j'ai participé aux Jeux olympiques de Londres, je n'étais pas encore rémunérée par mon club. Aujourd'hui, en 2023, les 21 filles de l'équipe sont sous contrat. C'est une avancée très positive qui respecte un équilibre économique et qui permet au club de continuer à se développer chaque année.

Selon vous, quelle serait la décision à prendre pour que le football féminin continue à évoluer positivement ?
Il y a une vraie réflexion à avoir sur le modèle féminin. Je vais d'ailleurs y consacrer une étude lors des deux prochaines années. Car je ne pense pas qu'il doit se calquer sur le modèle masculin. Nous pouvons avoir un positionnement différent, qui nous permettrait de prendre la parole, de faire passer des idées et d'être un peu plus engagées. Le stade deviendrait ainsi un lieu de solidarité, de vivre-ensemble. Il faut évidemment respecter la performance, mais les matchs peuvent aussi devenir une véritable tribune pour notre société.

Vous avez annoncé que cette saison 2023/2024 serait la dernière. Comment se prépare-t-on à la suite ?
Je n'y pense pas. Je profite à fond de cette saison qui est extraordinaire. J'ai choisi de continuer mes études, puis de travailler durant ma carrière. J'aurais pu vivre uniquement du football, mais c'était une vraie volonté de ma part. J'aime avoir une vie sociale riche. Donc je n'ai pas vraiment d'appréhension quant à ma possible reconversion. Cela va être une continuité. Quelle trajectoire vais-je finalement prendre ? À moi de le définir. Il y a de multiples possibilités. Je suis aussi quelqu'un qui aime la découverte, donc je m'orienterai peut-être vers une toute aventure.

gaetane-thiney
Gaëtane Thiney à son entrée sur le terrain lors du match contre les Girondins de Bordeaux. © Paris FC

Vous avez aujourd'hui 38 ans, vous êtes toujours sur le terrain, au plus haut niveau. Qu'est-ce qui vous a fait tenir jusque ici ?
Je suis une vraie passionnée. J'aime le football plus que tout. Je joue depuis l'âge de 4 ans, donc ça fait 34 ans que je suis sur les terrains dont 24 années au plus haut niveau. C'est toute ma vie. Elle est parfois un peu différente de celles des autres : il n'y a pas de week-end, pas beaucoup de jours off, on rate beaucoup de mariages ou de baptêmes. Mais ces choix que j'ai faits m'ont permis de vivre des émotions extraordinaires. Je pense aussi que mes qualités mentales m'ont aidée, ma capacité à me dépasser et à toujours vouloir apprendre et progresser. On peut toujours mieux faire, dans tous les domaines. J'aime ces challenges au quotidien.

Est-ce qu'il y a encore des choses que vous cherchez à améliorer ?
Toujours ! Mon jeu de tête, mon pied gauche, arrêter de me poser des questions sur ma capacité à dribbler… Car même si, en tant que sportive, on a confiance en nous, on a parfois tendance à entendre ou lire des choses qui renforcent des croyances limitantes. Je suis contente de travailler à les briser cette année, un peu plus à chaque match.

Est-ce que la petite Gaëtane qui a commencé le football à 4 ans imaginait cette vie ?
Pas du tout. Les conditions d'exercice du football n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. Ce n'était pas médiatisé, on ne pouvait pas en vivre. Je ne me suis jamais dit que je voulais être joueuse pro. D'ailleurs je ne me le dis toujours pas aujourd'hui. Mais avec les années, j'ai commencé à comprendre qu'il y avait une D1, qu'il y avait l'équipe de France jeune. J'ai joué la Coupe du monde, l'Euro, les Jeux olympiques… Les objectifs sont plus élevés, on s'accroche. Je ne me suis jamais projetée. Je pense que c'est justement ce qui fait que ma carrière dure depuis si longtemps. J'aime le moment présent. Je n'ai pas l'impression d'avoir 38 ans et de jouer ma dernière saison. Je ne compte pas du tout les matchs qu'il me reste. Le prochain sera le premier match du reste de ma vie. C'est une réalité. On ne sait pas de quoi demain sera fait.

Qu'est-ce que le sport apporte à votre vie ?
De la discipline au quotidien, une bonne hygiène de vie, de l'organisation. Le sport m'a aussi appris la résilience, car on subit beaucoup d'échecs à haut niveau. Il y a plus de défaites que de victoires et il faut être capable de se relever. Je suis fière de cette qualité, que j'ai réussi à développer au fur et à mesure des années. Cela donne encore plus de reliefs aux moments extraordinaires. Le football m'a aussi appris à vivre en collectivité et à penser aux autres avant soi. Dans nos sociétés très individualistes, j'essaie de préserver cette valeur et de la transmettre. J'ai toujours aimé partager mes convictions. Je suis une leader dans l'âme. Certains adhérent, d'autres moins. Mais moi, c'est ce que j'aime faire pour être meilleure le jour suivant : me nourrir des autres, peu importe leur âge.

Pouvez-vous nous raconter la plus belle émotion que vous avez vécue sur un terrain ?
Récemment, je citerai notre victoire face au Real Madrid (2-1). Battre ce club qui est certainement l'un des plus grands du monde, à domicile, devant plus de 10 000 personnes, ma famille, marquer un but… Ce match a été l'aboutissement du travail d'un staff et d'un groupe de joueuses qui se donnent à fond, qui croient en leurs rêves et ne se mettent pas de limite. Depuis le début de la saison, on se dit que rien n'est inaccessible. J'espère que nous nous qualifierons pour les quarts de finale de cette Ligue des Champions. On en rêve.

Bios