À la rencontre de Julie Iemmolo, la jeune Française spécialiste du triathlon longue distance

Passionnée de triathlon longue distance, Julie Iemmolo, 23 ans, a décidé de se lancer pleinement dans l'aventure du sport professionnel. Le 22 et 23 juillet prochain, elle s'alignera pour la deuxième fois sur la Yotta, une course inédite mêlant natation et course à pied, à Vichy, dans l'Allier. Interview.

À la rencontre de Julie Iemmolo, la jeune Française spécialiste du triathlon longue distance
© Thierry Sourbier

Les 22 et 23 juillet 2023 ont lieu la deuxième édition de la Yotta, sur les rives de l'Allier. Au programme de cette course atypique pour les athlètes majoritairement issus du monde du triathlon, un mix de natation et de course à pied : 1 kilomètre en nageant et 8 en courant, un effort à répéter cinq fois dans un temps prédéfini (de moins en moins important de tour en tour pour corser encore plus les choses). Une format inédit et spectaculaire, autant pour le public que pour les sportif-ve-s. Parmi elleux cette année, Julie Iemmolo. Cette triathlète professionnelle de 23 ans, originaire d'Aix-en-Provence, s'alignera pour la deuxième année consécutive sur la ligne de départ, après une 5ème place prometteuse en 2022. À quelques semaines de la compétition, la jeune femme nous a raconté ses débuts dans le monde du sport, son envie de se professionnaliser, ses difficultés au quotidien et ses ambitions pour la suite de sa carrière.

Journal des Femmes : Comment avez-vous commencé le triathlon ?
Julie Iemmolo :
Je ne suis pas née dans une famille de sportifs, mais petite, j'ai demandé à être inscrite à différentes activités. Mes parents, eux, étaient inquiets, car je ne savais pas nager. Ils m'ont demandé de m'inscrire à la natation en échange de cours d'équitation. Au départ, j'allais simplement aux entraînements, et on m'a proposé de participer à une compétition, puis à une autre… J'essayais de me qualifier pour les championnats de France Jeunes, mais ce sport est très strict. Il faut réaliser un temps de qualification que l'on peut rater au centième près. Cela m'est arrivé sur 400 m notamment, ce qui a commencé à m'écœurer. Je m'entraînais durant des mois et ça ne payait pas forcément. Puis, une personne de mon club m'a proposé de participer à un triathlon en relais. J'ai fait la partie natation et j'ai adoré l'ambiance festive et familiale. J'avais 13 ans et je me suis dit : je veux faire ça.

Les résultats ont tout de suite suivi ?
J'ai réussi à me qualifier pour les championnats de France dès la première année. J'avais de bons résultats et je voyais que je progressais. Mon point fort, c'était la natation, donc je travaillais sur le vélo et la course à pied [les trois disciplines qui composent un triathlon, ndlr]. J'ai fait mon premier podium aux championnats de France dans la catégorie junior. Puis, je me suis essayée à la longue distance quand j'ai eu l'âge requis (18 ans), soit 1900 m de natation, 90 km à vélo et 21 km en course à pied (format Iron Man 70.3). Je courais en amateur et j'ai réussi à me qualifier pour les championnats du monde 2019 qui avaient lieu à Nice. J'ai terminé 2ème dans ma catégorie d'âge.

Vous êtes devenues professionnelle à ce moment-là. Qu'est-ce que cela a changé dans votre vie ?
J'ai arrêté mes études en master après deux licences de STAPS et mon travail d'entraîneuse de triathlon au club d'Istres. En termes d'organisation, cela devenait trop compliqué de concilier mes examens, les entraînements et les compétitions… Puis j'avais envie de me confronter aux autres professionnelles. C'était l'occasion ou jamais. Je ne pourrai plus le faire à 40 ans !

Qu'aimez-vous dans la longue distance ?
Je suis concentrée sur moi. Sur les courtes distances, on est en compétition permanente. Sur les efforts de longue durée, il peut m'arriver de ne croiser personne pendant 20 minutes. La gestion de course est aussi différente. Il faut se connaître sur le bout des doigts, ne pas en donner trop et gérer au mieux l'intensité de l'effort.

À quoi ressemble une semaine d'entraînement pour vous ?
Il y a cinq jours dans la semaine où je vais tripler, c'est-à-dire faire les trois sports dans la même journée. Je n'ai pas de jour de repos. Je dirai que je m'entraîne entre 25 et 35 heures de façon hebdomadaire. Puis, il faut ajouter à cela tout le travail administratif : répondre aux mails des sponsors, m'inscrire aux compétitions, réserver l'avion, l'hôtel, commander mon matériel…

Comment votre corps encaisse cette charge de travail ?
C'est là que c'est important pour moi de ne pas avoir d'à côté. Ça me permet de mieux me reposer. Quand tu dois enchaîner ton travail puis l'entraînement, tu récupères moins bien.

Comment gérez-vous l'équilibre entre cette vie professionnelle exigeante et votre vie personnelle ?
C'est compliqué, encore aujourd'hui. Le triathlon peut rapidement devenir une prison. Il est très tentant de s'isoler pour toujours en faire plus. Il m'arrive parfois de renoncer à un repas de famille pour ne pas me coucher trop tard et prendre du retard dans mes séances. Mais, je sais que je dois veiller à conserver cet équilibre pour mon bien-être.

Vous êtes aussi très active sur les réseaux sociaux...
Dès mes débuts, j'ai raconté mes compétitions sur un blog. Je me suis ensuite mise à Instagram vers 15 ou 16 ans et ça marchait bien ! J'ai une petite communauté (26 000 abonnés), cela m'a aidé à décrocher mes premiers sponsors. J'ai aussi une chaîne YouTube sur laquelle je fais des comptes-rendus de mes courses, quand je ne partage des conseils avec mes abonnés.

Quel est votre plus beau souvenir sur une course ?
L'Iron Man 70.3 des Sables d'Olonne en juillet 2021. C'était ma dernière chance de me qualifier pour les championnats du monde cette année-là. Les semaines d'entrainements avant la course ne s'étaient pas particulièrement bien déroulées, mais le jour J, tout s'est aligné. Je suis sortie en tête de la natation et j'ai été rejointe par un groupe de quatre filles au 40ème kilomètre à vélo. Je savais qu'il n'y avait que deux places qualificatives pour les mondiaux. Nous sommes parties ensemble sur le semi-marathon. Une Allemande est rapidement partie pour gagner la course et je me suis retrouvée avec deux autres Françaises. On ne s'est pas lâchés d'une semelle jusqu'au sprint final où je me suis imposée. J'ai pleuré de joie. Ce n'était que la sixième fois qu'une Française obtenait son billet pour cette compétition.

Vous allez prendre part à la Yotta les 22 et 23 juillet. Qu'est-ce que vous appréciez sur ce format de course ?
C'est un véritable défi. Si on réalise les cinq manches, on doit tout de même courir 40 km. Mais plus vite qu'à l'allure à laquelle j'aurais normalement couru un marathon ! C'est une autre gestion de l'effort. Pour la première édition, je pensais que les filles allaient être sur la retenue lors des premières boucles, puis tout donner à la fin. Mais pas du tout ! Une concurrente a pris 5 minutes d'avance sur le premier tour et elle a simplement géré sur les suivants sans que l'on puisse la rattraper. C'est une course très stratégique.

De quelles qualités a-t-on besoin pour performer ?
Du sang froid et de la résistance. On a mal du début à la fin, il n'y a pas une manche pendant laquelle on peut se reposer. 

Avez-vous suivi une préparation physique spécifique pour l'événement ? 
Non, car cette course tombe parfaitement pour moi. Je veux participer à mon premier Iron Man ( 3,8 km de natation, 180 km de vélo, 42,195 km de course à pied) en août ou en septembre prochain. Comme il se terminera par un marathon, les 40 km cumulés de la Yotta tombent à pic.

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