Vahine Fierro, surfeuse : "Aux JO 2024, je vais représenter Tahiti, la France et tous les gens que j'aime"
La surfeuse tahitienne Vahine Fierro, qui représentera la France aux Jeux olympiques l'année prochaine, était à Hossegor pour le Quiksilver Festival. L'occasion pour le Journal des Femmes de faire connaissance avec cette athlète au sourire contagieux.
En juin dernier, Vahine Fierro décrochait son ticket pour représenter la France lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Sur son compte Instagram, on découvrait avec émotion l'instant où on lui annonçait que l'un de ses rêves les plus chers allait devenir réalité : participer aux Jeux olympiques et porter les couleurs de la France, chez elle, à Tahiti. Mais l'échéance est encore loin pour la jeune femme de 23 ans, sacrée championne du monde junior en 2017. Et les objectifs à cocher, nombreux. Fin septembre, Vahine Fierro faisait partie des athlètes invité-e-s à la première édition du Quiksilver Festival (remportée par Jérémy Florès et Michel Bourez). En équipe avec Kauli Vaast (autre surfeur tahitien sélectionné pour concourir à Teahupo'o en 2024), la surfeuse s'est attaquée aux vagues de la plage des Culs Nus, à Hossegor et a pris le temps de répondre à nos questions entre deux séries.
Journal des Femmes : Comment se passe cette première édition du Quiksilver Festival ?
Vahine Fierro : Je viens de sortir de l'eau. Je n'ai pas eu les meilleures vagues, mais c'est un bon début. Je ne peux que faire mieux après ça. C'est un honneur pour Kauli Vaast et moi d'avoir été invité-e-s ici pour participer à la compétition, au milieu de tous ces grands noms du surf.
Comment avez-vous commencé le surf ?
Mon père est un ancien surfeur. Il a toujours adoré ça, il a appris à ma mère et nos parents nous ont ensuite transmis cette passion à mes sœurs et moi. J'ai d'abord essayé le bodyboard puis le surf sur des planches en mousse. Vers l'âge de 8 ans, j'ai commencé à prendre les choses plus au sérieux. Au début, je ne voulais pas faire de compétitions. Jusqu'à ce que mon père propose de m'inscrire à mon premier tournoi quand j'ai eu 12 ans. Et j'ai adoré ! J'ai perdu au premier tour, mais j'ai compris que j'avais le niveau, même si je ne maitrisais pas encore le côté stratégique. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à me dire que ça pouvait être un métier. Ça m'a pris quelques années pour en être sûre, mais au fond de moi, je savais depuis le début que j'étais faite pour ça.
Que ressentez-vous au moment de prendre une vague ?
Quand tu te lèves, quand tu es sur la vague, tu as vraiment l'impression que le temps s'arrête. Tu vis le moment présent à fond. Et de nos jours, c'est un sentiment qui n'est pas facile à éprouver. Par exemple, à Teahupo'o, lorsque tu t'attaques à une grosse vague, tu rames fort, tu pars et tu te fais enrouler. Tu es dans un tunnel, tu vois les montagnes en face de toi, les bateaux qui t'accompagnent. Tout est comme au ralenti. Puis, tu sors et tu ressens un flot d'émotions. C'est indescriptible. Il faut le vivre pour comprendre.
Comment gérez-vous la peur ?
En surf, il y a toujours un risque de noyade, de rester trop longtemps sous l'eau, de se faire mal. Mais je crois que je suis devenue addict au fait de surmonter cette peur. J'éprouve une immense joie après. Alors même si ce sentiment revient, je l'accueille.
À quoi ressemble la journée d'une surfeuse professionnelle ?
Je me réveille tôt, avant que le soleil ne se lève. J'aime ce moment calme où tout le monde dort encore. Je médite, je prends mon petit-déjeuner, je m'étire et ensuite, je pars pour ma première session de surf. L'après-midi, je peux enchaîner avec de la prépa physique, une deuxième session de surf ou quelque chose de plus fun, juste pour le plaisir, comme aller randonner ou ramasser des coquillages. Cet équilibre est important pour moi. Puis, je me mets au lit vers 20h30 avec un bon livre.
Si vous n'aviez pas été surfeuse, est-ce qu'il y a un métier que vous auriez aimé exercer ?
Dès ma première compétition, à l'âge de 12 ans, j'ai commencé à me dire que surfer pouvait être mon métier et que je voulais être professionnelle. Ça m'a pris quelques années à être sûre, mais je sais au fond de moi que depuis le début, j'étais faite pour ça.
Quelle est votre plus grande qualité dans l'eau ? Et le point que vous aimeriez améliorer ?
Ma plus grande qualité, c'est de savoir choisir les bonnes vagues. Et pour m'améliorer, je pourrais prendre plus de risques. Je me retiens beaucoup, j'attends ce jour où je vais avoir un déclic.
En juin dernier, vous vous êtes qualifiée pour les Jeux de Paris 2024. Qu'est-ce que cette compétition représente pour vous ?
Cette qualification aux Jeux olympiques, c'était une revanche envers moi-même. Il y a trois ans, en 2021, j'avais échoué à me qualifier pour Tokyo exactement au même endroit, au Salvador, contre la même adversaire. Donc cette année, la pression était très forte sur mes épaules. Les Jeux vont se dérouler à la maison, il y a beaucoup de gens qui me soutenaient. La semaine a été interminable, riche en émotions. J'essayais de faire de mon mieux à chaque série et ça passait. Ça a été un vrai soulagement de décrocher de billet. C'était mon plus grand rêve de participer à mes premiers Jeux olympiques à la maison et il va se réaliser.
En tant que local, vous serez également très attendue. Comment allez-vous gérer cette pression ?
Je me suis posée cette question. Je vais représenter Tahiti, la France, tous les gens que j'aime. Mes proches veulent que je réussisse. Je ne peux que donner le meilleur de moi-même pour ne pas avoir de regrets. Que je perde ou que je gagne, mon entourage m'aime donc je n'ai pas vraiment cette pression-là.
À moins d'un an de la compétition, quelles sont les prochaines étapes pour vous ?
2023 est une grosse année pour moi. Si j'ai atteint mon premier objectif en décrochant mon billet pour les Jeux olympiques, j'aimerais aussi me qualifier dans le top 17 mondial. J'ai encore un mois de compétition qui m'attend avec des étapes au Portugal et au Brésil. Ensuite, je me concentrerai sur la saison suivante avec Paris 2024 en ligne de mire, des entraînements très ciblés et une équipe soudée autour de moi pour gérer tout ça. Je pense que je suis sur le bon chemin.
Quelle est la surfeuse que vous admirez le plus ?
Stéphanie Gilmore, sans hésitation. Elle a été championne du monde à huit reprises. J'aime sa manière de surfer tout en puissance, mais aussi avec beaucoup de grâce, de fluidité et un sourire qui ne la quitte pas.
Un rêve que vous aimeriez accomplir ?
Devenir championne du monde et remporter une médaille d'or aux Jeux olympiques.
Un conseil pour une débutante en surf ?
Sois patiente. Quand on surfe, notre terrain de jeu change constamment. Les vagues peuvent être plus ou moins grosses. Et quoi qu'il arrive, tu vas beaucoup tomber. Les meilleur-e-s au monde aussi tombent tous les jours ! Donc ne cesse jamais de croire en toi.