Anaïs Rigal, ex conductrice de camion devenue para athlète : "Je préfère ma vie d'aujourd'hui à celle d'avant mon accident"

Membre de l'équipe de France de volley assis, Anaïs Rigal sera de la partie lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Une consécration que cette sportive de toujours n'aurait pu imaginer il y a quatre ans.

Anaïs Rigal, ex conductrice de camion devenue para athlète : "Je préfère ma vie d'aujourd'hui à celle d'avant mon accident"
© Anaïs Rigal

Du 28 août au 8 septembre 2024, Paris accueillera 4 400 athlètes venu-e-s de 184 pays pour disputer les Jeux paralympiques. Parmi elleux, Anaïs Rigal, membre de l'équipe de France de volleyball assis, une discipline encore peu connue en France. Ici, deux équipes de six joueuses assises par terre (d'où le nom) s'affrontent. Les matchs se remportent en trois sets gagnants sur cinq au maximum, chacun comptant 25 points, excepté le dernier qui ne comporte que 15 points. Le terrain est un peu plus petit qu'un terrain de volleyball "classique" et le filet est situé à 1,05 m pour les femmes. Autre différence : les volleyeuses ne peuvent se déplacer qu'en glissant en position assise et doivent toujours avoir un contact avec le sol. Des règles qui entraînent des échanges rapides et de nombreux contres. Une discipline dont Anaïs Rigal n'avait jamais entendu parler, elle non plus, il y a quatre ans lorsque sa vie a pris un tournant imprévu. "Ma crise de la trentaine a été un peu originale. Je me suis dit : 'Tiens, si je perdais une jambe ?'". Le ton est donné. Lorsque l'on échange avec Anaïs Rigal, il n'est pas question de gêne et de tabou. Victime d'un accident du travail alors qu'elle était conductrice poids lourds en décembre 2019, la jeune femme est amputée quelques mois plus tard et perd sa jambe. Une épreuve que celle qui a toujours fait du sport traverse, entourée des siens : "Il y a eu des moments difficiles avec des douleurs, notamment lorsque j'ai dû m'habituer à la prothèse ou réapprendre à marcher. J'avais du mal avec les cicatrices, mais ma jambe de robot, je la trouvais belle. Et j'ai pris la suite comme un défi à relever." 

La naissance d'une passion

Après sa rééducation qu'elle termine en juin 2020, elle ne se fixe aucune limite : "Ça a été progressif. J'ai fait un peu de fitness au départ pour me réapproprier mon corps, du vélo, du squash, du football, du jet-ski…" Et même du parapente en octobre de la même année. Jusqu'à tomber sur une publication sur Facebook de la fédération française de volleyball. "J'ai simplement commenté un post qui proposait de découvrir le volley assis. On m'a contacté pour me dire que si je souhaitais essayer la discipline, il y avait un club près de chez moi", explique Anaïs Rigal. Nous sommes en mai 2021. Si elle a déjà fait de l'escrime ou du handball, la sportive n'a jamais touché un ballon de volleyball : "Ça m'a tout de suite plu. J'ai découvert l'ambiance propre à ce sport, sa bienveillance. C'est aussi l'une des disciplines les plus inclusives que je connaisse. En club, hommes et femmes, valides et non-valides jouent ensemble [à l'international, hommes et femmes sont séparé-e-s et seuls les non-valides peuvent concourir, ndlr]. Et comme nous n'avons pas besoin d'un fauteuil, cela élimine la barrière économique qui peut être un gros frein pour certaines pratiques." Sur le terrain du club de Bordeaux, elle recroise une amie, Karen Faimali-Meger, rencontrée dans son centre de rééducation. Ensemble, les deux femmes sont contactées pour participer à un stage avec le collectif France en août 2021. L'aventure est lancée. 

Anaïs Rigal joue au volleyball assis depuis 2021 © Anaïs Rigal

Un soutien de taille

"J'étais au bon endroit, au bon moment. Quand je suis arrivée dans le groupe France, nous étions une dizaine, nous avions tout à créer. Jamais je n'aurai pensé me retrouver là, un an après mon amputation. J'ai fait mon premier déplacement avec l'équipe de France en Finlande, au bord d'un lac gelé. C'est un souvenir inoubliable. En montant dans l'avion, j'ai regardé mon amie Karen et je lui ai dit : 'Qu'est-ce que nous sommes en train de vivre ?' Et avec les Jeux paralympiques qui approchent, cela prend encore une autre ampleur", détaille Anaïs Rigal. Pour préparer cette grande échéance, la volleyeuse s'entraîne cinq fois par semaine dans son club, le Volley-Ball Club le Haillan, et prend part à un stage "équipe de France" chaque mois. Un rythme intense, qui va s'intensifier à l'approche des Jeux, et qu'elle combine avec son travail d'exploitante transport au sein de l'entreprise Dachser : "Au moment de mon embauche, j'ai expliqué ce projet sportif, les entraînements, les stages et les absences que cela impliquait… Mon employeur s'est totalement adapté. Je me sens soutenue, supportée. Lorsque je suis rentrée des championnats d'Europe l'année dernière, il y avait une photo de moi en plein service sur mon écran avec un mot de félicitations. Je suis chanceuse, mais ce n'est pas le cas de toutes les filles présentes en équipe de France."

Briller et faire briller

Lors des matchs qui se dérouleront dans l'Arena Paris Nord de Villepinte, Anaïs Rigal sera une nouvelle fois soutenue, par ses parents cette fois : "Ils ont déjà leurs places. Ils ont été tellement inquiets au moment de mon accident que je ressens le besoin de leur prouver que tout va bien : dans mon quotidien, au travail, dans le sport. Je veux les rassurer pour de bon et faire briller leurs yeux. C'est une fierté pour moi de les rendre fiers." Outre ses proches, la jeune femme de 34 ans compte bien se servir de la médiatisation de la compétition pour faire passer des messages à tous les Français : "Dès le début du projet, j'ai pris conscience du rôle que j'avais en tant que femme et en tant que personne non-valide. J'aimerais que l'on communique plus sur le handicap, sans s'apitoyer, et pas seulement lorsque les Jeux paralympiques approchent. Nous devons faire évoluer les mentalités, faire prendre conscience aux personnes en situation de handicap qu'elles doivent oser sans se fermer de portes. J'ai aussi envie de dire aux personnes valides d'arrêter d'avoir peur, de se sentir gênées et de venir nous voir. Et arrêtez de vous garer sur les places handicapé-e-s ! " L'humour caustique de la volleyeuse a encore frappé. Il n'a pourtant pas toujours été là : "Avant mon accident, j'étais très timide, triste, renfermée. Cet accident m'a révélée. Tu me proposes de récupérer ma jambe, je n'en veux pas. Je préfère ma vie d'aujourd'hui à celle d'avant. Comme beaucoup d'êtres humains, c'est souvent quand on est au pied du mur qu'on se réveille." Et, que ce soit dit, Anaïs Rigal n'a aucunement l'intention de se reposer sur ses lauriers.

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