"Après une éducation ultra-conservatrice, j'ai découvert les joies de la masturbation à 45 ans" (Pascale, 50 ans)

La lecture d'un article dédié au plaisir féminin a changé la vie de Pascale...

"Après une éducation ultra-conservatrice, j'ai découvert les joies de la masturbation à 45 ans" (Pascale, 50 ans)
© 123rf-oneinchpunch

Je suis née dans une famille catholique du nord de la France. Mes parents n'étaient pas très pratiquants, mais ils restaient imprégnés de leur culture religieuse. Mon père avait surtout beaucoup souffert durant son enfance, car ma grand-mère avait eu trois maris. Même si les deux premiers étaient morts, la culture de l'époque ne tolérait pas qu'une femme refasse sa vie. C'était d'autant plus le cas dans les petits villages comme celui où avait grandi mon père. Pendant de longues années, il avait entendu que sa mère était une catin. Il en a tellement souffert qu'il a fini par donner raison à ses tortionnaires. Devenu adulte, rien ne lui faisait plus peur qu'enfanter une femme de petite vertu. Je suis donc née en portant les traces de ce passé douloureux et mon père a rapidement gardé un œil sévère sur mes fréquentations. De mon côté, les hommes ne m'intéressaient pas plus que ça. J'étais passionnée par la danse, le reste comptait peu.

J'ai eu mon premier admirateur lorsque j'avais seize ans. Timide, il m'a déclaré sa flamme en écrivant une lettre qu'il a déposée dans ma boîte aux lettres. C'est malheureusement mon père qui est tombé dessus… J'ai été lourdement réprimandée. Malgré mon innocence, mon père a été clair : j'avais pour interdiction formelle de fréquenter un homme. J'étais plutôt bonne élève et un avenir dans le domaine sportif m'ouvrait les bras. Je n'avais pas intérêt à tout gâcher. Pire encore, je pourrais tomber enceinte. Mon futur en serait compromis, je n'aurais d'autre choix que de me marier en urgence et de passer le reste de ma vie à la maison. Pour moi, la question ne se posait pas. J'avais des ambitions professionnelles et l'amour n'était pas ma priorité, loin de là.

"Nous avons réessayé plusieurs fois, j'avais tout le temps mal"

Le problème, c'est que je n'avais reçu aucune éducation sexuelle, ni même d'éducation amoureuse. Alors que je ne savais pas encore comment on faisait l'amour, j'avais intégré que le sexe était une chose honteuse et taboue. J'avais surtout conscience de ses dangers : celui de tomber enceinte, d'attraper le sida et d'être la risée de tous. Du reste, je n'en savais rien. La notion de plaisir sexuel était totalement absente, celle d'une union entre deux êtres aussi. Je me suis donc tenue sagement éloignée de la sexualité et de toute forme de relation amoureuse, jusqu'à ce que je rencontre mon mari à l'âge de 24 ans. La première fois que j'ai fait l'amour avec Michel, ce fut douloureux. Lui, avait un peu plus d'expérience, mais il semblait déconnecté du plaisir féminin. Nous avons réessayé plusieurs fois, mais j'avais tout le temps mal. Michel en était désolé, il ne comprenait pas pourquoi je souffrais. Il ne s'était jamais retrouvé dans une telle situation. J'ai vu plusieurs spécialistes, mais aucun d'eux ne fut capable de me dire ce que j'avais. Physiquement, tout était normal. Pas un seul ne m'a parlé de lubrifiant, de clitoris ou de vibromasseur. Avec le temps, nous avons limité le sexe à son utilité première : procréer. Nous avons eu deux merveilleux enfants, puis avons totalement arrêté de faire l'amour.

"J'avais l'impression de faire une bêtise"

Jusqu'au jour où je suis tombée sur un article dans un magazine féminin. Au fil des lignes, j'apprenais l'existence du clitoris, cet organe dédié uniquement au plaisir féminin. J'ai dévoré l'article, puis j'ai refermé le magazine et je l'ai caché dans ma table de nuit, comme s'il s'agissait d'un objet obscène. Pourtant, l'idée de pouvoir me procurer du plaisir ne me quitta plus. Les propos lus dans le magazine me revenaient chaque jour en tête. Le dimanche suivant, je me suis retrouvée seule à la maison. Michel et les enfants faisaient une après-midi tennis, j'avais du temps devant moi. J'ai allumé mon ordinateur et j'ai tapé " plaisir féminin ". J'ai découvert un monde parallèle : des dizaines d'articles sur le sujet, m'expliquant comment explorer mon propre corps. D'après certains spécialistes, le clitoris comptait 8000 terminaisons nerveuses… dédiées à mon unique plaisir. Sur le coup, ça m'a fait tourner la tête ! Mais j'ai directement voulu essayer, je disposais encore d'une bonne heure avant que mes enfants et mon mari reviennent. Le premier test n'a pas été très concluant. J'avais beau être seule, je ressentais le poids de mon éducation. J'étais incapable de me détendre. Comme une enfant qu'on risquait de gronder, j'avais l'impression de faire une bêtise.

"Je me suis allongée sur mon lit, j'ai fermé les yeux"

Le dimanche suivant, j'ai réitéré l'expérience. Mais cette fois, j'ai d'abord lu des témoignages de femmes. Elles y expliquaient pourquoi le plaisir féminin était si tabou et comment elles avaient réussi à dépasser les injonctions qui pèsent sur nos épaules. Ces articles m'ont fait beaucoup de bien, je me suis reconnue dans leurs mots. Après une bonne heure de lecture, je me suis allongée sur mon lit, j'ai fermé les yeux et j'ai commencé à me toucher. J'ai eu du mal à faire le vide, mais petit à petit, j'ai eu une première sensation agréable, vibrante. Au bout de quelques minutes de découverte, une nouvelle sensation, d'une force herculéenne, s'est emparée de moi. Comme une vague de joie qui envahissait mon corps tout entier. Ma tête tournait tant que j'ai mis plusieurs secondes à comprendre. Je venais d'avoir mon premier orgasme.

Ce fut une véritable révolution. Les semaines suivantes, je m'arrangeais pour réussir à me masturber tous les deux jours. A chaque fois, j'avais l'impression que c'était similaire et inédit. Mais je commençais à avoir du mal à le cacher à mon mari. D'ordinaire, nous n'avions aucun secret l'un pour l'autre. Après des semaines d'hésitations, je lui ai proposé de faire dormir les enfants chez des amis, histoire d'avoir la maison rien que pour nous. Michel sembla étonné, ça n'était jamais arrivé. Il voulut en savoir plus, mais j'ai réussi à garder le mystère jusqu'au jour fatidique.

"Après 20 ans de mariage, nous avons découvert comment nous donner du plaisir"

Le soir, nous sommes allés au restaurant et en rentrant, je lui ai tout raconté. Pour être honnête, j'étais assez anxieuse. Malgré le chemin parcouru et les années passées ensemble, j'avais peur qu'il me juge, qu'il me rejette, qu'il se vexe. Il me rassura très vite : il était sincèrement heureux pour moi et enchanté par l'éventualité que nous puissions explorer une nouvelle sexualité. Nous sommes allés dans notre chambre et je lui ai montré ce qui me plaisait. Pour la première fois de ma vie, je n'ai pas eu mal lorsque nous avons fait l'amour. Michel m'a même donné un orgasme magnifique. Je n'oublierai jamais cette soirée. Depuis, je me masturbe encore de temps en temps, mais j'ai surtout appris à connaître mon mari dans le cadre intime. Après 20 ans de mariage, nous avons découvert comment nous donner du plaisir mutuellement. Ce fut une deuxième jeunesse, qui encore aujourd'hui, n'a pas pris une ride !