Solenne Piret, championne du monde de para escalade : "Je me suis mise à cette discipline après une psychotérapie"

Une ascension à toute vitesse. À 31 ans, Solenne Piret cumule quatre titres de championne du monde de para escalade. Mais cette grimpeuse française, née avec une agénésie de l'avant-bras droit, a pourtant connu une longue pause dans sa pratique. Pour revenir encore plus forte. Interview.

Solenne Piret, championne du monde de para escalade : "Je me suis mise à cette discipline après une psychotérapie"
© Solenne Piret aux championnats du monde à Innsbruck le 14 septembre 2018/Sipa

Devenue championne du monde de para escalade après ses études d'architecte, Solenne Piret est l'un-e des spécialistes de la discipline en France. Rencontre avec l'athlète, qui, avec le soutien d'Arkose, le leader de l'escalade tricolore, a pu faire transformer sa passion en profession.

Journal des Femmes : Comment avez-vous commencé l'escalade ?
Solenne Piret :
Mes parents sont grimpeurs. Tous les dimanches, iels nous embarquaient avec mes frères et sœurs à Fontainebleau. C'était la sortie du week-end, on allait en forêt et on prenait l'air.  Mais à l'adolescence, j'ai décidé d'arrêter. Je suis partie à Strasbourg suivre mes études d'architecte.

Vous vous êtes remis à ce sport en 2017. Quel a été le déclic ?
J'ai fait une psychothérapie qui m'a ouvert les yeux sur les limites que je me mettais. L'escalade est peu à peu revenue dans un coin de ma tête. J'avais des ami-e-s qui pratiquaient en salle, je les ai accompagné-e-s avec l'envie de me reconnecter avec ce sport d'enfance. Et je suis retombée amoureuse de la discipline.

Comment passe-t-on de passionnée d'escalade à quadruple championne du monde en seulement quelques années ?
Je suis venue à la compétition, car j'ai croisé un para grimpeur, Julien Gasc, dans ma salle. Il est amputé d'une jambe et grimpe avec une prothèse. Je ne connaissais même pas l'existence du para escalade ! Il m'a vu à l'œuvre, m'a parlé des compétitions, des gens de ma catégorie avec le même handicap… Et là, ça a été une révélation, alors que quelques années plus tôt, j'étais persuadée de détester la compétition. Je suis née avec mon handicap, j'ai toujours grandi en inventant des manières de m'adapter. L'escalade, ç'a été comme pour tout dans ma vie : j'ai composé. Je pense d'ailleurs qu'il y a certains mouvements pour lesquels mon handicap m'avantage par rapport à des grimpeur-euse-s valides.

Qu'est-ce que vous aimez le plus dans votre pratique ?
Être dans le moment présent. Lorsque tu grimpes, tu es concentrée sur ce qui se passe, sur tes sensations. C'est un état de pleine conscience que j'ai du mal à atteindre autrement.

À quoi ressemble votre quotidien de grimpeuse ?
Cela dépend des échéances. Par exemple, avant les championnats du monde, je m'entraînais 4 à 5 fois par semaine. Je fais aussi de la préparation physique générale pour travailler sur l'explosivité, le gainage, la souplesse et la mobilité.

Aujourd'hui, vous vivez de votre pratique ?
Oui, c'est la première année. Avant, j'étais architecte et je ne savais même pas qu'il était possible d'en vivre. Je mesure la chance que j'ai d'avoir aujourd'hui des sponsors comme Arkose qui me permettent de me consacrer pleinement à ce sport.

Si l'escalade est au programme des Jeux olympiques de Paris 2024, ce n'est pas le cas du para escalade...
Oui, le processus est long pour devenir sport paralympique. Il faut qu'un certain nombre de championnats du monde aient lieu, qu'il y ait un certain nombre de pratiquant-e-s aussi. Mais le para escalade est encore jeune ! Nous attendons en ce moment-même la réponse pour une possible participation aux Jeux paralympiques de Los Angeles en 2028.

Qu'est-ce que cette compétition représente pour vous ?
Pour tout sportif, les Jeux paralympiques sont mythiques. Mais pour l'instant, c'est une opportunité à laquelle je n'ose pas rêver.

Vous venez de remporter votre quatrième titre de championne du monde de para escalade. Est-ce que c'est toujours aussi bien, même après quatre victoires ?
C'est même encore mieux. La pression augmente à chaque compétition et ce n'est vraiment pas évident de remettre son titre en jeu. J'étais très stressée pour cette édition. En finale, je fais un peu n'importe quoi en bas de la voie avant de me reconcentrer. Je me suis dit : "allez, tu dois aller jusqu'en haut". C'est passé en un éclair.

Quels sont vos prochains objectifs ?
Rester à la première place. Il va y avoir plusieurs étapes de coupe du monde qui vont s'enchaîner. Puis, j'aimerais aussi grimper en extérieur. C'est très différent. Que l'on soit en situation de handicap ou non, l'échelle de cotation est la même pour tout le monde. 

Quel conseil donneriez-vous à une débutante en escalade ?
Ne te mets pas de limite. C'est un message universel, valable pour l'escalade, mais pas seulement. C'est ce que j'ai appris au fil des années et ce que j'apprends encore tous les jours. Et pourtant, j'ai une excuse toute trouvée pour ne pas réussir à faire telle ou telle chose.

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