Caster Semenya : "Je ne laisserai personne décider de mon destin"

Ancienne spécialiste du 800 mètres, la Sud-Africaine Caster Semenya a pris part le dimanche 2 juillet 2023 à la course We Run Paris : les 10km du PSG. L'occasion pour le Journal des Femmes de rencontrer la championne et de l'interroger sur la deuxième partie de sa carrière.

Caster Semenya : "Je ne laisserai personne décider de mon destin"
© Caster Semenya le 20 juillet 2023 par Ashley Landis/AP/SIPA

Le monde avait découvert son visage et sa foulée à l'été 2009. Du haut de ses 18 ans, Caster Semenya remportait le titre de championne du monde du 800 mètres, à Berlin, en 1 min 55 s 45. Mais quelques heures avant sa finale, des interrogations venaient troubler la préparation de l'athlète sud-africaine née en 1991 à Pietersburg. On lui trouve un corps trop musclé, une voix trop grave… L'IAAF (connue aujourd'hui sous le nom de World Athletics) décide de la soumettre à un "test de féminité". Le début d'une longue bataille entre Caster Semenya et les instances internationales pour avoir le droit de courir et d'être pleinement elle-même. 

Un "avantage" qui dérange

Car au fil des ans, la Sud-Africaine enchaîne les titres. L'or à deux reprises lors des Jeux olympiques de Londres (2012) puis de Rio (2016), elle compte aussi trois titres mondiaux sur le double tour de piste à son palmarès. Une brillante carrière qui ne se fait pas sans heurts. Ce qu'on lui reproche ? Son hyperandrogénie. Son taux de testostérone élevé lui donnerait un avantage sur ses concurrentes. En avril 2018, l'IAAF finit par légiférer et impose aux sportives concernées de prendre un traitement pour réguler ce taux. Une décision contre laquelle Caster Semenya s'insurge. Ce samedi 1er juillet, lors d'une conférence de presse organisée au Parc des Princes par son sponsor, Nike, l'athlète est revenue sur ce tournant dans sa vie : "On me dit que je ne suis pas assez féminine. Ça doit s'arrêter : je suis qui je suis. Une joueuse de basketball plus grande que les autres, personne ne lui demande de se couper les jambes. Chacun a des dons. Si j'ai cet « avantage », c'est parce que je suis née comme ça ! Je ne vais pas commencer à m'injecter des médicaments pour me mettre au niveau des autres". Elle fait appel devant le Tribunal Arbitral du Sport pour discrimination, mais perdra finalement cette bataille en mai 2019. Désormais, elle ne peut plus courir sur les distances allant du 400 m au 1500 m, courses où l'on estime que le taux de testostérone est un facteur déterminant de la performance. Mais Caster Semenya n'est pas du genre à renoncer : "Quand on dit que c'est pour « protéger » le sport, je n'y crois pas. Ça n'arrive absolument jamais dans le sport masculin. Les femmes ne sont pas autorisées à être exceptionnelles."

Un nouveau départ

Si elle ne peut désormais plus s'aligner sur sa distance de prédilection, l'athlète se lance dans l'aventure du demi-fond. "Je n'ai pas modifié ma façon de m'entraîner. Seul le volume change. Je suis désormais concentrée sur le kilométrage et l'endurance. Avant, je travaillais beaucoup ma vitesse et ma puissance", explique Caster Semenya. Un nouveau challenge pour lequel son sponsor principal continue à la soutenir : "Nike ne m'a jamais abandonné. C'est comme une famille, un pilier sur lequel j'ai toujours pu me reposer. Ils sont tout pour moi." En 2022, elle réussit à se qualifier pour le 5000 m des championnats du monde d'Eugene, aux États-Unis. Si elle ne passe pas le cap des séries, elle continue de tracer sa route. Ce dimanche 2 juillet, elle a pris le départ de la première édition de We Run Paris – les 10 km du PSG. Une course qui opposait 12 000 participant-e-s et qu'elle a bouclé en 34 minutes et 27 secondes, finissant à la première place chez les femmes : "Quand on m'a proposé de participer à ce 10 km, j'ai dit oui tout de suite. J'adore Paris, j'ai réalisé certaines de mes meilleures performances ici. Je ne sais pas ce que les Français pensent de moi, mais moi, je les aime. En plus, en tant que grande fan de football et du PSG, cette course était une évidence."

Le bonheur comme seul guide

Si Caster Semenya a opté pour cette nouvelle voie, elle n'en oublie pas pour autant son combat : celui de faire triompher son droit à être pleinement elle-même. Son abnégation est telle que l'on se demande parfois comment elle a réussi à ne jamais jeter l'éponge : "J'ai le pouvoir de faire ce dont j'ai envie, au moment où j'en ai envie. Je ne laisserai personne décider de mon destin." Grâce à son caractère résilient, Caster Semenya a même tiré profit de cette lutte : "Si j'en suis là aujourd'hui, c'est grâce à l'amour que je me porte. Je suis quelqu'un de très positif, tout ce qui compte pour moi, c'est d'être heureuse. C'est la seule chose dont je me soucie." Un parcours exceptionnel qui force le respect et qui a fait d'elle une icône du féminisme : "Ce n'est pas toujours facile d'être au centre de l'attention. Il faut toujours être au meilleur de sa forme pour renvoyer aux autres une certaine image, qu'ils ne voient pas en eux-mêmes. Mais j'aime ça ! Je fais en sorte que les choses changent et je continuerai à le faire. Je suis un problème et je continuerai à l'être !"

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