Je suis handi athlète, j'ai 44 ans, deux enfants et je rêve de représenter la France aux Jeux paralympiques

Actuellement 5ème joueuse française de tennis fauteuil, Sandrine Cauderon Paulin, 44 ans et mère de deux enfants, pourrait bien participer aux Jeux paralympiques de Paris 2024. Un rêve qui est aujourd'hui possible grâce au soutien de son entreprise, Randstad.

Je suis handi athlète, j'ai 44 ans, deux enfants et je rêve de représenter la France aux Jeux paralympiques
© Christophe Pouget

Il suffit parfois d'un instant et la vie que vous aviez imaginé change à jamais. Sandrine Cauderon Paulin peut témoigner de ces fractions de secondes qui viennent balayer toutes les croyances, les attentes et les espoirs en un rien de temps. Pour le meilleur ? Au cours de sa vie, cette femme de 44 ans, originaire de la région lyonnaise, en a vécu au moins deux. Le premier survient en 2007. Consultante en recrutement chez Randstad Search depuis un an, elle est victime d'un grave accident : "J'étais une cavalière très occasionnelle. En vacances, je monte à cheval avec des ami-e-s. Je suis au trot, puis je demande si je peux faire un galop. On me dit oui. Quelques secondes plus tard, j'étais au sol. Je suis tombée sur les fesses et là, ma colonne vertébrale s'est tassée. Sous la violence du choc, j'ai une vertèbre qui a explosé dans la moelle épinière. Je me suis retrouvée paraplégique à 28 ans, l'année au cours de laquelle j'étais en train de divorcer."

Pas le droit de déprimer

Un drame que Sandrine Cauderon Paulin prend avec philosophie : "J'ai un caractère résilient. J'ai toujours tendance à me dire que si ça m'arrive, ce n'est pas pour rien. Même lorsque les pompiers sont intervenus, j'ai trouvé le moyen de les faire rire. De toute façon, ça ne pouvait pas être pire !" Elle passe quinze jours en soins intensifs, puis se rend dans le centre de rééducation d'Hauteville-Lompnes, dans l'Ain. "On m'a expliqué que ce qui ne marcherait plus dans six mois ne marcherait plus jamais. Mais que ce qui allait évoluer d'ici là pourrait changer. J'ai compté les mois et je me suis dit que je n'avais pas le droit de déprimer." Côté travail, son responsable chez Randstad lui dit de se concentrer sur sa rééducation, que sa place l'attendra à son retour : "Ça vous enlève un gros poids de la poitrine. Je suis passée en mode warrior. Et en février, je suis sortie sur mes deux jambes." Sandrine Cauderon Paulin réussit en effet à retrouver l'usage de ses quadriceps et de ses genoux : "Mes pieds ne fonctionnent pas. J'ai dû subir de nombreuses opérations pour que je puisse poser mon talon en premier. Aujourd'hui, je marche les pieds très ouverts, un peu comme une femme enceinte. Mais dès que j'ai pu me mettre debout, c'était chouette. Car notre pays n'est pas du tout adapté aux personnes en fauteuil roulant." Progressivement, la vie reprend. Sandrine Cauderon Paulin retrouve, comme promis, son travail chez Randstad en octobre 2008 après avoir passé son permis sur une voiture adaptée. Elle rencontre son mari, kiné, avec qui elle a deux enfants, né-e-s en 2010 et 2013 : "Mon fils et ma fille me demandent parfois si je regrette ma vie d'avant mais je ne peux pas, car iels ne seraient pas là."

La réunion de deux mondes

Le deuxième instant qui change la trajectoire de Sandrine Cauderon Paulin survient en 2018. Celle qui jouait au tennis dans son enfance et son adolescence s'investit alors dans le club local : "J'allais à quelques réunions administratives et à chaque fois, je m'asseyais face à une affiche de para tennis. Une fois. Deux fois. Je dis à une amie que je pourrais essayer. Je n'avais pas terminé ma phrase qu'elle avait déjà saisi son téléphone. En juillet 2018, je me pose dans ce fauteuil pour la première fois. Je n'ai pas le temps de réfléchir et on m'envoie une première balle. Je frappe et là, j'ai mes deux mondes qui se raccrochent : ma vie d'avant et ma vie d'handicapée. Le bruit de la balle, son odeur, le terrain, le mouvement, la raquette… C'était ça que je voulais faire."

Sandrine Cauderon Paulin sur le court © Sandrine Cauderon Paulin

Après plusieurs mois de galère pour se procurer un fauteuil adapté, Sandrine Cauderon Paulin attaque les entraînements avec un ami à raison d'une ou deux heures par semaine. Les débuts sur le court ne sont pas simples. Si la consultante a gardé sa frappe et sa technique, elle a des lacunes avec le fauteuil : "Ce ne sont pas les mêmes placements et ce n'était pas instinctif pour moi. Au départ, mon cerveau restait focalisé sur le tennis valide, ce qui générait beaucoup de frustration." Mais son potentiel ne passe pas inaperçu. La sportive participe à ses premiers tournois et monte rapidement dans le classement national, soutenue par sa famille, ses proches et ses collègues : "Fin 2019, je suis 10ème française et je dois parfois partir plusieurs jours pour participer aux compétitions. Comme je suis maman, j'essaie de faire des tournois qui ne nécessitent pas que je dorme sur place. Ça me coûte de l'argent, tous mes congés y passent."

Un nouveau rêve à portée de main

Puis le Covid débarque et avec lui, un changement à la tête de la direction du groupe Randstad France, avec l'arrivée de Frank Ribuot : "On change de mode de fonctionnement, il est très accessible et un jour, il publie une vidéo qui parle de positivisme sur LinkedIn. Avec mon parcours, j'engage la conversation." Sandrine Cauderon Paulin s'aperçoit très vite qu'il est un fin connaisseur du tennis fauteuil et sensible au handicap. Après une rencontre sur un court à la fin de la pandémie, un sponsoring se met en place. L'entreprise prend en charge l'achat d'un nouveau fauteuil et ses frais de déplacements dès 2021. Mais la joueuse a du mal à faire face à des adversaires qui s'entraînent six heures par jour tandis qu'elle a conservé son rythme de deux heures chaque semaine. Après une troisième place aux championnats de France et le soutien de la Fédération française de tennis, Sandrine Cauderon Paulin passe à mi-temps avant d'être finalement détachée à 100 % depuis septembre 2022. Un engagement qui a porté ses fruits. Si elle est aujourd'hui la 5ème joueuse française, elle fait aussi partie des 40 meilleures joueuses de tennis-fauteuil au monde : "Mon nouveau métier, c'est de m'entraîner. Quatre jours par semaine, je suis sur le court trois heures le matin et je fais de la préparation physique l'après-midi pendant deux heures." Le tout en conservant du temps pour ses rendez-vous de santé et sa famille.

Les Jeux paralympiques de Paris 2024 en ligne de mire

Pour faire partie de la sélection, Sandrine Cauderon Paulin devra intégrer d'ici l'année prochaine le top 4 français, être dans le top 25 mondial et avoir participé à une coupe du monde. Un défi qu'elle se donne les moyens de réussir : "Je suis très entourée. J'ai une coach, Camille Cheli, une amie diététicienne, un frère ostéopathe, un mari kiné, un coach mental. C'est une belle aventure. Jamais dans ma vie d'avant, je n'aurais imaginé toucher du doigt les Jeux olympiques. Ça me met la pression, car je ne veux pas décevoir. Même si dès le début, Frank Ribuot a expliqué qu'on ne savait pas si j'allais y arriver, mais qu'on allait me donner les moyens de le faire."

Lorsqu'on lui demande si elle a un message à faire passer à nos lecteur-rice-s, Sandrine Cauderon Paulin répond : "Ne vous mettez pas de frein. Quand on est handicapé-e, on a tendance à se dire que notre entreprise est déjà bienveillante en nous donnant un travail et une voiture adaptée, qu'on ne va peut-être pas demander un sponsoring en plus. Mais vous n'avez rien à perdre. Au pire, on vous dira non. Osez !" Comme le disait le cinéaste François Truffaut, la vie a, de toute manière, beaucoup plus d'imagination que nous.   

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