Comment limiter l'impact des polluants durant la grossesse ?
Pour préserver la santé des enfants à naître et limiter les risques de complications face aux perturbateurs endocriniens et aux polluants, des experts et chercheurs livrent leurs conseils pour permettre aux futurs parents d'adopter une meilleure hygiène de vie, au quotidien.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, 24% des décès (soit 13,6 millions par an) et 25% des pathologies chroniques dans le monde peuvent être attribués à des facteurs environnementaux. En outre, plus d'un quart des décès d'enfants de moins de 5 ans sont attribuables à la pollution de l'environnement. Sans compter le fait que l'exposition aux particules fines seraient responsables de 18% des accouchements prématurés à travers le monde. A l'occasion de la journée mondiale de l'Environnement qui a lieu le 5 juin 2022, La Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) soutient des projets visant à améliorer la santé de la population. Des experts et chercheurs nous livrent leurs conseils pour mieux prévenir les risques, notamment pendant la grossesse et après l'accouchement afin d'aider les futurs parents à adopter les bons comportement durant la période périnatale.
1 - La bonne hygiène de vie des futurs papas
Tout doit commencer avant la conception et les futurs pères ont leur rôle à jouer : pour avoir une bonne qualité de spermatozoïdes et favoriser la viabilité des futurs gamètes, il convient de changer quelques règles d'hygiène de vie, environ 2 à 3 mois avant de concevoir un enfant. De plus, la spermatogénèse (le renouvellement complet des spermatozoïdes) est d'environ 74 jours chez l'homme. "En effet, plusieurs études ont rapporté que l'exposition au plomb, aux phtalates et à certains pesticides pourrait avoir des effets néfastes sur la fertilité masculine, notamment avec une réduction de la qualité du sperme, et un raccourcissement du délai de grossesse, entraînant des naissances prématurées. Le stress et l'alimentation du père peuvent également laisser des traces sur ses spermatozoïdes, qui à leur tour pourront jouer un rôle dans le développement du futur enfant", précise le professeur Robert Barouki, qui exerce à la faculté de l'université Paris Cité, et Directeur de l'unité de recherche de l'Inserm.
► Par conséquent, il est recommandé aux papas de ne pas consommer de produits industriels qui contiennent beaucoup d'additifs, de pratiquer une activité physique, ou encore de limiter le sucre et les graisses.
2 - Limiter le plastique pendant la grossesse
Pour Loïc Blanchon, maître de conférence à l'Université Clermont-Auvergne, les phtalates contenus dans les emballages industriels, ainsi que les produits cosmétiques ou alimentaires (bouteille d'eau, barquette de viande, sac de légumes) etc, sont des perturbateurs endocriniens qu'il convient de redouter durant la grossesse. Et pour cause : "ils interfèrent avec notre système hormonal. Lorsqu'ils sont présents au contact des aliments ingérés et/ou en contact avec la peau, ils pénètrent dans l'organisme et peuvent causer des dommages sur les membranes amniotiques. Le danger ? Voir cette membrane se fragiliser trop tôt et se rompre précocement, entraînant ainsi un risque de contamination bactériologique du milieu amniotique stérile (infection fœtale) mais aussi un accouchement prématuré. Aujourd'hui, 30% des naissances prématurées sont dues à une rupture de cette membrane amniotique", explique l'expert.
►Que faire pour minimiser les risques ? On privilégie les aliments frais qui ne sont pas au contact du plastique ; on évite de réchauffer son plat au micro-onde dans une boîte ou une barquette en plastique; on consomme de l'eau, du lait ou des jus de fruits dans des bouteilles en verre. Enfin, pour les produits cosmétiques, utilisez de la même manière des crèmes ou lotions dans des contenants en verre.
3 - Un filtre à eau et des ustensiles de cuisine de qualité
En consommant de l'eau, de la nourriture contaminée ou encore des produits traités (revêtements anti-adhésifs des poêles et autres éléments de cuisson anti-adhésifs), on peut être exposé aux molécules perfluorées (ou PFAS), qui sont des polluants et perturbateurs endocriniens, qui persistent dans l'environnement. "Des études ont montré que certains PFAS perturbent la croissance et le développement de petits animaux. De plus, ils peuvent avoir des effets néfastes particulièrement sur la reproduction, le fonctionnement de la thyroïde et du foie, ainsi que sur le système immunitaire", précise Nabila Jabrane-Ferrat,
Directrice de recherche au CNRS. Par ailleurs, les PFAS peuvent franchir la barrière du placenta atteignant alors le foetus.
► Pour limiter l'absorption de ces substances, il convient d'installer un filtre à eau sur les robinets afin de filtrer ces PFAS et autres particules fines, potentiellement nocives pour l'organisme. Il est également conseillé de vérifier les ustensiles de cuisine, quitte à investir dans de nouvelles casseroles ou poêles pour cuisiner.
4 - Consommer bio pour limiter les pesticides, nocifs pour le foetus
"Présents dans notre nourriture, les résidus de pesticides constituent des agents chimiques environnementaux que les femmes enceintes, puis allaitantes, consomment quotidiennement, et dont les effets sur leur progéniture restent méconnus", prévient Martine Cohen-Salmon, Directrice de recherche au CNRS.
► Elle recommande de consommer des produits bio autant que possible, en amont de la grossesse et durant toute la période allant de la maternité à l'allaitement. Préférez également une alimentation biologique sur le long terme, pour votre enfant.
5 - Diversifier son alimentation avant et après l'accouchement
Karine Adel-Patient, Directrice de recherche à l'INRAE s'est quant à elle penchée sur les risques d'allergies chez le bébé. "En France, 5 à 8 % des enfants souffrent d'une allergie alimentaire. Des chiffres qui ne cessent de progresser chaque année et qui amènent à penser que l'environnement et nos modes de vie "modernes" pourraient en être en partie la cause, notamment par le biais de notre alimentation en début de vie mais aussi des aliments que l'on consomme" précise la chercheuse. "Ces aliments sont moins diversifiés, parfois ultra transformés et peuvent contenir de nombreux "contaminants" comme des polluants, perturbateurs endocriniens et pesticides" ajoute-t-elle. Elle explique par ailleurs que le lien entre l'exposition périnatale aux contaminants et le développement d'allergies plus tard dans la vie avait déjà été suggéré par des études, rappelant que certains contaminants peuvent traverser la barrière placentaire.
► L'experte recommande l'allaitement dès la naissance du bébé et la consommation de repas fait maison, ainsi qu'une alimentation variée et équilibrée. Ainsi : plus la nourriture sera variée, moins la quantité d'exposition aux mêmes contaminants sera importante, et moins leur impact sera déterminant chez l'enfant à naître. Elle préconise également d'introduire, dès le 4e mois de bébé, des aliments solides de façon raisonnée et diversifiée pour renforcer le système immunitaire de l'enfant, en lui apprenant à tolérer un plus grand nombre d'aliments, tout en développant son goût.