Enceinte, pourquoi je suis agressive ?

A fleur de peau pendant 9 mois, les futures mamans sont parfois irritables et peuvent réagir au quart de tour face aux remarques de leur entourage. Comment expliquer cette agressivité parfois latente ? Les réponses et conseils de Nathalie Lancelin-Huin, psychologue spécialisée en périnatalité.

Enceinte, pourquoi je suis agressive ?
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Les sautes d'humeur, et notamment la tendance à l'agressivité, peuvent être -en partie- liées aux changements hormonaux qui se manifestent durant grossesse. Mais le bouleversement induit par l'arrivée prochaine d'un enfant peut aussi expliquer cette tendance à réagir au quart de tour comme l'explique Nathalie Lancelin-Huin, psychologue spécialisée en périnatalité à Annecy, auteure de l'ouvrage Le monde insoupçonné de bébé (Ed. Albin Michel) avec Sonia Krief et animatrice du site www.nathalie-t.com 

Les femmes enceintes sont-elles plus agressives ?

Souvent associée à la méchanceté et à une forme de violence, l'agressivité n'est pas liée en soi à la grossesse.  "En revanche, les femmes enceintes ont plus de réactions qui sont plus fortes, et elles les expriment plus que "d'habitude". Elles ressentent plus de colère contre les autres, contre la société, contre l'existence. Mais la colère est l'autre facette de l'apaisement et de la paix. Les futures mamans ont ainsi plus de colère, parce qu'elles ressentent plus l'injustice, et qu'elles aimeraient au fond un monde plus paisible mais aussi parce qu'elles en auraient eu envie et besoin dans leur passé, et qu'elles le souhaitent pour leur enfant à venir. Les femmes enceintes ont envie de mettre au monde leur bébé sur une terre accueillante mais ce n'est pas toujours le cas... Elles sont littéralement "à fleur de peau". Donc elles réagissent, souvent et avec force, quelquefois avec agressivité", explique Nathalie Lancelin-Huin. 

les femmes enceintes ont plus de réactions qui sont plus fortes

La grossesse modifie-t-elle le caractère ?

la grossesse et son bain hormonal n'est pas une raison pour tout s'autoriser comme les coups de gueule ou les coups de grisou

Une idée reçue veut que la grossesse transforme complètement une femme et ce n'est pas la seule ! "La plus connue "est : "Elle est pénible parce qu'elle est enceinte". Soyons honnête, ça arrive, mais des hommes aussi peuvent être pénibles, avec ou sans hormones. A l'inverse, la grossesse et son bain hormonal n'est pas une raison pour tout s'autoriser comme les coups de gueule ou les coups de grisou. Quand on sous entend que la grossesse modifie le caractère, il est difficile de savoir si ce sont les changements d'humeur qui sont pointés du doigt ou si c'est le caractère qu'on appréciait avant (facile/joyeuse/vivante/partante pour tout/confiante, etc.) et que l'arrivée d'un enfant remanie. Evidemment que l'arrivée d'un enfant modifie la donne. La découverte des parents qu'on va devenir aussi. Tout va changer de l'éducation qu'on a eu et qu'on souhaite donner, à la liberté sexuelle parce qu'un "petit intrus" est arrivé en passant par l'organisation du quotidien plus aussi souple et les activités de loisir modifiées momentanément", précise Nathalie Lancelin-Huin.

Donc aucune raison de s'inquiéter concernant un changement de caractère chez les futurs nouveaux parents. Non, ils ne vont pas devenir des mutants, se perdre et ils pourront toujours se reconnaître. Toutefois, ils vont découvrir des nouvelles facettes d'eux et de l'autre. Autant de nouveautés demande naturellement une période de transition et d'adaptation au couple. Il faut juste le savoir avant, se le dire en couple et se le rappeler le moment venu", explique Nathalie Lancelin-Huin.

Comment gérer ces excès d'humeur ?

A chacun ses recettes pour mieux vivre ces moments où tout devient insupportable et surtout les membres de son entourage.  Savoir qu'il peut y avoir des pics émotionnels est la base", explique l'experte. "Dormir est un pilier de l'équilibre émotionnel : il faut faire des micro-siestes, dormir alternativement avec des bouchons d'oreille et se se coucher tôt, soit avant 21h30. Je conseille aussi aux couples qui sont concernés par ces mouvements d'humeur de la future maman de se parler après les pics et pas pendant, car c'est alors prendre le risque de se dire des choses qu'on pense à chaud dans l'instant, qu'on peut regretter après et que l'autre n'oubliera pas", note Nathalie Lancelin-Huin.

Respirer est le conseil le plus efficace et le plus accessible

Est-il dangereux de s'énerver pendant la grossesse ?

Les femmes enceintes sont des êtres humains comme les autres et ont donc le droit d'avoir leurs moments de déprime ou d'être stressées pendant ces neuf mois. Elles ont aussi le droit de sortir de leurs gonds même si cette attitude peut sembler disproportionnée ! Pas de panique pour autant : des phases temporaires d'énervement sont sans danger pour le foetus. C'est un niveau élévé de stress pendant toute la grossesse  qui peut être délétère.

Quels conseils donner aux membres de l'entourage qui pâtissent souvent de cette situation ?

Je conseillerai aux personnes de l'entourage de ne pas en rajouter et de ne pas se mêler

La patience peut sembler le conseil le plus pragmatique mais il n'est pas le seul. "Je conseillerai aux personnes de l'entourage déjà de ne pas en rajouter et de ne pas se mêler de quelque chose qui pourrait être mal pris par un des deux membres du couple concerné ou les deux. Je leur suggère aussi de demander par écrit (sms, mail, petit mot sur papier) ou oralement au membre du couple avec lequel on est le plus à l'aise, "s'il y a quelque chose que l'on peut faire pour les aider?". Si c'est plus profond, je conseille de leur dire "à tort ou à raison, je sens que vous avez besoin de vous faire aider (leur sage-femme de grossesse, la PMI, un thérapeute, une doula post-natal, etc.). Les membres de l'entourage peuvent aussi  leur faire des propositions aidantes : accueillir une demie-journée ou une soirée leur autre enfant s'ils en ont déjà un, leur apporter des plats cuisinés ou leur offrir un bon-cadeau post-natal. Et enfin et surtout  les aimer sans les juger car les couples sont alors vulnérables", insiste Nathalie Lancelin-Huin.

 

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