Peut-on transmettre le Covid-19 pendant la grossesse ?
Si l'on sait désormais que les femmes enceintes peuvent transmettre le Covid-19 au fœtus ou au bébé lors de l'accouchement, cette transmission est rare, survient principalement en fin de grossesse et lors d'infections maternelles sévères, nous précise la virologue Christelle Vauloup Fellous.
[Mise à jour du 22 mars à 17h48]. Le coronavirus peut-il se transmettre pendant la grossesse ? La réponse est oui ! Une contamination au Covid-19 de la mère à l'enfant peut ainsi avoir lieu durant la grossesse - in-utero, via le placenta -, mais aussi pendant ou après l'accouchement. Ce qu'il faut savoir sur les risques de transmission du Covid-19 chez les femmes enceintes, avec les conseils de la virologue Christelle Vauloup Fellous.
Enceinte, peut-on transmettre le Covid-19 à son bébé ?
Une femme enceinte peut transmettre le virus à son bébé, in utero. Une étude française parue le 14 juillet 2020 dans la revue Nature Communications confirmait pour la première fois qu'une contamination intra-utérine était bel et bien possible. Conclusion effectuée après avoir analysé les prélèvements sanguins d'une maman porteuse du Covid-19 ayant accouché d'un petit garçon en mars 2020. Après l'accouchement, le nouveau-né, né par césarienne, présentait des symptômes sévères "similaires à ceux décrits chez un patient adulte", précisaient les chercheurs (membres rigides, lésions du système nerveux...). "Il s'agit d'un cas isolé pour lequel nous avons pu prouver la présence du virus dans différents compartiments maternels et néo-nataux. La possibilité de transmission du virus en cours de grossesse est donc avérée", nous confirme Christelle Vauloup Fellous, virologue et co-auteure de l'étude. "Le virus a été retrouvé dans des quantités importantes dans le placenta, le liquide amniotique, le sang maternel, le sang de cordon et en post-natal" ajoute-t-elle.
Une transmission possible au bébé, mais très rare
En Irlande, une enquête a été lancée suite au signalement de quatre bébés morts nés de mères positives. "En France, un premier cas a également été observé", précise Christelle Vauloup Fellous. Elle et son équipe ont constitué une cohorte de 300 femmes enceintes en France depuis le mois d'avril 2020 ayant fait une infection Covid. "Ce qui ressort et se rapproche probablement de la vérité, c'est que cette transmission mère-enfant possible, mais très rare, survient surtout lors d'infections maternelles sévères et en fin de grossesse". Dans ce cas, les médecins procèdent généralement à ce qu'on appelle une prématurité induite, c'est-à-dire qu'ils pratiquent une césarienne et font sortir le bébé avant l'heure (généralement pas avant le 8e mois) pour mieux pouvoir prendre en charge la mère. "Mais c'est une situation relativement rare", insiste la virologue.
Contamination du nouveau-né : quels sont les risques pour le bébé ?
Pour l'instant, "nous n'avons constaté aucune séquelle à cette contamination chez le nouveau-né" note Christelle Vauloup Fellous. Pour autant, pondère-t-elle, "les enfants prématurés ont déjà une immaturité pulmonaire et souvent des besoins d'oxygène, donc quand ils sont contaminés - c'est-à-dire que la présence du virus est confirmé par des prélèvements -, on s'interroge toujours : ces symptômes pulmonaires sont-ils dus au virus ou à la prématurité ?" Ce qui est sûr, c'est que leur pronostic n'est pas moins bon que celui d'un autre enfant qui naît au même terme. On lui délivre de l'oxygène, il est placé sous surveillance, isolé et bénéficie de toute la prise en charge de la prématurité mais, globalement, "il résout son infection tout seul et, a priori, de ce qu'on a pu voir à ce jour, il n'en garde pas de séquelle", détaille la spécialiste.
Je suis enceinte, dois-je m'inquiéter pour mon bébé en cas de Covid ?
Christelle Vauloup Fellous rassure : au cours des derniers mois, les médecins ont appris à mieux maîtriser le cas de patientes faisant un Covid de fin de grossesse. D'ailleurs, précise-t-elle, "ce n'est pas forcément le virus en lui-même qui pose problème que la fièvre et l'infection qu'il peut provoquer et être dangereux pour la femme enceinte et son bébé". Quant au variant, s'il est statistiquement manifeste que les dernières infections maternelles avec transmission sont plus fréquemment causées par des variants anglais, "les risques ne semblent pour l'heure pas plus importants ni dans la symptomatologie maternelle, ni dans la prématurité, ni même dans le risque de transmission", observe la virologue.
Peut-on transmettre le virus à son bébé en accouchant, ou après la naissance ?
La transmission du coronavirus peut se faire par voie aérienne, lors d'éternuements et de toux, ou en cas de contact avec des objets contaminés par ces sécrétions. "Une transmission périnatale (pendant ou juste après l'accouchement), est aussi possible au moment de la naissance, car la patiente peut émettre le virus dans l'air, éventuellement par les selles (car le virus pourrait aussi être présent dans les selles)", nous précisait le gynécologue-obstétricien Olivier Picone. Aujourd'hui encore, les spécialistes sont unanimes : pas question de séparer la mère de son bébé à la naissance comme en Chine ou en Italie (sauf cas exceptionnels) et l'allaitement reste recommandé à la naissance. Les cas de nouveau-nés infectés sont d'ailleurs rares selon la virologue. Une faible transmission qui s'explique par le fait que les jeunes parents font plus attention, portent un masque, se nettoient les mains fréquemment et limitent leurs contacts sociaux.
Les femmes enceintes font partie des personnes à risque, selon le Haut conseil de la santé publique (HCSP). Elles doivent donc se prémunir en adoptant les gestes barrière face au coronavirus. Le HCSP leur recommande d'appliquer, à partir du troisième trimestre de grossesse, les mesures préventives applicables aux personnes fragiles. |
Coronavirus et grossesse : quels sont les risques ?
Le coronavirus augmente-t-il les risques d'accouchements prématurés ? "On peut en effet avoir le coronavirus en étant enceinte, mais dans l'immense majorité des cas, il ne se passera rien", rassure le gynécologue Olivier Picone. "Néanmoins, tout syndrome infectieux pendant la grossesse, quel qu'il soit peut avoir des complications. On sait par exemple que cela peut favoriser un accouchement prématuré. Si on fait le parallèle avec la grippe, les futures mamans ont aussi plus de risques de développer une forme grave pulmonaire", notamment au troisième trimestre de la grossesse. Si elle a été observée en France, cette prématurité non-induite n'a pour autant pas été constatée partout. Tout dépend du pays et de la prise en charge. En effet, en Chine par exemple, "ils césarisent d'emblée en cas de difficultés respiratoires même non graves de la femme enceinte en fin de grossesse", constate Christelle Vauloup Fellous. Du coup, on ignore si elle aurait accouché prématurément ou non à cause du Covid.
Covid et grossesse : quelles recommandations ?
Le Professeur Olivier Picone rappelle aux futures mamans qu'il n'y a pas de risque de malformation. Néanmoins, comme pour tous risques infectieux, il convient de rester prudent et de respecter les mesures d'hygiène et de précaution, notamment en l'absence de vaccin :
- Se laver les mains régulièrement à l'eau et au savon et utiliser un gel antibactérien
- Porter un masque
- Respecter les mesures de distanciation sociale. Il est également recommandé aux Français de ne pas rester en contact avec les personnes fragiles, notamment les femmes enceintes.
- Ne pas serrer la main ou faire la bise
- En cas de symptômes (toux, fièvre, difficultés à respirer), n'hésitez pas à contacter votre médecin.
- Poursuivre leur suivi de grossesse (échographies, visites prénatales et rendez-vous gynécologiques).
Enceinte, puis-je me faire vacciner contre le Covid, à quel mois ?
En France, jusqu'à il y a peu, les femmes enceintes étaient exclues des recommandations en matière de vaccination, car considérées comme plus à risque de faire des infections sévères qu'une patiente du même âge non-enceinte. Désormais, comme l'explique la virologue, on commence à peser le bénéfice risque. Une vaccination est d'autant plus proposée aux femmes enceintes âgées de plus de 35 ans ou/et avec un facteur de risque (obésité, diabète, problèmes cardiaques ou pulmonaires). Ainsi, on a tendance à vacciner assez facilement dans plusieurs maternités de l'hexagone. Et ce, quel que soit le stade de la grossesse. Mais, autant être immunisée avant le moment où ça va être potentiellement grave, à savoir le dernier trimestre de la grossesse. En outre, il semblerait qu'il y ait une transmission possible des anticorps au bébé. Or, pour qu'elle soit efficace, il faut que la vaccination ait eu lieu en amont, plutôt au milieu de la grossesse.
Covid et allaitement : peut-on continuer à donner le sein à son bébé ?
"Du lait maternel a été prélevé sur cette cohorte de 300 femmes et quasiment aucun virus n'y a été retrouvé", indique la virologue. Et d'ajouter que "rien ne laisse à penser qu'il puisse y avoir une transmission par le lait, ce qui est très rassurant". Aucune contre-indication à l'allaitement donc. Par ailleurs, "compte tenu des bienfaits de l'allaitement et du rôle insignifiant du lait maternel dans la transmission d'autres virus respiratoires, la mère peut continuer d'allaiter, tout en observant les précautions nécessaires", précisait déjà l'Unicef au début de la crise sanitaire. En outre, les sociétés françaises de néonatologie et un groupe d'infectiologie pédiatrique confirment qu'il est tout à fait possible d'allaiter son bébé, en mettant un masque, et en respectant les mesures d'hygiène en fonction des situations.
Les mères présentant des symptômes, mais qui vont suffisamment bien pour allaiter, doivent porter un masque à proximité de leur enfant (y compris pendant qu'elles le nourrissent), se laver les mains avant et après avoir été contact avec lui (y compris pendant qu'elles le nourrissent) et nettoyer/désinfecter les surfaces contaminées, comme doit le faire toute personne infectée de manière présumée ou confirmée par la COVID-19 et en contact avec d'autres personnes, notamment des enfants. En revanche, les mères trop malades pour allaiter doivent être encouragées à tirer leur lait et à le donner à leur enfant à l'aide d'une coupelle et/ou d'une cuillère propres – tout en observant les mêmes méthodes de prévention de l'infection.
Le Professeur Olivier Picone précise qu'une jeune maman qui n'a pas de symptômes doit "continuer à vivre normalement avec son bébé, pour ne pas créer des problèmes de relation mère-enfant". Ce qui est recommandé chez les nouveau-nés en revanche, "c'est de ne pas placer le berceau juste à côté du lit des parents, mais un peu plus éloigné, à deux mètres par exemple". |