Grossesse interrompue : comment aller de l'avant ?

Fausse couche, interruption médicale de grossesse... La perte d'un bébé in utero est bouleversante. Nathalie Lancelin-Huin, psychologue spécialisée en périnatalité, aide les couples à surmonter l'épreuve du deuil périnatal.

Grossesse interrompue : comment aller de l'avant ?
© Dmitriy Shironosov

Qu'il s'agisse d'une fausse couche plus ou moins précoce ou tardive, ou d'une mort fœtale in utero survenant brutalement ou suite à une interruption médicale de grossesse... "la perte pendant la grossesse d'un bébé espéré et attendu, fait partie des épreuves les plus bouleversantes, quelles qu'en soient les causes, les prémisses, les circonstances, attendues ou non", explique Nathalie Lancelin-Huin, dans son livre "Traverser l'épreuve d'une grossesse interrompue", aux éditions Josette Lyon. Psychologue spécialisée en périnatalité à l'hôpital d'Annecy, elle nous livre ses conseils pour surmonter cette douloureuse épreuve. 

En parler et être accompagnée

Selon les circonstances, chaque couple ne vivra pas cette annonce tant redoutée de la même manière. S'agit-il d'une grossesse désirée ou non ? La femme est-elle enceinte pour la première fois ou vit-elle des fausses couches à répétition ? Sa grossesse est-elle le fruit de 4 ans d'essai en procréation médicalement assistée ?... Si certaines femmes semblent s'adapter rapidement, bon nombre d'entre elles ont besoin de temps pour digérer cette annonce douloureuse. A cela s'ajoute l'accompagnement des professionnels de santé, parfois maladroit. "Je déplore que dans certaines situations, les femmes venant de faire une fausse couche soient accueillies par des internes de bonne volonté, mais peu formés, qui les reconduisent assez rapidement chez elles. Cela respecte le protocole mis en place, mais qui reste peu satisfaisant. Il leur est rarement proposé d'être  hospitalisées et surtout, on ne leur explique pas que faire et vers qui se tourner, si par la suite elles ne vont pas très bien. Pourtant en cas d'interruption volontaire de grossesse, les femmes qui le souhaitent peuvent bénéficier d'un entretien pré IVG et post IVG. Une grossesse interrompue n'est donc pas une réalité anodine. Certaines femmes peuvent donc avoir besoin d'un accompagnement et d'un suivi après une fausse couche", estime la psychologue. 

Traverser l'épreuve d'une grossesse interrompue, par Nathalie Lancelin-Huin © Josette Lyon

Comment rester unis dans l'épreuve ?

En général, les hommes ne mesurent pas la situation car ils ne vivent pas cette fausse couche de la même manière que leur conjointe. "Le père se dit qu'ils réessaieront une autre fois, qu'ils doivent aller de l'avant. Il est souvent embarrassé d'autant d'émotions dont il ne sait que faire. Pour la femme, qui a porté l'enfant, la culpabilité est plus charnelle. Résultat, elle se sent parfois seule et se retrouve avec cette tristesse profonde qu'elle ne connaissait pas jusque-là. Elle aussi peut se sentir alors démunie", analyse Nathalie Lancelin-Huin. Pour surmonter cette épreuve à deux, il est donc essentiel de reconnaître ces différences entre l'homme, plutôt dans l'action, et la femme, davantage tournée vers la parole, l'émotion et le recueillement. Pour éviter l'incompréhension et l'éloignement, la spécialiste recommande aux couples de communiquer en prenant conscience des différences de réactions et d'expérience de chacun, et en rappelant que c'est plutôt féminin de vouloir en parler et partager ensemble ce vécu.

Comment annoncer une fausse couche à son enfant ?

"Les enfants sont dans la vie et obligent les parents à être dans le quotidien. Ils représentent en quelque sorte le soleil dans ce moment d'ombre et aident les adultes à avancer vaille que vaille", observe Nathalie Lancelin-Huin. Pour autant, on a tendance à minimiser l'impact que cette perte de grossesse peut avoir sur les petits. Ces derniers sont très instinctifs et ressentent la tristesse des parents. Ils peuvent se faire discrets, ou au contraire, manifester la tension qu'ils perçoivent en faisant du bruit pour se faire remarquer. Quel que soit leur âge, "il faut dire les choses sur ce que l'on vit, avec des mots qu'ils peuvent comprendre : "Maman est triste parce qu'elle avait un bébé dans le ventre et ce bébé n'est plus dans son ventre". Cette courte explication permettra à l'enfant de mieux comprendre le changement d'attitude de ses parents, sans penser qu'ils sont tristes à cause de lui, ou parce qu'il n'aurait pas été sage par exemple. Rappelons qu'en début de grossesse, certains enfants ne sont pas encore au courant que leur maman était enceinte ce qui peut compliquer, d'avoir à annoncer la grossesse en même que sa finIl y a d'autres contextes singuliers de grossesses interrompues. On a pu voir par exemple un enfant culpabiliser parce qu'il rêvait d'avoir un petit frère (lui qui n'a que des petites sœurs). La maman attendait bien une autre fille, qu'elle a malheureusement perdue. Dans une telle situation, l'aîné doit comprendre qu'il a tout à fait le droit de désirer un frère (et même d'en avoir marre de ses petites sœurs). On peut lui dire que "cela doit être compliqué dans son petit cœur", mais qu'il n'y est pour rien : il n'a en aucun cas le pouvoir "de vie ou de mort à cet endroit", précise la psychologue. Enfin, des livres adaptés aux tout-petits sur le thème des grossesses sont parfaits pour aborder le sujet simplement avec son enfant. Cela permettra à ce dernier d'y projeter son imaginaire, ses émotions et ses questions.

La crainte de vivre une seconde grossesse, après une fausse couche

Une femme qui a vécu une fausse couche ou la perte de son bébé in utero aura forcément des appréhensions lors de sa prochaine grossesse. "Il n'y a aucune raison que cela recommence, mais rien ne peut non plus garantir le contraire à 100 %", commente Nathalie Lancelin-Huin. "Il est important de dire ce qui est, de se placer devant le grand mystère de la vie, d'éviter de se remettre trop en question pour éviter un sentiment de culpabilité, et plutôt de se poser la question de ce que cela nous fait vivre de prendre ce risque (selon notre estime de soi, notre foi en la vie, déjà avant la grossesse et encore davantage après l'arrêt de la grossesse)". Le regard bienveillant de chacun, dans le couple, doit ainsi apporter confiance en l'avenir et en cette nouvelle grossesse. Il faut avant tout s'ouvrir et en parler autour de soi. 

Faut-il attendre trois mois pour annoncer sa grossesse ?

Je conseille aux futures mamans de faire comme elles le sentent. En général, elles n'ont pas envie d'annoncer leur grossesse immédiatement. Elles le font souvent au moment de leur déclaration de naissance ou lorsqu'elles doivent l'annoncer à leur employeur, ou encore quand elles ont passé le cap du premier trimestre plus propice à une fausse couche. A l'inverse, les couples peuvent décider de partager précocement l'heureux événement après une précédente expérience douloureuse, parce qu'ils ne souhaitent pas reproduire le même schéma et qu'ils ont envie, cette fois, d'être davantage soutenus en attendant bébé et justement au cas où", explique la psychologue. 

Les conseils de la psy

En cas de fausse couche ou de l'épreuve de la perte d'un bébé, il est essentiel de ne pas banaliser la situation, de respecter les différences de chacun dans le couple, de ne pas rester seule et incomprise en tant que mère. Laisser faire aussi un temps le temps, qui est un allié. Toutefois, si une immense tristesse perdure et déborde la femme, il est important de consulter la psychologue de la maternité, une sage-femme ou son gynécologue. 

Les forums sur les sites internet spécialisés permettent aussi de rencontrer d'autres femmes ayant vécu la même expérience. Un moyen de trouver du réconfort et de se sentir comprise (attention tout de même aux témoignages durs qui peuvent heurter). Enfin, en cas de deuil périnatal ou de fausses couches à répétitions, renseignez-vous auprès de groupes de paroles ou d'associations telles que "Naître et vivre", La petite Emilie, Nos Petits Anges au Paradis, Nos tout-petits, L'enfant sans nom ou encore l'association Agapa et bien d'autres, qui vous apporteront écoute et soutien, selon votre situation. 

A Vif, journal d'une maman pas comme les autres. Prix : 18 euros. © Les éditions du Cerf

Un livre sur le deuil périnatal

Suite à la perte de son bébé, Ioulia S. Condroyer se confie sur son expérience douloureuse et sur la reconstruction de soi. Dans son livre "A vif, journal d'une maman pas comme les autres", elle explique comment elle est parvenue à surmonter le deuil de son enfant pour continuer à être une maman. "Comment peut-on rencontrer la mort en donnant la vie ? Comment survivre à son enfant qui n'aura vu le jour que pour s'éteindre ?"... Ioulia aborde toutes les émotions face à l'irrémédiable comme la douleur, la colère, la contestation, la stupeur, le questionnement, la réflexion, le malheur, et enfin, l'acceptation. Ce manuel de résilience est pour l'auteure un moyen d'aider les autres à ne jamais sombrer.  

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