Amoureuse d'un mythomane : comment lui faire confiance ?

"L'objectif principal du mythomane est d'échapper à une réalité", rappelle d'emblée Claire Petin. Dès lors, il s'embourbe dans des fabulations, raconte des informations qui ne sont pas réelles, mais qui sont suffisamment bien construites pour que l'on puisse y croire. Cependant, il ne s'agit pas d'un simple mensonge qui aurait pour but de l'aider à parvenir à ses fins aux détriments des autres. Le mythomane ne souhaite pas volontairement nuire, le mensonge n'a pas vocation à être malveillant. "Il s'invente une vie extraordinaire pour échapper à une vie banale", ajoute-t-elle. Il peut donc être difficile de reconnaître un mythomane, notamment dans le cadre amoureux. Réaliser une fois que l'on est tombée amoureuse que la personne en face est mythomane, peut être un véritable choc psychologique.

La mythomanie se distingue du manipulateur ou de la personne toxique

Comme le rappelle Claire Petin, la mythomanie n'est pas admise comme une maladie, mais bien comme un symptôme. "C'est une composante associée à certaines pathologies et à certains troubles, dont le trouble de la personnalité narcissique et le trouble de la personnalité limite", explique la psychologue. La mythomanie se distingue alors du manipulateur ou de la personne toxique. Un mythomane a un besoin irrépressible, compulsif et récurrent de mentir. "On peut parler de potentialité addictive du mensonge. Le mensonge pathologique devient un réflexe sans raison apparente", développe Claire. Dès lors, les mythomanes vivent dans une réalité parallèle et fictive qu'ils se construisent eux-mêmes. "Souvent, ils n'ont pas la lucidité nécessaire pour s'en rendre compte, ils croient à la véracité de leurs mensonges." C'est là que tout se corse, puisque le mythomane peut mentir, mais être persuadé qu'il dit la vérité.

"Il préfère ses mensonges puisque le factice préserve du réel"

Différents facteurs peuvent expliquer qu'une personne soit mythomane : un traumatisme subi dans l'enfance à la suite duquel la mythomanie a pu apparaître ou se renforcer, par exemple. "Un imaginaire prépondérant persistant en grandissant peut venir combler des carences affectives, un manque de soutien et donc de cadre sécurisant de la part de l'environnement parental", continue la professionnelle. Une fois adulte, la construction identitaire s'est moulée autour d'une faible estime de soi, d'un sentiment de solitude, de rejet… Et mentir est devenu une manière de se protéger. "On préfère ses mensonges puisque le factice préserve du réel", néanmoins, la relation avec l'autre devient faussée.

Un mythomane peut totalement tomber amoureux

Un mythomane peut totalement tomber amoureux. "La mythomanie n'empêche pas la personne de développer des sentiments amoureux" confie Claire Petin. Toutefois, les mensonges, compulsifs et omniprésents, peuvent entacher la relation. Lorsque l'on réalise que la personne que l'on fréquente est mythomane, il peut être hasardeux d'entretenir sa vie de couple, la confiance est mise à mal, le lien difficile à croire. La communication peut, elle aussi, être très compliquée. Si le mythomane peut tomber amoureux, il peut être plus difficile de tomber amoureuse d'une personne atteinte de mythomanie, puisque la confiance nécessaire ne sera pas aisée à accorder.

"On est dans le doute constant et dans l'insécurité affective"

Fréquenter un mythomane, demande d'accepter son univers fictif, mais aussi de l'accompagner vers le chemin de la guérison. L'entourage d'une personne qui ment de la sorte peut subir cela et se sentir trahie de nombreuses fois, "en ayant l'impression d'avoir aimé quelqu'un qui n'existe pas", souligne la psychologue. "On est dans le doute constant et dans l'insécurité affective." Bien que le mythomane n'ait pas la volonté de blesser ses proches, c'est la conséquence de ses actes. Le confronter à ses fabulations, peut être très angoissant pour lui puisqu'il peut inventer d'autres mensonges pour se défendre ou avoir des actes auto-agressifs. Il peut aussi mettre en place un comportement de déni, qui devient alors un obstacle au changement. C'est pourquoi, la relation affective, qu'elle soit amoureuse, amicale ou familiale avec un mythomane, est particulièrement délicate. "Les proches se sentent souvent démunis, tiraillés entre la volonté de confronter le mythomane ou de le préserver en "jouant le jeu" de ses mensonges", indique Claire Petin.

Conseils pour réussir à gérer une relation d'amour avec un mythomane

► Prudence, patience et bienveillance. En couple avec une personne mythomane, la confiance est le défi majeur de la relation. "Il faut faire preuve à la fois de prudence, de patience, mais aussi de bienveillance", conseille la psychologue. Cette relation va demander un réel investissement émotionnel, il faut donc s'armer de patience et être en mesure psychologiquement, de gérer le monde imaginaire de son partenaire.

► Un accompagnement professionnel. "C'est souvent à l'initiative des proches qu'il sera amené à consulter un professionnel de la santé mentale." Le ou la partenaire d'un mythomane devra être attentif au suivi de son partenaire et notamment s'assurer qu'il consulte un thérapeute qui connaît les rouages de ce trouble. Cette thérapie aidera le mythomane à comprendre d'où vient ce besoin de mentir et de travailler sur les problématiques qui déclenchent cela - estime de soi, anxiété, dépression… "Autrement dit, de lui permettre de supporter d'exister tel qu'il est… et tel qu'il n'est pas".

► Une thérapie de couple. Pour que le quotidien amoureux avec un mythomane se déroule, une thérapie de couple peut être indiquée en parallèle d'un suivi individuel. Dès lors, les partenaires peuvent travailler sur leur communication et sur la reconstruction de la confiance. "Il est possible de mettre en place certaines modalités de relation qui favorisent une dynamique relationnelle plus sécurisante, comme reconnaître ses erreurs ou fournir des preuves de ses dires et de ses actes", recommande Claire Petin.

► Prendre ses distances. Si la remise en question du mythomane échoue, qu'il nie le caractère pathologique de ses mensonges et que le lien devient difficile, la psychologue recommande de prendre ses distances. "Réduire les échanges avec cette personne c'est également ne plus servir de support à ses fabulations compulsives, c'est-à-dire arrêter d'être complice malgré soi.". Si la relation devient source de souffrance trop importante, même s'il y a de l'amour, il peut être préférable de choisir son amour à soi et d'y mettre un terme.

Merci à Claire Petin, psychologue clinicienne et thérapeute de couple.