Martin Margiela, le plus mystérieux des créateurs belges
Une carrière qui a démarré sur les chapeaux de roues et qui a pris fin subitement ? C'est bien de celle de l'un des créateurs belges les plus respectés du milieu de la mode dont il s'agit. Retour sur une carrière hors normes.
Martin Margiela voit le jour le 9 avril 1957 à Louvain, au cœur de la Belgique. À seulement 17 ans, il intègre la célèbre Académie royale des beaux-arts d'Anvers dont il sort diplômé en 1980. Avec cinq camarades de promotion (Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs et Marina Yee), il forme les "Six d'Anvers", stylistes avant-gardistes qui se démarquent par leurs créations minimalistes. En 1984, il rejoint Jean Paul Gaultier, avec qui il travaille jusqu'au lancement de son propre label, en 1988. Les journalistes mode s'emballent, et n'hésitent pas à souligner son travail. Si bien que l'année suivante, il est auréolé par le prestigieux prix de l'Andam, l'Association nationale pour le développement des arts de la mode, tandis que son défilé printemps-été 1990 à Paris est l'un des premiers à présenter des créations upcyclées.
Quels événements marquent la carrière de Martin Margiela ?
En 1991, nouveau tournant dans sa carrière. Le Palais Galliera lui consacre une exposition : ses pièces sont alors présentées aux côtés de celles de Jean Paul Gaultier et Jean-Charles de Castelbajac. En 1997, c'est à lui de prendre les manettes, au musée de Rotterdam cette fois. Il présente alors une rétrospective de son travail, et met en avant ses créations les plus emblématiques. La même année, il devient directeur artistique des collections de prêt-à-porter femme d'Hermès où il officie jusqu'en 2003.
Qui est vraiment Martin Margiela ?
Martin Margiela n'a jamais été très adepte des représentations en public; les photos de lui sont aussi rares que datées. Très secret et mystérieux, il a toujours préféré mettre l'accent sur ses créations. D'ailleurs sur les podiums, ses mannequins défilent souvent le visage caché, par un masque, une coupe de cheveux ou un bas couleur chair. Parmi ses pièces les plus emblématiques, on retrouve notamment les célèbres bottes Tabi. Introduites en 1992, elles s'inspirent des chaussettes japonaises traditionnelles et séparent le gros orteil des autres doigts de pieds. Chez Margiela, pas de gros logo ostentatoire, mais des coutures apparentes, des finitions inachevées et une micro broderie de fils — blanc ou coloré, selon les collections. La ligne 6, aujourd'hui rebaptisée MM6, est quant à elle destinée aux femmes modernes qui souhaitent exprimer différemment leur féminité. On y retrouve le style rebelle du créateur, ainsi que les touches très personnelles qui ont fait de ses pièces un succès. Son nom est aussi bien connu des amateurs de parfumeries : ses jus (By the Fireplace, Jazz Club, Funfair Evening, At the Barber's) sont signés Replica.
Que devient sa marque depuis son départ ?
Le créateur belge n'a pas attendu que le succès se calme pour prendre sa retraite. En 2009, neuf ans après avoir ouvert son premier magasin, à Tokyo, il annonce quitter définitivement le monde de la mode sans s'épancher sur les raisons. Après avoir inspiré un certain nombre de professionnels — dont Raf Simons, qui a déclaré s'être lancé dans la mode grâce à l'un de ses défilés de 1991, ou encore Demna, directeur artistique de Balenciaga depuis 2015 qui a travaillé huit ans pour la maison belge — il fait donc une croix sur la création. Ce qui n'empêche pas sa collection nommée "Artisanal" d'être labellisée haute couture en 2012 et de faire son entrée au calendrier de cette prestigieuse semaine de la mode parisienne.
Deux ans plus tard, John Galliano devient le directeur artistique du label d'abord renommé Maison Martin Margiela puis Maison Margiela, et perpétue depuis l'héritage de Martin Margiela. En 2021, le documentaire "Martin Margiela: In His Own Words", réalisé par Reiner Holzemer, est diffusé sur Arte : c'est la première fois que le couturier revient sur sa carrière, ses influences ainsi que le travail de ses ateliers. Il en profite pour expliquer la part de mystère qui flotte autour de sa discrétion : Martin Margiela a, in fine, toujours souhaité être connu pour ce qu'il créait, et non ce qu'il était — une réflexion complètement à contre-courant du mouvement de starification des créateurs qui a cours depuis les années 2000.
Aujourd'hui, l'héritage du designer belge (tout comme sa patte) se retrouve dans les pages de A Magazine curated by Maison Martin Margiela, qui dédie chaque numéro à une personnalité — Dirk Van Saene, Bernhard Willhelm ou encore Hussein Chalayan.