Je n'aime pas le conjoint de ma meilleure amie, faut-il lui dire ?
Changement de dynamique amicale, partenaire différent, projection… Découvrez s'il est vraiment sain d'aborder le sujet avec votre meilleure amie.
Après avoir été un duo, votre meilleure amie vous présente son nouveau partenaire. Que la relation débute ou qu'elle s'installe, il se peut que vous ne le portiez pas véritablement dans votre cœur. Face à ces sentiments, faut-il en parler, ignorer ce que l'on ressent ou prendre ses distances ? Entre intuition, projection et inquiétude fondée, il n'est pas toujours simple de faire la part des choses. Marie-Victoire Chopin, docteure en psychologie, nous aide à y voir plus clair.
Ce n'est pas parce qu'on ne l'aime pas, qu'il y a un problème. Tout d'abord, il est nécessaire de s'interroger : pourquoi ce malaise ? Selon Marie-Victoire Chopin, "ne pas apprécier le partenaire de son amie n'est pas nécessairement révélateur d'un problème dans leur relation". Les raisons peuvent être multiples : le partenaire n'a pas les mêmes goûts ou le même humour, la relation paraît peu dynamique, ou l'on se sent simplement mis de côté. "Il est possible que l'amitié ait toujours fonctionné en duo, et que l'arrivée d'un tiers la rende instable", ajoute la psychologue. Quel que soit le contexte, il faut se demander : est-ce que je fais de la projection ? "Nous projetons souvent sur les relations des autres nos goûts, nos attentes, nos valeurs… Ce n'est pas forcément de la jalousie. Parfois, c'est une posture altruiste : on veut le bien de l'autre. Mais cela reste une projection, et il faut apprendre à la reconnaître pour ne pas parasiter ce que la personne nous partage."
Tout dépend ensuite de la relation. Dans une situation où la relation n'est pas abusive, et où le ressenti est personnel, parler à son amie d'un partenaire que l'on n'apprécie pas, peut contaminer la relation amicale, et ne pas être constructif. Même avec une intention sincère, on cherche souvent à valider ce qu'on pense être bon pour l'autre. "On veut confirmer qu'on a raison", rappelle la professionnelle. De plus, cette position peut être infantilisante. "Donner un conseil, c'est se placer dans une position de supériorité. Si les choses tournent mal, on risque d'en être tenue responsable. Et si le couple perdure, il est possible qu'on se retrouve mis à l'écart", souligne Marie-Victoire. En revanche, si la relation semble dangereuse, l'entourage joue un rôle essentiel. "Quand on est amoureux, on est dopé aux neurotransmetteurs du plaisir et de la récompense, qui nous poussent à séduire, à plaire. Et l'ocytocine, hormone de l'attachement, fait baisser notre vigilance. On enfile des lunettes roses, on surestime notre partenaire", explique la docteure en psychologie. Cela peut conduire à un manque de recul et de lucidité. Face à un comportement toxique ou violent, l'important est d'être présent. "Il faut dire à son amie qu'on est là, que la porte est ouverte, qu'il n'y aura pas de jugement. Si la confiance est là, les paroles viendront d'elles-mêmes."
Miser sur l'écoute active
De manière générale, la spécialiste recommande d'aborder le sujet sans heurter. Pour cela, il faut être dans l'écoute active sans vouloir orienter. "Plutôt que de dire ce qu'on pense, il vaut mieux poser des questions ouvertes : "Que ressens-tu quand tu es seule ? Quand vous êtes ensemble ?", explique Marie-Victoire. En faisant parler son amie, petit à petit, si quelque chose cloche, elle finira par l'évoquer d'elle-même. "Vous pourrez alors relancer doucement : Et toi, comment tu le vis ? Qu'en penses-tu ?" Ne dressez pas le portrait du partenaire de votre amie, et ne parlez pas à sa place. Reformuler en cas de doute : "Si j'ai bien compris, tu m'as dit que…" : c'est une manière de creuser la discussion, sans jugement. Apporter du soutien émotionnel. Communiquer en "je" et non en "tu", et rappeler sa disponibilité : "Je suis touchée par ce que tu partages, je suis là pour toi, ça me fait plaisir que tu te sentes bien."
Si vous n'arrivez pas à gérer cette situation, un psychologue peut aider à comprendre ce qui dérange. S'agit-il d'une projection, d'une inquiétude fondée, ou d'un changement dans la relation d'amitié ? "Parfois, ce n'est pas le partenaire qui dérange, mais le fait de voir son amie moins souvent", ajoute-t-elle. Il faut savoir prendre ses distances si cela permet de préserver le lien d'amitié sans nourrir d'amertume. "L'amitié, c'est aussi une histoire que vous partagez depuis longtemps. Même si vous ne l'appréciez pas, le partenaire de votre amie n'efface pas ce que vous avez vécu ensemble." Dès lors, n'imposez pas un ultimatum, mais proposez un espace pour l'amitié. Rappelez à votre amie l'importance de votre lien, et proposez des activités à deux, comme un dîner, une exposition ou un week-end. Pour conclure, Marie-Victoire rappelle : "Le pire, c'est de devoir choisir entre son couple et ses amis. C'est très malsain. L'un ne devrait jamais exclure l'autre."
Merci à Marie-Victoire Chopin, docteure en psychologie et sexologue clinicienne.