Violence conjugale : 208 000 victimes en 2021, nouveaux chiffres, définitions, mobilisations, manifestations...
En 2021, le nombre de victimes de violences conjugales a augmenté, selon les chiffres officiels. Qu'appelle-t-on "violences conjugales" ? Que dit la loi ? Quels sont les chiffres ? Quelles sont les aides et ressources à disposition des victimes, dont 87 % sont des femmes ? Le Journal des Femmes fait le point.
Qu'est-ce que la violence conjugale ?
La violence conjugale concernent les violences physiques (coups et blessures), psychologiques (harcèlement, menaces, insultes) ou sexuelles (viols, attouchements) commises sur la femme ou l'homme, au sein d'un couple marié, pacsé ou vivant en concubinage. Les violences conjugales englobent également les violences économiques comme la privation de ressources financières, maintenant ainsi la victime dans un état de dépendance économique. Ces violences, face à la loi, concernent également les ex-conjoint.e.s, concubin.e.s et pacsé.e.s.
Une avancée dans la loi
Le 20 octobre 2022, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi qui vise à créer une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.
Ce texte de loi, qui est désormais transmis à l'Assemblée nationale, permettrait de créer une aide financière pour les victimes de violences conjugales. Elle serait octroyée aux femmes dans le besoin via un prêt accordé par les caisses d'allocations familiales, versé en trois mensualités.
A Paris, 50 000 personnes ont manifesté contre les violences faites aux femmes en 2021
Des manifestations contre les violences faites aux femmes ont été organisées dans toute la France, le 20 novembre 2021. Selon le collectif féministe #NousToutes, une soixantaine de manifestations se sont déroulées, quelques jours avant la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre. A Paris, environ 50 000 participantes et participants auraient répondu à l'appel en descendant dans les rues ce jour-là, selon les chiffres du collectif. La préfecture de Paris, elle, a compté environ 18 000 manifestants et manifestantes.
En 2019, ils étaient près de 100 000 à manifester contre les violences faites aux femmes, selon les chiffres avancés par les organisateurs à l'époque. En 2020, les manifestations avaient été annulées en raison de la crise sanitaire.
Manifestation massive ce jour contre toutes les violences envers les femmes pic.twitter.com/nhY97mXwed
— lazimigilles (@lazimigilles) November 20, 2021
Les chiffres des violences conjugales
En 2021, les chiffres des violences conjugales ont bondi de 21 % selon les données collectées auprès du service statistique du ministère de l'Intérieur (SSMSI) dévoilées le 15 décembre 2022. Au total, en 2020, ce sont 208 000 personnes qui en ont été victimes. A titre de comparaison, 159 400 personnes avaient subi des violences conjugales l'année précédente. 87 % d'entre elles sont des femmes et 89 % des mis en cause sont des hommes. Si les chiffres susmentionnés ne prennent pas en compte les homicides, 145 personnes ont été tuées par leur partenaire en 2021 contre 125 en 2020. Parmi les victimes, 122 étaient des femmes en 2021 et 102 en 2020. Le nombre d'enregistrements de faits de violence conjugale a "pratiquement doublé depuis 2016, dans un contexte de libération de la parole et d'amélioration des conditions d'accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie", précise le SSMSI.
Emmanuel Macron s'adresse aux victimes
En 2021, lors de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Emmanuel Macron a délivré un message vidéo aux victimes. Après avoir rappelé que les violences conjugales "augmentaient" pendant le confinement, le chef de l'État a réaffirmé l'importance de "dénoncer", notamment par le biais du numéro 3919, de l'envoi d'un SMS au 114 ou encore de la plateforme de signalement.
Il a également rappelé la possibilité d'alerter auprès de la police, des gendarmes, des associations, dans les pharmacies ou les points d'alerte. "Des entreprises privées, comme Uber, sont prêtes à vous offrir des courses gratuites", a-t-il ajouté.
Le président de la République s'est adressé à celles qui "hésitent à porter plainte", afin de leur rappeler que les démarches avaient été "simplifiées" et qu'il était désormais possible de porter plainte à l'hôpital, dans certains départements.
Mesdames, cest à vous que je veux madresser aujourdhui. pic.twitter.com/t5dIGwG5MR
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 25, 2020
Qui sont les victimes et les agresseurs ?
Les violences conjugales touchent tous les milieux sociaux et culturels. Chacun peut un jour ou l'autre en être victime. Idem du côté des agresseurs. "Il s'agit d'un phénomène sociétal. L'agresseur type, c'est monsieur tout-le-monde, celui qui vit dans un quartier résidentiel huppé ou celui qui vit au fin fond d'un quartier difficile. Il peut être adoré par ses amis et reconnu dans son travail. Le phénomène touche absolument tous les milieux !", commente Dominique Guillien-Isenmann, présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSM).
Violences conjugales : que faire et quels numéros appeler en cas d'urgence ?
Il est également possible de signaler des violences conjugales en ligne via une messagerie instantanée qui permet de dialoguer directement avec un personnel de police ou de gendarmerie.
3919 : à quoi sert ce numéro ?
Le 3919 est un numéro d'écoute national destiné aux femmes victimes de violences et à leur entourage. "Ce numéro permet d'assurer une écoute et une information, et, en fonction des demandes, effectue une orientation adaptée vers des dispositifs locaux d'accompagnement et de prise en charge. Le 3919 n'est pas un numéro d'appel d'urgence", indique le site arretonslesviolences.gouv.fr.
Lancé en 1992 par la Fédération nationale Solidarités Femmes, le 3919 est ensuite devenu le numéro national de référence, soutenu par les pouvoirs publics. "Le 3919 n'est pas un numéro d'urgence, contrairement à ce qu'on a pu lire. Et il est dangereux de transmettre cette information ! C'est n'est pas un numéro d'urgence mais un numéro d'écoute. On écoute, on oriente et on conseille", répète Dominique Guillien-Isenmann. "Nos écoutantes reçoivent une formation très poussée au sein de notre fédération. Elles sont en capacité d'accompagner les femmes qui appellent, de leur permettre de comprendre et mettre des mots sur ce qu'elles sont en train de vivre. De plus, les écoutantes donnent les moyens aux femmes de mettre en place une démarche auprès d'une association ou les conseille sur la marche à suivre si elles décident de porter plainte", poursuit la militante féministe.
Qui peut appeler le 3919 ?
Les femmes victimes de violences sont évidemment encouragées à appeler pour trouver écoute et aide, leurs proches également. Parents, enfants, amis... Chacun peut composer le 3919. "L'écoutante ne va pas rentrer dans une longue conversation avec le.a proche qui appelle le 3919, mais elle lui donnera des ressources pour venir en aide à la victime", précise Dominique Guillien-Isenmann.
Comment porter plainte en cas de violences conjugales ? Et ensuite ?
En cas de violences conjugales, la victime à 6 ans pour porter plainte. Elle peut se rendre au commissariat ou à la gendarmerie. Un dépôt de plainte ne peut être refusé.
La victime peut également écrire directement un courrier au procureur de la République au tribunal du lieu de l'infraction ou du domicile de l'auteur de l'infraction. Le courrier pourra être envoyé par la poste ou déposé directement à l'accueil du tribunal. "Toutefois nous voyons que seulement 18 % des mains courantes donnent lieu à des investigations, et 80 % des plaintes sont classées sans suite", déplorait jeudi 19 novembre 2020 la présidente du Haut conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Brigitte Grésy, auditionnée par la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Il est également conseillé de se rendre à l'hôpital ou de voir un médecin ou une sage-femme qui pourra constater les blessures, traces de coups et traumatismes psychologiques. Le certificat médical permettra d'appuyer les propos de la victime en cas de dépôt de plainte.
Il est également important qu'une victime puisse se mettre à l'abri. Ainsi Brigitte Grésy plaidait devant la délégation des droits de femmes du Sénat pour "créer une vraie culture de protection tout au long de la chaîne", dès le moment où une femme décide d'en finir avec ces violences. Dans son rapport 2020, la Fondation des femmes a dénoncé le manque d'hébergements d'urgence pour les femmes victimes de violences et a demandé l'ouverture de 2 000 places supplémentaires, en plus des 1 000 places promises lors du Grenelle contre les violences conjugales.
Quelles lois contre les violences conjugales ?
Il existe un panel de lois visant à protéger les victimes de violences conjugales et à punir les auteurs. Parmi lesquelles :
- 1990 : la cour de Cassation reconnaît le viol entre époux.
- 1994 : le délit spécifique de violences conjugales devient un délit passible du tribunal correctionnel. La qualité de conjoint ou concubin est reconnue comme une circonstance aggravante.
- 2004 : création de la mesure d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal dans le cadre de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.
- 2006 : la notion de circonstance aggravante est élargie au pacsé et ex-conjoint.
- 2010 : création de l'ordonnance de protection des victimes qui permet au juge d'interdire à l'agresseur de rentrer en contact avec la victime. La loi du 9 juillet 2010 reconnaît également le délit de harcèlement moral dans le couple.
- 2014 : l'ordonnance de protection est renforcée et l'éviction du conjoint violent devient la règle.
- Le bracelet anti-rapprochement, inscrit dans la loi du 28 décembre 2019 ne sera officiellement lancé, par décret, que le 24 septembre 2020. Il permet de géolocaliser un conjoint ou ex-conjoint violent et donne l'alerte s'il est trop proche de sa victime.
- La loi du 30 juillet 2020 protège davantage les enfants dont l'un des parents est coupable de violences conjugales. La loi prévoit également la possibilité pour le médecin généraliste de déroger au secret médical.
Notre interlocutrice, Dominique Guillien-Isenmann milite quant à elle, aux côtés de nombreuses associations, pour "la création d'une juridiction spécialisée pour les violences faites aux femmes dans la sphère conjugale. L'Espagne a créé un guichet unique réservé à ce type de violences. Ce sont des personnes formées aux violences conjugales qui prennent en compte l'ensemble de la situation d'une victime, ce qui n'est pas le cas en France".
Quels sont les risques et peines encourus par la personne à l'origine des violences ?
- Une peine de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours. La peine est portée à 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende en cas de violences répétées.
- Une peine de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour des violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours. La peine est portée à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende pour des violences répétées.
- Depuis la loi du 30 juillet 2020, quand le harcèlement du conjoint pousse la victime à mettre fin à ses jours ou à tenter de mettre fin ses jours, l'agresseur pourra écoper d'une peine allant jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende.
Si l'agresseur est reconnu coupable de viol, il risque 20 ans d'emprisonnement. "En cas d'agression sexuelle autre que le viol, les peines sont de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende", indique Service-Public.fr.
En cas de meurtre ou tentative de meurtre, la peine encourue est la prison à perpétuité.
Comment protéger/aider les victimes de violences conjugales ?
"On peut toujours faire quelque chose. Il ne faut pas fermer les yeux. Si on se rend compte que le comportement d'un conjoint semble violent, s'il est souvent difficile d'intervenir sur le moment, on peut le faire remarquer plus tard en tête à tête à cette femme. Je suis persuadée que ce n'est que par la sensibilisation de l'opinion public que l'on peut faire avancer cette cause. Si tout le monde se sent concerné", affirme Dominique Guillien-Isenmann.
L'entourage peut jouer un rôle important dans le prise de conscience de la victime. Pour l'aider, il est important que les proches soient sensibilisés aux mécanismes de la violence conjugale, qu'ils soutiennent la victime et jamais ne la jugent ou ne la remettent en question. Leurs témoignages lors d'une procédure judiciaire pourront être déterminants.
Associations, sites internet et applis contre les violences conjugales
La fédération France Victimes a lancé lundi 23 novembre 2020 sous l'égide du gouvernement, le site internet Mémo de vie. Objectif : permettre aux victimes de violences, notamment conjugales, de protéger les photos, enregistrements, documents ou encore témoignages des agressions subies en cas d'actions en justice.
L'application App-Elles peut être précieuse pour une femme victime de violences conjugales. Elle permet de lancer des alertes aux proches et aux secours et propose notamment une base de données pour trouver de l'aide auprès des associations et structures d'accompagnement.