Féminicide : de quoi parle-t-on ?

Le meurtre d'une femme ou d'une fille parce qu'elle est une femme, soit le féminicide, n'est pas reconnu par la loi française. Que dit le Code pénal ? Qu'est-ce qu'un féminicide ? On fait le point.

Féminicide : de quoi parle-t-on ?
© ricochet64/123RF

Qu'est-ce qu'un féminicide ? Définition

Le terme féminicide est un mot-valise constitué des mots féminin et homicide. Le mot a été popularisé en 1992 par la militante féministe américaine Diana Russell dans son livre Femicide : politics of woman Killing. Elle définit ainsi le mot qu'elle avait elle-même inventé dès 1976 : "le meurtre d'une femme parce qu'elle est une femme".

L'OMS classe les féminicides en quatre catégories :

  • le féminicide intime commis par un époux ou un compagnon, actuel ou ancien.
  • le crime d'honneur : une femme ou une fille tuée par un membre de sa famille parce qu'elle a commis ce qui est perçu comme une transgression, sexuelle ou dans son comportement.
  • le féminicide lié à la dot : il est commis sur la future mariée par sa belle-famille, du fait d'un désaccord entre les deux familles autour de la dot.
  • le féminicide non-intime commis par une personne qui n'est pas en relation avec la victime.

Le mot "féminicide" n'est pas toujours connu dans la version en ligne du Larousse, mais est bien présent, pour la première fois dans l'édition 2021 du dictionnaire. Du côté du Robert, "féminicide" figure bien parmi les définitions de noms communs depuis 2015 : "Meurtre d'une femme, d'une fille en raison de son sexe", est-il écrit dans ce dictionnaire.

Statistiques : quel est le nombre de féminicides en France ?

En 2020, selon le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, 90 femmes ont été assassinés par leur conjoint ou ex-conjoint. En chiffre en baisse par rapport à 2019 et ses 146 féminicides recensés. Un chiffre qui baisse alors que les signalements pour violences conjugales ont eux explosés en  2020 : +40 % pendant le premier confinement et +60 % pendant le deuxième confinement, par rapport à la normale.

Depuis #MeToo, le Grenelle des violences conjugales et les différentes campagnes de sensibilisation menées par les associations féministes et le gouvernement, il semble que de plus en plus de victimes osent désormais signaler les comportement violents. Leurs proches seraient aussi davantage prêts à les accompagner. "Nous sommes tous de plus en plus attentifs à ces problèmes. Le confinement a pu exacerber la situation mais l'attention de la famille, des voisins, ou des professionnels a pu permettre des signalements", analyse pour France3 Bretagne, le psycholoque Pascal Pignol, spécialisé en victimologie1.

À quand une loi contre le féminicide ?

Au nom d'une conception universaliste du droit, le féminicide n'est toujours pas inscrit dans le Code pénal français malgré l'organisation du Grenelle des violences conjugales en 2019 et les deux lois récentes sur les violences conjugales promulguées en décembre 2019 et juillet 2020. Le meurtre d'une femme est considéré comme un homicide.

Plusieurs féministes et associations luttent pour la reconnaissance du féminicide dans la loi. "Il ne s'agit pas de dire qu'un meurtre crapuleux est moins grave ou que le meurtre d'une femme est plus grave que celui d'un homme mais de bien nommer les actes pour lutter efficacement contre", écrit ainsi Valérie Rey-Robert sur son blog Crêpe Georgette2.

"Les féminicides ne sont pas des homicides comme les autres, ce ne sont pas non plus des affaires privées. Les femmes sont encore considérées comme la propriété de leur compagnon ou des hommes en général. Ils s'approprient le corps des femmes et des filles par diverses agressions sexuelles et sexistes, par le viol, mais aussi par le meurtre. Il est temps de reconnaître que le féminicide est un crime spécifique, un meurtre misogyne qui doit être reconnu et jugé comme tel", plaide encore l'association Osez le féminisme3.

Quelles sont les peines encourues en cas de féminicide ?

Depuis 2017, la loi reconnaît toutefois comme circonstance aggravante le meurtre de sa conjointe ou ex-conjointe. Selon l'article 221-1 du Code pénal, le fait de donner volontairement la mort est puni de trente ans de réclusion criminelle. Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime.

Que faire pour prévenir un féminicide ?

Plusieurs avancée notables ont vu le jour ces deux dernières années pour lutter contre les féminicides. Parmi elles :

  • La généralisation du bracelet électronique pour tenir à distance les conjoints ou ex-conjoints violents.
  • Le renforcement de l'ordonnance de protection : le juge aux affaires familiales doit statuer en six jours. Le conjoint violent doit être éloigné du domicile conjugal, son autorité parentale est suspendue.
  • La levée du secret médical est possible si la vie de la victime est en danger.
  • L'élargissement des conditions d'attribution du téléphone grave danger (TGD).

Pour les victimes de violences conjugales et leurs proches, le numéro national 3919 propose une écoute et oriente vers les ressources à disposition. Les victimes peuvent aussi se tourner vers les associations près de chez elles. Une victime de violences peut déposer plainte auprès de la police ou de la gendarmerie. Elle peut aussi demander en ligne la délivrance d'une ordonnance de protection auprès du juge des affaires familiales ou en se rendant au tribunal judiciaire ou de proximité. C'est aussi là qu'il faut faire la demande du téléphone grand danger. Un juge prendra aussi la décision de placer ou non un conjoint violent sous bracelet anti-rapprochement.

Le mouvement des "colleur.euses"

Dimanche 10 janvier 2021, le mouvement des Colleur.euses a érigé dans le 11e arrondissement de Paris un mémorial en hommage "aux victimes du patriarcat". En tout, ce sont les noms de 98 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, 11 travailleur.se.s du sexe et 2 personnes transgenres qui sont collés sur ce mur de la rue Bouvier.

Des lettres capitales noires sur fond blanc, c'est la signature du collectif Collages Féminicides Paris qui dénonce les féminicides et violences conjugales depuis août 2019. Son objectif : lutter contre la société patriarcale et les violences qu'elle engendre. Le mouvement a aujourd'hui essaimé partout en France et a contribué à une prise de conscience dans la société.

Sources :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cotes-d-armor/comment-expliquer-augmentation-signalements-violences-conjugales-1914448.html
2 https://www.crepegeorgette.com/2016/07/05/feminicide-2/
3 http://reconnaissonslefeminicide.olf.site/quest-ce-que-le-f/