Viol : que dit la loi, comment porter plainte, quels sont les chiffres ?

Chaque année, 94 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de viol ou tentative de viols en France. Vers qui se tourner ? Où demander de l'aide ? Le Journal des Femmes fait le point.

Viol : que dit la loi, comment porter plainte, quels sont les chiffres ?
© Camille Plessis/Journal des Femmes

Qu'est-ce qu'un viol ?

"Le viol est un acte de pénétration sexuelle commis sur une victime par violence, contrainte, menace ou surprise", écrit le site Service-public.fr. Le viol ne s'accompagne pas forcément de violences physiques. Il s'agit d'un viol dès lors que la victime n'a pas formulé son consentement de manière "clair et explicite". La pénétration sexuelle peut être commise par le sexe de l'agresseur, ses doigts ou un objet. Comme pour toutes les violences à caractère sexuel, le viol est plus sévèrement puni lorsqu'il est commis sur une personne mineure.

Depuis les années 1990, le devoir conjugal a été mis à mal avec la reconnaissance du viol entre époux par la Cour de cassation, par la suite inscrit dans la loi en 2006. Un rapport sexuel contre sa volonté commis par son époux, son pacsé, son concubin est reconnu comme un viol.

Loi Schiappa de 2018 : quels changements ?

Le viol est un crime défini selon l'article 222-23 du Code pénal. En 2018, la loi Schiappa dite "renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes" a porté le délai de prescription à 30 ans après la majorité des victimes. Autre nouveauté, "la contrainte morale sur la personne mineure peut résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime", explique le site vie-publique.fr.

La loi Schiappa élargit également la définition du viol donné par l'article 222-23 du code pénal. La pénétration sexuelle peut désormais être commise sur l'auteur du viol. "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol", dit désormais la loi.

La loi ne prévoit pas d'âge de non-consentement sexuel, un seuil au-dessous duquel un mineur est automatiquement considéré par la justice comme non-consentant à un acte sexuel. Aujourd'hui, sans preuve du non-consentement, la justice peut considérer comme simple atteinte sexuelle, un acte sexuel avec pénétration sur un enfant de moins de 15 ans. Fixé dans de nombreux pays, ce seuil est pourtant réclamé par les associations d'aide aux victimes.

Qui sont les victimes de viol ?

Selon l'enquête Violences et rapports de genre (VIRAGE), dont les premiers résultats ont été publiés en 2016, les femmes sont les premières victimes de violences sexuelles. "Sur un an, au cours des 12 moins précédant l'enquête, 52 400 femmes et 2 700 hommes ont été victimes d'au moins un viol", lit-on sur le site du ministère chargé de l'Egalité entre les hommes et les femmes.

Les enfants et très jeunes femmes sont les premières victimes. "Pour près de 3/5ème des femmes qui ont été victimes de viol ou tentative de viol, le premier fait s'est produit avant 18 ans (et avant 15 ans pour 2 femmes victimes sur 5). 1/7ème des femmes qui ont été victimes de viol dans le couple l'ont été avant 18 ans", est-il également précisé.

Plainte, examen médico-légal... : quelles démarches entreprendre en cas de viol ?

1. Déposer plainte

La victime peut se rendre dans un commissariat de police ou à la gendarmerie. "Si on n'a pas envie d'aller dans un commissariat, on peut demander de l'aide sur le chat mis en place par le gouvernement. Le policier ou le gendarme, spécialement formé, indiquera à la victime où aller et pourra éventuellement lui prendre un rendez-vous. Donc, en général, la victime sera bien reçu, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas", commente Emmanuelle Piet, médecin et présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV).

"On peut normalement déposer plainte dans n'importe quel commissariat. On peut aussi écrire au procureur de la République si on décide de porter plainte plus tard. Les femmes doivent savoir qu'elles ont le temps pour porter plainte. Si elles ont trop peur ou pour une autre raison, elles peuvent prendre le temps d'y réfléchir. Elles peuvent aussi décider ne pas porter plainte", insiste notre interlocutrice.

2. Faire pratiquer un examen médico-légal

Après avoir porté plainte, et sur réquisition policière, la victime fait constater les éventuelles blessures et subit des prélèvements aux urgences médico-légales, autant de preuves qui seront ensuite précieuses pour la procédure. "Les preuves étant très éphémères, cela vaut le coup, si on sait qu'on veut porter plainte, de se rendre le plus rapidement possible à la police ou à la gendarmerie", poursuit Emmanuelle Piet.

3. Conserver les preuves

Si on ne veut pas se rendre dans un commissariat ou à l'hôpital, "c'est important de garder les preuves. Conserver ses vêtements dans du papier, se couper une mèche de cheveux si on pense qu'on a été drogué. La victime a tendance à vouloir oublier rapidement, mais ces preuves sont précieuses", répète Emmanuelle Piet.

4. Penser à sa santé

"Il faut aussi que la victime pense à sa santé. Une femme peut se rendre à l'hôpital ou chez le médecin. Selon moi, c'est mieux de se rendre aux urgences parce qu'on peut tout de suite prendre un traitement contre le VIH (le TPE, traitement post exposition au VIH, ndlr). On lui donnera aussi ce qu'il faut pour éviter une éventuelle grossesse. Le mieux est de ne pas y aller seule. Mais il faut appeler quelqu'un en qui on a vraiment confiance", pose Emmanuelle Piet. Elle ajoute : "Et si la victime ne se rend pas à l'hôpital, il est important de prendre la pilule du lendemain et de penser au dépistage d'éventuelles IST".

Quelles sont les peines encourues par les agresseurs ?

L'auteur d'un viol sur une personne majeure risque 15 ans de prison. La peine passe à 20 ans pour les circonstances aggravantes suivantes :

  • L'auteur du viol est un ascendant de la victime, une personne ayant autorité sur elle ou une personne abusant de l'autorité que lui confie ses fonctions
  • L'auteur du viol vit en couple  avec la victime
  • L'auteur du viol a drogué la victime
  • L'auteur du viol était sous l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants
  • L'auteur du viol est entré en contact avec la victime par internet
  • La victime était particulièrement vulnérable (personne infirme, malade, enceinte, démunie)
  • Le viol a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente
  • Le viol a été commis à raison de l'orientation ou de l'identité sexuelle (réelle ou supposée) de la victime
  • Le viol a été commis avec l'usage ou la menace d'une arme
  • Le viol a été commis par plusieurs personnes agissant comme auteurs ou complices

Le viol d'une personne mineure de 15 ans et plus est puni de 15 ans de prison. La peine passe à 20 ans de prison pour un mineur de moins de 15 ans. Le nom de l'agresseur est inscrit au fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

Quels sont les numéros d'urgence à appeler en cas de viol ?

  • Le 17 permet de joindre la gendarmerie ou la police ;
  • Le 114 permet d'envoyer un message si la victime ou un témoin ne peut pas parler ;
  • Le 112 permet de joindre les services d'urgence européen ;
  • Le 15 est le numéro des urgences médicales.

Les chiffres du viol en France

Selon l'Observatoire national des violences faites aux femmes, 94 000 femmes, âgées de 18 à 75 ans, sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année. L'Observatoire précise qu'il s'agit d'une "estimation minimale". Dans 91 % des cas, les victimes connaissent leurs agresseurs. Le conjoint ou ex-conjoint est l'agresseur dans 47 % des cas. Seules 12 % des victimes décident de porter plainte.

Pourquoi si peu de femmes portent plainte en France ?

"Les victimes ne sont pas toujours bien accueillies dans les commissariats ou gendarmeries, l'agresseur fait peur et les femmes ne sont pas certaines d'être bien protégées si elles portent plainte. Elles connaissent leur agresseur dans 91 % des cas, il ne faut pas l'oublier. Surtout, seulement 10 % des agresseurs seront condamnés, ce chiffre n'encourage pas à porter plainte. Il faut impérativement changer notre prise en charge de la victime, par la police et par la justice", lâche Emmanuelle Piet.

"Il existe en Belgique des centres de prise en charge des violences sexuelles. Tout se trouve sur place, la victime se voit prodiguer les soins pour sa santé mais on y fait aussi les prélèvements médico-légaux qui y seront conservés. Les vêtements sont également conservés, sous papier kraft. On peut donc décider plus tard de porter plainte, les preuves s'y trouveront encore. Et si la victime décide de porter plainte immédiatement, les agents de police, volontaires, sélectionnés et formés, se rendront sur place où ils prendront la plainte. Le CFVF milite pour l'ouverture de tels centres en France. En Belgique, 60 % des femmes portent plainte, en France, c'est seulement 10 %", explique la présidente du CFCV.

Comment aider les victimes de viol ?

"Pour l'entourage, il ne faut en aucun cas questionner la manière dont s'est comportée la victime, même gentiment. C'est primordial", conseille Emmanuel Piet. Le rôle des proches de la victime consiste à leur donner un accompagnement, lorsque les femmes le demandent. Ils peuvent également joindre le 3919 ou se présenter à une association, pour y recueillir des conseils et fournir des ressources à la victime.

Comment se reconstruire après un viol ?

Selon l'Observatoire national des violences faites aux femmes, 76 % des victimes estiment que "ces violences ont eu des répercussions plutôt ou très importantes sur leur santé psychologique et, à 61  %, qu'elles ont entraîné des perturbations".

"Dans les conséquences de viol, on retrouve souvent le syndrome de stress post-traumatique (attaque de panique, cauchemars...) à l'origine d'une souffrance durable. Si cela arrive à une femme, elle doit bien savoir qu'elle n'est pas folle et que le syndrome post-traumatique se soigne, à condition d'aller voir quelqu'un. C'est bien aussi de se faire accompagner par une copine, un thérapeute ou dans un groupe de paroles...", conseille Emmanuelle Piet.

Autrice de Vivre après un viol (éd. Eres), la sociologue Lise Poirier-Courbet présente des "chemins de reconstruction" dans cette enquête menée auprès de femmes victimes de viol. Dans une vidéo, elle revient sur les quatre leviers de reconstruction qu'elle a identifiés.

  • "Avoir été reconnue en tant que victime, soit par le biais d'un procès, soit par le biais d'un groupe de paroles"
  • "Pouvoir en faire un récit, par le biais d'une thérapie, de groupe de paroles ou auprès d'un proche"
  • "Retrouver cette force de vie, pouvoir continuer à travailler, renouer ou poursuivre des histoires amoureuses ou amicales"
  • "Pouvoir en faire quelque chose, transmettre, par la solidarité entre femmes notamment. Il y a le combat individuel et le combat collectif", explique Lise Poirier-Courbet.

Quelles associations d'aide après un viol ?

Viol et prescription

En France, le délai de prescription est de 20 ans et s'allonge à 30 ans, à partir de la majorité, quand le viol a été commis sur une victime mineure.

Viol post-mortem

C'était l'une des accusations formulées par les avocats des parties civiles lors du procès de Jonathann Daval, accusé du meurtre de sa femme Alexia Daval dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017. Pénalement, le viol post-mortem n'existe pas, puisqu'il ne peut y avoir de mépris du consentement. La loi reconnaît l'atteinte à l'intégrité du cadavre, qui est punie d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.