Drogue du violeur : le point sur la soumission chimique

Dans les années 2000, la presse s'est fait l'écho d'agressions sexuelles commises après l'absorption à l'insu de la victime de GHB. Il est devenu dans l'imaginaire collectif la drogue du violeur. Il est question ici de soumission chimique dans le but d'agresser sexuellement une victime. Le GHB est en réalité très rarement utilisé à ces fins, les médicaments de la famille des benzodiazépines sont à l'origine de bien plus d'agressions.

Drogue du violeur : le point sur la soumission chimique
© Cathy Yeulet/123RF

Quel est le nom scientifique de la drogue du violeur ?

L'acide gamma-hydroxybutyrique, ou GHB,  est destiné à un usage médical. "Le GHB (gamma-hydroxybutyrate) ou Gamma OH est une molécule anesthésique à usage médical. Il a une double action : euphorisante, puis sédative", précise le site drogues.gouv.fr.

Détourné, le GHB peut être utilisé comme drogue dans un cadre récréatif ou à des fins de soumission chimique, soit "l'administration à des fins criminelles (viols, actes de pédophilie) ou délictuelles (violences volontaires, vols) de substances psychoactives (SPA) à l'insu de la victime ou sous la menace", explique l'Agence national de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). C'est pourquoi le GHB est également appelé "drogue du viol" ou "drogue du violeur". Toutefois, le GHB n'est pas la seule molécule utilisée par les prédateurs sexuels pour contraindre leur victime. Des médicaments de la famille des benzodiazépines sont aussi utilisés ou des sédatifs divers précise encore l'ANSM dans une enquête sur les soumissions chimiques (réalisée chaque année depuis 2003).

Quels sont les chiffres ?

Selon les résultats de l'enquête de 2018 (publiée en 2020), 492 cas de soumissions chimiques ont été observés. Parmi elles, 183 cas de vulnérabilité chimique sont recensés, définie comme "la consommation volontaire (par la victime) de substances psychoactives la rendant plus vulnérable à un acte délictuel ou criminel".

Parmi ces 492 cas, 38 personnes ont été victimes de soumission chimique vraisemblable. 61 % des victimes sont de sexe féminin, âgées de 2 à 68 ans, avec une médiane de 17 ans. L'enquête dénombre 18 victimes mineures. 63 % des victimes ont subi une agression sexuelle, 16 % un vol. Pour 18 % des cas, il s'agit "d'une sédation dans un but homicide".

Sur l'ensemble des substances psychoactives utilisées, 58 % font partie de la famille des benzodiazépines, Zoplicone en tête. Et le fameux GHB n'a été utilisé que dans trois cas "vraisemblables".

A noter : ces chiffres ont été remontés à l'ANSM par les laboratoires d'analyses toxicologiques experts médico-judicaires, les urgences médico-judiciaires, les services de médecine légale et divers autres services (médical, judiciaire). Ils ne prennent en compte que les victimes qui se sont présentées dans leur service et qui, pour la plupart, ont porté plainte et ne peuvent donc refléter la réalité.

Mode opératoire

Il n'existe pas qu'un seul mode opératoire. Toutefois, cette soumission chimique est pratiquée dans un milieu festif, lors d'une soirée où l'on consomme de l'alcool. Le prédateur dilue un médicament ou une drogue dans le verre de la victime qui absorbera la substance à son insu. Toujours selon l'enquête de l'ANSM, la soumission chimique peut également survenir au domicile de la victime ou de l'agresseur.

Quels sont les symptômes ?

Selon l'enquête de l'ANSM, une amnésie est décrite par 62 % des victimes. "Les  symptômes les plus souvent décrits sont une perte de mémoire, des troubles de la vigilance, des lésions traumatiques et des troubles de la vue. La consommation volontaire d'alcool et de cannabis, plus fréquemment retrouvée chez les jeunes, est un facteur important de vulnérabilité et accentue les effets sédatifs et désinhibiteurs des substances administrées par l'agresseur", ajoute l'agence nationale de sécurité du médicament.

Pour le GHB en particulier, selon le guide du Journal des Femmes Santé consacré à la molécule, "les effets varient selon le consommateur, le contexte de consommation, la quantité et la qualité de GHB. Ils durent environ 1 heure, seulement 15 à 30 minutes après l'absorption. Le premier effet est souvent celui d'une sensation de chaleur et d'ivresse comparable à celle de l'alcool. Pour des doses faibles à modérées, le consommateur ressent un sentiment de quiétude, une légère euphorie et une désinhibition. À forte dose, les effets du GHB sont ceux d'un somnifère puissant avec un risque de coma".

Comme très souvent après une agression sexuelle, les victimes ressentent de la culpabilité et de la honte. Dans ce cas précis, elles ressentent également un doute sur ce qui leur est réellement arrivé. La culpabilité est "décuplée en cas de soumission chimique. Parce que les femmes savent qu'elles ont bu ou pris des drogues, elles se disent que c'est de leur faute. Vu qu'elles ne se souviennent pas, elles ne peuvent pas non plus être certaines de ne pas avoir exprimé leur consentement. Elles s'en doutent, mais n'en ont pas la preuve. Il y a beaucoup de culpabilité liée à cette amnésie. Le black-out augmente la souffrance", a expliqué à TV5 Monde la psychologue Evelyne Josse.

Peut-on savoir si on a été droguée ?

Seules les analyses toxicologiques permettent de savoir si on a été drogué. Une consommation d'alcool excessive peut également être à l'origine de trou noir et de perte de mémoire. "On peut détecter les tranquillisants jusqu'à dix jours dans les urines, mais le GHB seulement pendant dix à douze heures", a expliqué à TV5Monde, Marc Deveaux, responsable d'un laboratoire d'analyses de toxicologie médico-légales. Passé ces délais, c'est l'analyse segmentaire des cheveux qui parlera.

Que faire en cas de suspicion de soumission chimique à la drogue du violeur ?

Pour savoir avec certitude si on a été drogué, il faut procéder rapidement à des analyses toxicologiques. Passé un certain délai, seule l'analyse des cheveux permettra d'établir, jusqu'à plusieurs semaines après absorption de la substance, si une victime a été droguée. Seuls des laboratoires spécialisés effectuent ce type de tests, il est possible de se renseigner auprès du Centre d'Evaluation et d'Information sur les Pharmacodépendances (CEIP) de sa région. Les coordonnées de l'ensemble des CEIP se trouvent sur le site de l'ANSM.

Droguée ou non, si une victime pense avoir été agressée sexuellement, elle peut porter plainte ou se tourner vers l'une des associations contre les violences faites aux femmes pour parler et/ou être conseillée.

Pour trouver une association près de chez soi, un formulaire est disponible sur le site du gouvernement arretonslesviolences.gouv.fr.

Si la victime en a le courage, elle peut se rapprocher d'un.e ami.e en qui elle a confiance pour se confier ou qui pourrait l'aider à reconstituer le fil de la soirée, si elle ne s'en souvient pas clairement.

Comment éviter d'être piégée ?

Samira Djezzar, directrice du Centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance et d'addictovigilance à Paris, a édicté dans un entretien à Marie Claire, quatre règles pour courir le moins de risques possibles.

  • Règle numéro 1 : repartir d'une soirée accompagnée des gens qu'on connaît.
  • Règle numéro 2 : ne pas lâcher son verre ni le confier à la garde de quelqu'un.
  • Règle numéro 3 : attention à l'alcool à haute dose. Il peut provoquer le trou noir.
  • Règle numéro 4 : éviter l'association alcool et cannabis qui accroissent la vulnérabilité de la victime.

Que dit la loi sur la soumission chimique ? 

La soumission chimique est punie par la loi. Selon l'article 222-30-1 du Code Pénal, "le fait d'administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende".