Abécédaire féministe contre les amalgames et les violences

Le mot "féminisme" reste tabou alors qu'il se définit par "l'ensemble des mouvements et idées qui visent à atteindre l'égalité entre les sexes". Rien de bien méchant. Afin de mettre les choses au clair, voici les vingt-six lettres de l'alphabet transformées en mots et concepts à mettre dans toutes les bouches pour une société moins sexiste.

Abécédaire féministe contre les amalgames et les violences
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A comme Agression sexuelle :

L'article 222-22 du code pénal français définit l'agression sexuelle comme "le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d'un tiers". Un baiser volé, un homme qui se frotte contre une femme dans le métro, un autre qui se permet de toucher une poitrine sans autorisation de sa propriétaire et évidemment tout acte sexuel forcé sont passibles de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende.

B comme Body-bashing :

En anglais, "to take a bashing" signifie "se faire critiquer" (violemment). Le body-bashing, c'est donc le fait de critiquer un corps de femme... à cause des préjugés de féminité et de beauté imposés par la publicité et la société de consommation. Sur les réseaux sociaux, les internautes s'insurgent de ces diktats via des hashtag qui prônent la sensualité des cuisses de sirène, des vergetures ou de la cellulite. Se ré-approprier son image comme on l'entend et pas comme on nous le dicte : le premier des combats de femme ?

C comme Contraception :

Pilule, implant, stérilet, préservatif, anneau vaginal, patch... Il entre dans la loi française en 1967 avec la loi Neuwirth, autorisant la fabrication, l'importation et la vente en pharmacie sur ordonnance de contraceptifs, avec autorisation parentale pour les mineurs. Elle interdit également toute publicité commerciale. Ce n'est qu'en 1974 qu'elle est remboursée par la Sécurité Sociale.

D comme Droits des femmes :

Les femmes sont autorisées à se rendre aux urnes depuis l'Ordonnance du 21 avril 1944. Bien longtemps après cette première ébauche d'égalité politique, le ministère des Droits des Femmes fait son apparition officielle en 1981, avec Yvette Roudy à sa tête. Depuis, les Droits des femmes vont et viennent au sein des différents gouvernements, passant de ministères à secrétariats d'Etat. Il a toujours été confié à une femme jusque-là.

E comme Excision :

L'excision est une mutilation sexuelle féminine consistant à effectuer une ablation des petites lèvres, du clitoris et parfois des grandes lèvres sur des fillettes de moins de 5 ans généralement. Considérée comme une tradition dans les pays d'Afrique, elle ferait encore 6000 victimes quotidiennes.

F comme Féminicide :

Un féminicide est le meurtre d'une femme motivé par la simple raison qu'elle est femme. Ce mot construit sur la même base que l'homicide ou le génocide, n'est pourtant pas reconnu comme un terme de justice. Un combat que les féministes et Laurence Rossignol, continuent de mener pour une meilleure reconnaissance des assassinats machistes.

G comme GPA :

La gestation pour autrui reste tabou en France, alors que les mères porteuses sont légales dans plusieurs dizaines de pays. Le principe ? On implante les ovocytes des parents biologiques, souvent incompatibles ou infertiles dans le corps d'une femme. Les détracteurs jugent que cela représente une instrumentalisation de la femme, les défenseurs y voient plutôt là une liberté à disposer de son corps. Le débat éthique continue de faire rage au niveau international.

H comme Harcèlement :

Le harcèlement peut être moral, verbal ou physique. Bien souvent quand on évoque cette violence pour les femmes, c'est dans le cadre d'un harcèlement sexuel. On insiste alors sur des propos à caractères sexuels pour humilier la victime, voire la forcer à "céder à ces avances". Cet acte sexiste constitue un délit puni de 2 ans de prison et 30 000 euros d'amende. Avec l'apparition des réseaux sociaux, le harcèlement aussi s'est mis au 2.0, grâce à l'anonymat offert par Internet. On parle alors de cyber-harcèlement.

I comme IVG :

L'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) est un droit acquis pour les Françaises depuis le 17 janvier 1975, grâce à la loi portée par Simone Veil, après un long combat. Simone de Beauvoir est l'une des premières Française à se prononcer en sa faveur dans Le Deuxième Sexe. Elle est aussi l'auteure en 1971 du Manifeste des 343 salopes, publié dans L'Obs, dans lequel des personnalités féminines avouent avoir eu recours à l'IVG alors que c'est encore interdit. Françoise Sagan, Agnès Varda, Catherine Deneuve ou encore Marguerite Duras en font partie Encore contesté par certains groupes minoritaires, l'avortement est l'un des principaux combats féministes. Il donne aux femmes le droit de disposer de leur corps, sous certaines conditions : avoir un suivi médical et suspendre la grossesse avant 12 semaines. 

J comme Journée des droits des femmes :

Lancée par les Nations Unies en 1977, la Journée internationale des Femmes a lieu le 8 mars. Souvent critiquée par son caractère "éphémère", elle reste un rendez-vous annuel au cours du quel le monde s'interroge sur les combats égalitaires. Et les principales touchées de manifester, s'insurger, taper du poing. Indispensable pour avancer.

K comme Kamasutra :

Connu pour son répertoire de positions sexuelles, le Kamasutra (rédigé en sanskrit  dans l'Inde du 4e siècle) est avant tout une réflexion très moderne sur le plaisir. Dans ce recueil de 7 livres - qui ne sera traduit en anglais qu'en 1963 - la femme jouit d'une extraordinaire liberté. Cet ouvrage décrit l'art de la séduction et la manière de tromper son époux. Il évoque l'art les parfums, la cuisine, le maquillage, la musique, la danse… L'homosexualité y est abordée comme "naturelle". Toutes les possibilités érotiques même celles qui seront jugées "déviantes" par la suite ou punies car "contre nature" sont énumérées. Les courtisanes, qui seront ensuite qualifiées de prostituées, sont reconnues car elles détiennent "un savoir" et occupent une place significative dans la société.

L comme Libération sexuelle :

Marquée par une permissivité plus grande du point de vue de la morale et de la norme, la libération sexuelle démarre au milieu des sixties. Le corps féminin se dévoile : les minijupes descendent dans la rue, au cinéma apparaissent les seins nus et les scènes d'amour deviennent plus crues. Les magazines féminins abordent les relations de couple. C'est l'essor des divorces et de l'union libre. Mai 1968 précipite la contestation de l'ordre bourgeois et patriarcal. La tendance hippie casse le modèle de la jeune fille qui arrive vierge au mariage et ne connaît qu'un seul partenaire. Les femmes affirment leur plaisir et s'épanouissent. La pilule contraceptive se démocratise et le répertoire des pratiques (fellation, cunnilingus, sodomie) s'élargit.

M comme Misogynie :

La misogynie est la haine des femmes, qui s'oppose à la misandrie (la haine des hommes, donc). Il est le terme le plus général pour désigner le sexisme contre le genre féminin. A ne pas confondre avec macho, qui insinue également une domination sociale de l'homme qui lui offrirait, selon les intéressés, certains droits.

N comme "Non" :

Le consentement est la base de toute relation sexuelle saine. Par un simple mot ("non", "stop", "arrête"), on peut alors basculer dans l'agression ou le viol. Ça paraît tout bête, pourtant le concept du consentement est intimement lié à la culture du viol, qui consiste à faire porter le chapeau à la victime et à légitimer le crime "parce que la demoiselle portait une jupe, alors elle l'a cherchée vous comprenez".

O comme Olympe de Gouges :

L'auteure (en 1791 tout de même) de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est la pionnière du féminisme en France et la première à demander la libération des femmes à une époque où elles sont encore considérées comme inférieures à l'homme d'un point de vue politique, social, professionnel, etc.

P comme Patriarcat :

Le patriarcat est une organisation sociale dans laquelle l'homme détient le pouvoir et l'autorité en exclusivité. La femme est discriminée car considérée comme inférieure à cause de son identité biologique. En France, légalement parlant, le patriarcat n'est aujourd'hui plus une réalité car les époux sont égaux aux yeux de la loi. Il réside cependant bel et bien une forme de suprématie de la figure masculine notamment dans le couple, au regard du partage des tâches, ou encore de l'inégale rémunération de chacun.

Q comme Quotas :

Les quotas trouvent leur origine dans un dramatique constat : dans certains milieux ou professions, les femmes sont en minorité, voire carrément absentes. Pour y remédier, une intervention du législateur est parfois nécessaire. En 2010, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à favoriser la parité hommes-femmes dans les conseils d'administration des grandes entreprises (L'Oréal, Michelin ou encore BNP Paribas). Les partis politiques sont contraints de respecter la parité depuis 2000 et sont, dans le cas contraire, sont soumis à des pénalités financières. Une sorte de discrimination positive, dont le non-respect est sanctionné par une amende. 

R comme Règles :

De nos jours, les menstrues sont toujours un sujet honteux et/ou tabou : on les cache (coucou le liquide bleu dans les pubs pour les serviettes hygiéniques), ou ne les nomme pas (le mot "ragnagna", c'est quand même ringard), quand d'autres y associent toutes sortes de croyances moyenâgeuses (c'est sale) ou machistes ("elle a ses règles pour être de si mauvaise humeur?"). Dédramatisons les menstruations ! Pour rappel, elles sont naturelles et la moitié de la population de la planète est concernée.

S comme Sexisme :

Le sexisme regroupe l'ensemble des attitudes et actes discriminatoires adoptés à l'encontre du sexe opposé. Cette discrimination basée sur le genre de l'individu conduit le "sexe fort" à dénigrer et rabaisser le "sexe faible" en le considérant comme inférieur. Le sexisme à l'encontre des femmes pousse les hommes à leur attribuer des caractéristiques et un rôle dans la société qui correspondent à des préjugés arbitraires. De nombreuses inégalités résultent de cette attitude, en termes de salaire, de conditions de travail, de répartition des tâches au sein du couple, etc.

T comme Taxe Rose :

La taxe rose, également appelée Woman Tax, est l'impôt que paient les femmes sans même s'en rendre compte sur des produits et services genrés. Parce qu'il faut le savoir : un rasoir rose, un shampooing à paillettes ou une crème aux fleurs coûtent plus cher que leurs équivalents neutres ou "masculins". La taxe rose concerne aussi les produits d'hygiène féminine, soumis à une TVA de 20% parce qu'ils ne sont pas considérés comme des produits de première nécessité. Une étude américaine a calculé qu'être une femme coûtait environ 1 400 dollars par an... Vivement les soldes !

U comme Utérus :

Jadis, l'hystérie était une maladie attribuée aux femmes. En témoigne l'étymologie du mot, liée… à l'utérus. Dans l'Antiquité, on pensait que l'organe reproducteur pouvait se déplacer dans le corps, créant ainsi les symptômes du trouble névrotique si la femme n'avait pas eu d'enfants. La preuve que les stéréotypes sexistes existent depuis la nuit des temps. 

V comme Violences faites aux femmes :

Les violences faites aux femmes sont à la fois trop variées et trop présentes aujourd'hui encore dans nos sociétés. Elles concernent les harcèlements et agressions sexuelles, les violences conjugales, les mutilations sexuelles, les mariage forcés… D'après l'INED, 580 000 femmes ont été victimes d'une forme de violence sexuelle au cours de l'année 2015. On peut élargir ces violences à tout ce qui découle du sexisme : de l'hyper-sexualisation de la femme au harcèlement de rue.

W comme "We can do it !" :

Ce slogan apposé à côté d'une figure féminine au visage conquérant, relevant sa manche et le poing levé, est un véritable symbole du féminisme. Cette affiche provient d'une campagne lancée en 1942 aux Etats-Unis par Franklin Roosevelt pour inciter les femmes à venir travailler en usine, leur mari étant au front. La gent féminine est alors devenue un moteur de la productivité du pays. L'image associée au "We can do it" est ensuite rentrée dans l'histoire quand elle a servi de Une pour le Saturday Evening Post.

X comme Porno féministe :

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à regarder des pornos alors que la plupart répondent aux fantasmes masculins. Face à ce constat, des réalisatrices, à l'instar d'Ovidie, Erika Lust ou Lucie Blush, se sont donné pour mission de faire des films à destination de la gent féminine. Loin des doubles péné, des bifles et des orgasmes simulés, le porno féministe est plus sensuel, plus esthétique, plus réel… et plus jouissif.

Y comme Génération Y :

"C'est la première génération où les hommes s'emparent des combats féministes", assure Céline Parsoud, vice-présidente de Women Up. Une tendance qu'une étude internationale menée par l'association confirme : 89% des hommes interrogés reconnaissent que la place de la femme a évolué, 88% estime que la mixité au travail est une évidence, quand le partage des tâches ménagères est normal pour 80 % d'entre eux. La raison ? Les Millennials acceptent mieux les inégalités sociales et ont vu leurs mères voter et travailler. La génération Y serait-elle celle du changement ?

Z comme Zygomatiques :

Parce que malgré les injustices et les nombreux combats qui attendent encore les femmes, les nouvelles qui tombent chaque jour concernant un nouveau féminicide ou une énième agression sexuelle, il ne faut pas oublier de faire marcher nos zygomatiques et de promouvoir la parole féminine avec le sourire. Et s'il faut ajouter un zeste d'humanité aux zigotos qui se zieutent le zizi, nous le feront !

Sur le même sujet : Les Gros Mots du Féminisme (Ed. Hugo Doc), disponible en librairie.