Manspreading : l'étalement masculin qui dérange

Longtemps considérée comme anecdotique, la pratique du "manspreading", ou le fait pour les hommes de s'asseoir jambes écartées en prenant tout la place dans les transports publics, sort du silence et agite les réseaux sociaux.

Manspreading : l'étalement masculin qui dérange
© fotokalua/123RF

Le manspreading, qu'est-ce que c'est ?

Entré dans le Oxford Dictionary en 2015, le manspreading se définit comme une "pratique selon laquelle un homme, en particulier celui qui voyage dans les transports publics, adopte une position assise avec les jambes bien écartées, de manière à empiéter sur un ou plusieurs sièges adjacents". Si l'étalement masculin dans les transports publics a longtemps été interprété comme un signe de virilité, le vent semble avoir tourné au cours des dix dernières années et faisant entrer le manspreading dans la polémique. La guerre est déclarée aux hommes envahissants qui, dans les transports en commun, s'assoient en écartant les jambes et occupent un siège et demi, tout cela au détriment de leurs voisines qui doivent se recroqueviller sur leur siège pour leur laisser la place !

Une pratique épinglée par les Américaines

L'étalement masculin agace tellement qu'aux États-Unis, il fait en 2013 l'objet d'un blog qui remporte un succès immédiat. Le Tumblr "Men taking up too much space on the train" (Ces hommes qui prennent trop de place dans le métro) s'amuse en effet à publier des photos de ces messieurs assis les jambes écartées dans les transports en commun, bien souvent aux dépens des femmes assises à leurs côtés. La posture incarne alors une expression du sexisme ordinaire et les réseaux sociaux s'en emparent via le fameux hashtag #manspreading.

Face à ces incivilités masculines, la Metropolitan Transportation Authority de New-York, le service public qui gère les transports publics de la ville de New York et son agglomération, lance en décembre 2014 dans les transports new-yorkais une campagne de sensibilisation intitulée "Courtesy Counts, Manners Make a Better Ride" (La courtoisie compte, les bonnes manières font un trajet plus agréable). La campagne d'affichage qui entend lutter contre les incivilités invite les usagers à prendre conscience que quelques gestes de courtoisie suffisent à rendre les transports plus agréables pour tous. Parmi les messages de cette campagne, qui reflètent en grande partie les plaintes et les suggestions des voyageurs, le fameux "Dude... Stop the Spread, Please" (Mec... Arrête de t'étaler s'il te plaît) vise plus particulièrement les manspreaders.

Le terme manspreading gagne tellement en popularité qu'il rentre dans les pages de l'Urban Dictionnary, un dictionnaire en ligne qui décrypte le langage argotique, jeune, urbain, actuel, familier, au plus grand nombre.

Qu'en est-il du manspreading en Europe ?

De l'autre côté de l'Atlantique, c'est d'abord à Madrid que la dénonciation du manspreading trouve un écho. En réponse au succès de la pétition #MadridSinManspreading, lancée par le collectif féministe espagnol Microrrelatos Feministas contre le manspreading qui avait récolté plus de 12 000 signatures, l'EMT (l'entreprise municipale des transports de Madrid) s'est elle aussi lancée dans une campagne de sensibilisation contre le manspreading. Ainsi le pictogramme "Respecter l'espace des autres", représenté par un personnage assis avec les jambes écartées, vient rejoindre dans les transports madrilènes celui de l'interdiction de fumer ou de mettre ses pieds sur les sièges.

En France, si la prise de conscience progresse, la pratique de l'étalement masculin est encore trop perçue comme anecdotique. Pour d'autres, le manspreading relève plus d'un manque de savoir-vivre que de l'expression du sexisme ordinaire. Pourtant les transports parisiens n'échappent pas au manspreading comme en témoignent de nombreuses femmes sur les réseaux sociaux via le hashtag #viedemeuf ou #manspreading. Si le Conseil de Paris a voté une incitation auprès des dirigeants de la RATP, du Stif et de la SNCF, en faveur d'une sensibilisation au manspreading, c'est le collectif Osez le féminisme qui s'est emparé en France du sujet en invitant les femmes à envoyer leurs témoignages et photos à la RATP.