Harcèlement de rue : un acte condamnable en France
Alors que l'outrage sexiste dans la rue est le principal problème rencontré par les femmes et les jeunes filles dans le monde, la France fait désormais partie des pays où il n'est plus permis et où il ne doit plus être toléré d'invectiver, de suivre, d'humilier les femmes en les harcelant dans l'espace public.
Le harcèlement de rue, qu'est-ce que c'est ?
Sifflements, commentaires gênants, interpellations, insultes, frôlement "accidentel" ou encore des attouchements ou des violences physiques… Toutes ces pratiques de harcèlement sexuel subies principalement par les femmes, peu importe leur âge ou leur physique, dans l'espace public de la part d'inconnus de sexe masculin sont considérées comme un harcèlement sexuel de rue.
Ce harcèlement qui prend place dans la rue, les bars, les transports ou tout espace public ou semi-public se distingue par son caractère répétitif et violent qui génère un environnement hostile et dévalorise les femmes ou les hommes de toutes orientations sexuelles, cultures et croyances. Ce comportement, qui n'a rien à voir avec de l'humour, des compliments ou toute forme de séduction, porte une atteinte inacceptable à la dignité et à la liberté des personnes visées qui sont souvent contraintes à baisser la tête, ne pas répondre, changer de trottoir…
Harcèlement de rue et séduction ne doivent pas être confondus, alors que "la drague" se construit à deux avec respect et bienveillance, le harcèlement est la responsabilité d'un individu qui ignore volontairement l'absence de consentement de son interlocuteur en lui adressant des messages intimidants, insistants, irrespectueux, humiliants, menaçants, insultants en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leur couleur de peau ou de leur situation de handicap.
Quels sont les chiffres du harcèlement de rue ?
81 % des femmes en France ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics. C'est le chiffre révélé par un sondage international portant sur le harcèlement sexuel dans les lieux publics, mené en partenariat avec Ipsos, des chercheurs de la Cornell University et L'Oréal Paris. Ce sondage, mené en mars 2019 dans huit pays différents que sont le Canada, la France, l'Inde, l'Italie, le Mexique, l'Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis, a été réalisé à grande échelle auprès de 15 500 personnes interrogées sur leurs expériences en matière de harcèlement, qu'elles en aient été victimes et/ou témoins. Il a également permis de relever que seulement 20 % des femmes harcelées déclarent avoir été aidées par quelqu'un, tandis que 86 % des gens témoins de harcèlement déclarent ne pas savoir comment réagir.
L'enquête Virage, réalisée en 2015 par l'Institut national d'études démographiques, a permis de mieux cerner ce que vivent les femmes et les hommes au sein des espaces publics et de mettre en lumière que les violences dans les espaces publics touchent surtout les jeunes femmes des grandes villes. Un quart des femmes interrogées a déclaré avoir subi au moins une violence dans les espaces publics au cours des douze derniers mois. 20 % des femmes ont mentionné avoir été sifflées au moins une fois. Viennent ensuite les insultes (8 %), le fait d'avoir été suivie (3 %), le pelotage accompagné parfois de baisers forcés (2 %), puis les propositions sexuelles insistantes (1 %) et l'exhibitionnisme ou le voyeurisme (1 %). Les agressions sexuelles sont les plus fréquentes dans les espaces publics. C'est là que 7,9 % des femmes et 2,2 % des hommes en ont subi une à un moment ou un autre de leur vie - le plus souvent du pelotage ou des attouchements du sexe. Les viols et tentatives de viols dans ces espaces concernent 0,9 % des femmes et 0,3 % des hommes âgés de 20 à 69 ans.
Comment se mobiliser contre le harcèlement de rue ?
Avec un nom tiré d'une chanson de Gwen Stefani - une contraction de "holler back" qui signifie "riposter en criant à pleins poumons" - Hollaback! est créé en 2005 à l'initiative de sept jeunes New-Yorkais avec l'ambition d'apporter une réponse forte au harcèlement de rue. Hollaback! est alors un blog sur lequel les victimes de harcèlement sexuel peuvent partager leur expérience et publier des photos de leurs agresseurs. Deux ans plus tard, Hollaback! devient une ONG qui grâce à une récolte de fonds lance une application pour smartphones permettant aux victimes ou aux témoins de prendre des photos et de signaler les cas de harcèlement de rue, géolocalisation à l'appui. L'application est aujourd'hui disponible dans le monde entier.
Avec l'objectif de changer les mentalités et de rendre le harcèlement inacceptable, Hollaback! incite les gens à agir et à témoigner de harcèlements vu ou subis sur ses différentes plateformes accessibles dans le monde entier. L'ONG s'engage également à former les gens à réagir, à intervenir et à guérir du harcèlement et enfin renforce ses actions grâce à un programme international et des partenariats avec des organisations et des entreprises à travers le monde.
En France, afin de mieux comprendre et de lutter contre le problème du harcèlement sexuel dans les lieux publics, Hollaback! s'est associé à L'Oréal Paris et la Fondation des Femmes pour lancer l'initiative Stand Up. Afin d'apprendre aux hommes et aux femmes à lutter contre le harcèlement de rue, le programme Stand Up propose des gestes simples, mais déterminants, qui permettent d'intervenir en toute sécurité lorsqu'on est victime ou témoin de harcèlement de rue.
Accessibles en ligne sur le site officiel de Stand Up, rapides et gratuites, les formations Stand Up proposent une méthode très didactique mise au point par Hollaback! et testée sur les campus américains. Un ensemble de 5 actions simples et efficaces y est également détaillé afin d'aider tout témoin de harcèlement de rue à intervenir. En plus de la formation en ligne, Stand Up organise chaque semaine plusieurs sessions de formations live d'une heure, gratuites et ouvertes à tous. Sur le terrain, le programme de formation est déployé grâce à l'aide de la Fondation des Femmes et de ses associations partenaires à travers des initiatives scolaires, périscolaires et des formations dans les espaces publics (gares, festivals…).
Quelles sont les peines encourues en cas de harcèlement de rue ?
En août 2018, le projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles porté par la secrétaire d'État en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, est définitivement adopté par le Parlement. La loi Schiappa crée une infraction d'outrage sexiste, pour réprimer le harcèlement dit "de rue". Cette infraction sera sanctionnée d'une amende pouvant aller jusqu'à 3 000 euros en cas de récidive.
L'outrage sexiste est caractérisé par des propos ou des comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. La loi sanctionne également le fait d'user de tout moyen pour apercevoir les parties intimes d'une personne à son insu ou sans son contentement.
Premier pays au monde à verbaliser le harcèlement de rue, la France comptabilisait un an après l'adoption de la loi pénalisant les outrages sexistes plus de 700 contraventions dressées par policiers et gendarmes, la grande majorité en flagrant délit, sur tout le territoire français.