Contraception en France : un droit obtenu de haute lutte

Depuis près de 50 ans, les femmes ont le droit en France de choisir si elles veulent ou non enfanter. Un droit obtenu de haute lutte, concrétisé par la loi Neuwirth, suivie en 1975 par la loi Veil sur l'avortement. Le contrôle des naissances est depuis en France un droit fondamental des femmes qui vient clore des siècles de méthodes contraceptives aussi hasardeuses que dangereuses.

Contraception en France : un droit obtenu de haute lutte
© Jean-Paul/123RF

Petite histoire de la contraception

Si la légalisation de la pilule contraceptive révolutionne la vie sexuelle des femmes et des hommes, ils n'auront cependant pas attendu cette avancée majeure pour tenter de contrôler les naissances. C'est en effet une multitude de méthodes contraceptives qui ont été tentées avec plus ou moins de succès depuis la plus haute antiquité.

Bien avant les découvertes de Kyusaku Ogino, ce gynécologue japonais qui a mis au point dans les années 1920 une méthode de contraception naturelle consistant à éviter les rapports sexuels non protégés pendant les jours qui précèdent ou suivent l'ovulation, le cycle menstruel faisait déjà l'objet de nombreuses interprétations, de Soranos d'Ephèse, médecin grec du début du IIe siècle après Jésus-Christ, à Jean Liébault, médecin français du XVIe siècle.

A ces méthodes naturelles associées au cycle menstruel de la femme, on trouve depuis les temps les plus anciens mention de toutes sortes de dispositifs contraceptifs, certains à vocation spermicides, d'autres abortives. Par peur d'enfanter, les femmes de toutes civilisations ont eu recours à des tisanes et potions depuis l'Antiquité, à des suppositoires vaginaux dans l'Égypte ancienne, à des bouchons, des douches spermicides et même de l'arsenic, risquant plus souvent leur vie qu'une grossesse indésirable.

Promis à un grand avenir, le préservatif masculin est l'un des plus anciens moyens de contraception. Nos anciens l'avaient bien compris : c'est en faisant barrière à la progression du sperme que l'on pouvait éviter une grossesse. Mais ce n'était pas son seul atout, le préservatif permettait également de se prémunir des maladies sexuellement transmissibles. On a notamment découvert qu'en 3 000 avant Jésus-Christ, les Égyptiens utilisaient déjà des boyaux de mouton pour se protéger des maladies vénériennes. Les Chinois fabriquaient des préservatifs avec des bandelettes de papier de soie huilé, tandis que le Japonais se servaient d'un kabutogata, un fourreau rigide fabriqué en cuir ou en écailles de tortue qui servait à la fois de préservatif et de sextoy. À l'époque romaine, des condoms réutilisables étaient fabriqués à partir de vessies ou d'intestins d'animaux.

Au cours des siècles, les épidémies de maladies vénériennes, et notamment la syphilis qui frappait l'Europe au XVIe siècle, favorisent l'utilisation de préservatifs rivalisant d'inconfort et reconnus pour leur manque de fiabilité. Il faudra attendre un certain Charles Goodyear, chimiste américain inventeur de la vulcanisation du caoutchouc, pour voir apparaître au milieu du XIXe siècle le premier préservatif en caoutchouc. Alors qu'il connaît un succès croissant, le préservatif se heurte à la politique nataliste de l'entre-deux-guerres qui vote son interdiction.

Vers une légalisation de la contraception en France ?

Au lendemain de Première Guerre mondiale, la crise démographique qui frappe la France fait en effet naître un mouvement nataliste et familial puissant, avec dans son sillage une série de mesures et de dispositifs visant à soutenir les familles. Cette politique nataliste incitative qui met en place la prime à la natalité et l'allocation à partir du troisième enfant, s'accompagne de lois répressives contre l'avortement et les méthodes contraceptives.

Le 31 juillet 1920, est votée une loi réprimant fortement l'avortement (défini comme un crime) et interdisant toute propagande pour les méthodes anticonceptionnelles. Malgré cela, la natalité atteint son niveau le plus bas dans les années 1930.

Il faudra attendre le milieu des années 1950, pour que de l'autre côté de l'Atlantique, débarque l'une des plus grandes avancées pour la libération de la femme. Alors qu'en France, la contraception et l'avortement sont passibles de peine de prison, la première pilule contraceptive inventée par deux docteurs américains fait son apparition. Commercialisée en 1960 aux États-Unis, elle est destinée dans un premier temps uniquement aux femmes souffrant de dérèglements hormonaux.

Qu'est-ce que la loi Neuwirth qui légalise la contraception en France ?

En France, ce n'est seulement qu'en 1967, grâce à un certain Lucien Neuwirth, que la très attendue dépénalisation de la contraception est actée. Sensibilisé à la détresse des femmes subissant des grossesses non désirées, le député Lucien Neuwirth se met en tête d'abroger la loi de 1920 qui criminalise la contraception, s'attirant ainsi de nombreux ennemis dans la France conservatrice de la fin des années 1960. D'abord, il doit convaincre le plus hostile d'entre tous, le général de Gaulle, alors président de la République. Finalement convaincu, ce dernier capitule : "C'est vrai, transmettre la vie, c'est important. Il faut que ce soit un acte lucide. Continuez". Après bien des atermoiements, la loi Neuwirth légalisant la contraception est finalement promulguée le 28 décembre 1967. Le député en héritera son surnom de "Lulu la pilule".

L'influence de Simone Veil sur la contraception

Légalisée par la loi Neuwirth, la pilule n'est cependant pas remboursée par la Sécurité sociale, et l'avortement reste toujours strictement interdit. Il faudra attendre 1974 pour que la nouvelle ministre de la Santé Simone Veil poursuive l'œuvre de Neuwirth avec la loi du 4 décembre 1974 permettant le remboursement de la pilule contraceptive par la Sécurité sociale et autorisant les plannings familiaux à la délivrer gratuitement et anonymement à des mineures. Par ailleurs, la pilule peut être désormais prescrite sans le consentement parental. Avec cette première, Simon Veil entend bien rendre la contraception accessible aux classes les plus populaires et démocratiser la pilule. La seconde loi Veil, autorisant l'avortement, sera adoptée l'année suivante.

Mettant fin à des années de méthodes aussi hasardeuses qu'artisanales faites de contrôle de températures, d'abstinence, de méthode Ogino, de coït interrompu et autres avortements clandestins, la démocratisation des moyens de contraception permettra à de nombreuses femmes de contrôler leur corps, de choisir le moment d'avoir des enfants et de vivre une sexualité épanouie. En 1999, la mise en vente libre de la pilule du lendemain sans ordonnance dans toutes les pharmacies permet d'avoir recours à une a contraception d'urgence en cas d'oubli de pilule ou d'incident de préservatif.