Charge mentale : femmes au bord du burn-out domestique

Popularisée par la dessinatrice Emma, la charge mentale est une notion de sociologie qui met enfin un nom sur un syndrome qui pèse sur une large majorité de femmes. Des femmes au bord du burn-out domestique parce qu'elles pensent à tout, tout le temps, afin d'assurer le bon fonctionnement de toute la maisonnée.

Charge mentale : femmes au bord du burn-out domestique
© fizkes/123RF

La charge mentale, qu'est-ce que c'est ?

Quand on passe son temps à coller des post-it imaginaires dans un coin de son cerveau pour ne pas oublier de payer la cantine, prendre rendez-vous chez le dentiste, acheter des sacs poubelle, commander le livre de français de Mathéo, lancer une machine, préparer un gâteau pour la kermesse de l'école, accompagner Gribouille chez le véto pour son rappel de vaccin… et que l'on conjugue tout cela avec une bonne journée de travail, cela s'appelle la charge mentale !

Des to-do list à rallonge de tâches domestiques à accomplir qui peuvent sembler individuellement insignifiantes mais qui ont tendance à devenir mentalement pesantes lorsqu'elles s'additionnent. Touchant plus particulièrement les femmes et mères de famille actives, ces pensées occupent alors une telle place qu'elles accaparent l'esprit en permanence, même lorsque l'heure est à la détente.

Au-delà d'une répartition inégale des tâches domestiques au sein du foyer, la charge mentale consiste au fait de penser à ces tâches. Des pensées qui parasitent le cerveau et qui représentent un poids car tout au long de la journée, il faut se rappeler les choses qui doivent être réalisées. L'esprit est accaparé par une liste d'actions à ne pas oublier, ce qui représente une source de fatigue mentale et physique.

Apparition du terme, du concept de "charge mentale"

Avant de faire le buzz en 2017 sous le crayon de la dessinatrice Emma dans sa bande-dessinée Fallait demander, la notion de charge mentale est introduite pour la première fois en 1984 dans un article de la sociologue Monique Haicault intitulé La gestion ordinaire de la vie en deux. Elle y décrit comment l'esprit de la femme en couple qui travaille reste encombré par les tâches ménagères et la gestion du foyer, charge cognitive importante, constituant l'articulation de la "double journée". Plus de trois décennies plus tard, la charge mentale domestique pèse toujours autant sur les femmes et c'est une bande-dessinée qui leur permettra de mettre un nom sur un malaise.

Devenue culte, la bande-dessinée signée de l'illustratrice et blogueuse Emma pourrait se résumer en une planche "T'as pas fait la vaisselle ?" demande une femme face un évier débordant de vaisselle. "Bah, tu m'as pas demandé", lui répond son mari. Dès sa sortie, Fallait demander ! fait le buzz sur les réseaux sociaux. En quelques heures, la "charge mentale" déclinée en bulles quitte la  sphère universitaire et les milieux féministes pour rencontrer un succès populaire inédit. Il faut dire qu'en épinglant avec humour et finesse l'inégalité entre hommes et femmes dans les foyers, des hommes pétris de bonnes intentions et des femmes épuisées de penser à tout, tout le temps, Emma fait écho au quotidien des milliers de femmes.

Sur qui la charge mentale pèse-t-elle le plus ?

Nous ne sommes évidemment pas tous égaux face à la charge mentale : certains arrivent en effet à la gérer plus facilement, tandis que d'autres peuvent rapidement craquer. Toutefois, on observe que le poids de la charge mentale varie en fonction de la situation familiale, du nombre d'enfants et du type de logement. La charge mentale pèse par exemple bien plus sur les couples hétérosexuels que les couples LGBT.

On constate qu'elle est généralement ressentie par les femmes en couple lors de l'arrivée du premier enfant. Alors que le père est retourné travailler, la mère s'occupe du bébé et du fonctionnement du foyer. Lorsqu'à son tour, son congé maternité prend fin, il n'est pas rare de la voir continuer à s'occuper du bébé et de la maisonnée, en plus de son travail. La durée du congé paternité bientôt allongée à 28 jours devrait ainsi permettre un meilleur partage des rôles. Au bord du burn-out domestique, les mamans solos ressentent particulièrement le poids écrasant de la charge mentale.

Pourquoi le poids de la charge mentale repose essentiellement sur les femmes ?

Quelle que soit la répartition des tâches domestiques dans un foyer, ce sont principalement les femmes qui éprouvent ce sentiment d'être saturées par une liste infinie de choses à faire ou à penser. Pourquoi, contrairement aux hommes, n'arrivent-elles pas à se délester de ce poids ? La condition de la femme, qui conjugue aujourd'hui vie active, vie familiale et vie sociable aurait-elle évolué plus rapidement que les mentalités ? Car dans l'inconscient collectif, l'espace domestique est encore sous la responsabilité de la femme.

La répartition des tâches a beau avoir évolué, la parité domestique accuse encore un certain retard et il n'y a dans le foyer qu'un seul référent : la femme. Une pression qui expliquerait pourquoi les femmes ressentiraient plus le besoin de veiller au bon déroulement de leur foyer, là où les pères célibataires ou veufs gérant des tâches ménagères apprennent eux à débrancher. En quête de perfection, les femmes voudraient être à la fois des mères, des épouses et des maîtresses de maison parfaites, tout en menant carrière, là où elles devraient apprendre à lâcher prise.