Je suis avocate et voici comment quitter le domicile conjugal légalement

Le bien-être prime.

Je suis avocate et voici comment quitter le domicile conjugal légalement
© 123rf-wavebreakmediamicro

Parmi les engagements du mariage figure celui de vivre sous le même toit. L'Article 215 du Code Civil stipule que "les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie". Ainsi, le départ du foyer est considéré comme une violation de ce devoir, permettant de demander un divorce pour faute. Légalement, seul le juge peut autoriser l'un des époux à partir sans que cela soit considéré comme un abandon du domicile conjugal.

Lors de la rédaction de la requête en divorce, il est possible de demander des mesures provisoires concernant le lieu de résidence auprès du tribunal. Il faut ensuite attendre l'audience d'orientation pour que le juge rende une ordonnance permettant la mise en œuvre de ces mesures temporaires. "L'autorisation de quitter le domicile conjugal est toujours accordée, il n'y a pas de débat là-dessus" rassure Karine De Luca, avocate spécialisée en droit de la famille et fondatrice du podcast "Parlons divorce avec Karine". Toutefois, le délai de convocation à l'audience peut varier de quelques mois à plus d'un an, selon les juridictions. Cette procédure ne s'applique pas aux divorces par consentement mutuel, où les époux s'accordent sur toutes les modalités, y compris celles liées au logement. Les couples non mariés, quant à eux, n'ont pas l'obligation légale de vivre ensemble et peuvent donc décider de partir à tout moment.

Quels sont les risques si on part sans autorisation ?

Lorsque l'on choisit de quitter le logement conjugal sans attendre l'aval du juge, on s'expose au risque d'une procédure de divorce pour faute. "Ces procédures sont contraignantes et coûteuses, relativise Karine De Luca. Elles sont rarement engagées, surtout pour ce motif. Et même lorsqu'elles aboutissent, l'abandon de domicile n'entraîne de toute façon pas de conséquences financières." En effet, depuis la loi du 26 mai 2004, les torts des époux ne sont plus pris en compte pour l'attribution de certains droits, tels que la prestation compensatoire (somme destinée à compenser la perte de niveau de vie). "Même si l'on est jugé responsable, on touchera les sommes d'argent qui nous sont dûes" confirme Karine De Luca.

Le bien-être avant tout

Si l'abandon du domicile conjugal peut entraîner des pénalités juridiques, il est important de peser ces risques par rapport à la nécessité de se protéger. Pour Karine De Luca, cette obligation légale ne doit pas emprisonner les couples en souffrance. "Ce qui me semble primordial, c'est la sécurité physique et psychologique. Quand l'un des époux a besoin de partir rapidement, il peut décider que son bien-être prime sur la peur de se voir attribuer une faute." Elle recommande de se faire assister d'un avocat, d'un CIDFF (Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles) ou d'un assistant de service social : "Ce sont des périodes de grande fragilité où l'on a parfois du mal à prendre des décisions. Avoir une aide extérieure permet de mesurer plus clairement les risques et les bénéfices en cas de départ". En cas de violences conjugales, il est possible de quitter son logement immédiatement. Il est alors recommandé de déposer une plainte et de demander en urgence une ordonnance de protection auprès du juge aux affaires familiales. Dans ce cadre, l'abandon du domicile ne pourra pas être considéré comme une faute.

Quand le couple marié a des enfants, un autre paramètre entre en jeu : l'autorité parentale conjointe. Ainsi, il n'est pas possible d'emmener sa progéniture sans l'accord de l'autre parent. En cas de désaccord, il faut à nouveau solliciter des mesures provisoires auprès du juge : "On lui demande, premièrement, l'autorisation de partir et, deuxièmement, que les enfants puissent vivre soit en garde alternée, soit chez l'un ou chez l'autre" détaille Karine De Luca. Si cette formalité n'est pas respectée, celui qui prend la décision unilatérale de déménager avec les enfants peut être accusé d'enfreindre les droits de l'autre parent. Il risque alors des sanctions, notamment sur la garde.

Autour du même sujet