Orgasme : pourquoi est-ce plus difficile de l'atteindre en couple que seule ?
86 % des femmes parviennent à l'orgasme lorsqu'elles se masturbent contre 16% lors d'un rapport sexuel.
Le plaisir féminin est-il aussi inaccessible et mystérieux qu'on le prétend ? Dans son ouvrage "La sexualité féminine dans tous ses ébats", la sexologue Céline Causse balaie ce cliché : 86 % des femmes parviennent à l'orgasme lorsqu'elles se masturbent, dont 54% en moins de 5 minutes. Elles ne sont par contre plus que 16% à l'atteindre systématiquement lors d'un rapport hétérosexuel. Les femmes savent jouir, donc, mais de préférence en solitaire ! Alors pourquoi est-ce plus compliqué lorsque notre partenaire est de la partie ?
Main sur le ventre, musique douce ou pommeau de douche… Lors de la masturbation, nous avons toutes notre recette personnelle pour atteindre le septième ciel. Celle-ci date parfois même de nos premières expériences en solitaire. Et comme le cerveau a une excellente mémoire, il nous invite à reproduire ce qui, dans le passé, a activé les zones dédiées au plaisir et à la récompense. Quitte à délaisser d'autres options ! "C'est comme si l'on empruntait toujours le même chemin de randonnée, sans savoir qu'il en existe d'autres" image Diane Deswarte, sexologue et fondatrice du club Kamami. En répétant sans cesse le même comportement, l'orgasme peut devenir dépendant d'un certain type de stimulation.
Se méfier des sextoys
Qu'en est-il des sextoys ? Pour Diane, leur utilisation n'est problématique que si l'on ne sait pas s'en passer. Le risque ? Celui de nous habituer à jouir (trop) vite, surtout lorsqu'on cumule jouets et pornographie. "C'est comme le McDonald's du sexe. Ils nous font atteindre le sommet de l'excitation en très peu de temps. Et nous, les êtres humains, aimons faire le moins d'effort possible !" Accoutumé à un plaisir facile et rapide, le cerveau peut alors trouver les rapports à deux moins satisfaisants. Diane encourage les femmes confrontées à cette difficulté à reconsidérer ces moments d'intimité, non pas comme une recherche de satisfaction immédiate mais comme un temps de partage. Il faut ainsi trouver le bon équilibre entre routine et exploration : "Connaître ses préférences sexuelles et les gestes qui nous font du bien est essentiel. Mais en duo, le but n'est pas non plus de reproduire exactement ce que l'on vit en masturbation. On peut aller plus doucement pour découvrir et apprivoiser de nouvelles sensations."
Notre bien-être psychique joue également un rôle capital sur la qualité de nos orgasmes. Le stress, l'anxiété ou encore la fatigue sont autant d'obstacles au plaisir. Difficile, en effet, de s'abandonner lorsque la tête est pleine de listes de courses et de tâches urgentes à régler ! Mais notre état émotionnel n'est pas le seul à nourrir des pensées parasites. Cellulite, poils, vergetures ou cicatrices… Nos petits complexes sont parfois si envahissants qu'ils en occultent le moment présent. Nommée "spectatorisme", cette posture d'observateur critique nous fait perdre la connexion avec nos sensations.
"Les femmes sont habituées à se positionner en tant qu'objets de désir plutôt que sujets"
Pour Sabrina Leroy, sexologue et thérapeute de couple, cette pression du corps parfait est notamment alimentée par la pornographie mainstream : "Elle impose des standards irréalistes qui nuisent à l'estime de soi et laissent croire qu'il faut avoir le même physique que les actrices pour être attirante aux yeux de son partenaire." Notre comportement durant l'amour est lui aussi soumis à de fortes exigences. Sabrina se souvient par exemple d'une patiente inquiète de ne pas être aussi expressive que ce qu'elle pouvait entendre dans certaines vidéos. "Les femmes ont intériorisé des attentes liées à leur genre : elles doivent être sexy, désirables, performantes... Cela empêche inévitablement le lâcher prise." déplore-t-elle. Diane a aussi observé cette charge mentale dans les rapports hétérosexuels : "Le fait qu'il faille satisfaire l'homme est une préoccupation récurrente en consultation. En tant que femmes, nous sommes habituées à nous positionner en tant qu'objets de désir plutôt que sujets. On en oublie de se demander ce que l'on aime vraiment." En cherchant à se conformer à ces injonctions, c'est notre propre plaisir que nous mettons entre parenthèses.
Et si ce qui nous empêchait d'avoir un orgasme avec notre partenaire était justement… de vouloir un orgasme à tout prix ? En le considérant comme un objectif à atteindre, la sexualité devient une compétence à maîtriser et non plus un moment de détente et de complicité. "Jouir, c'est génial, mais ce n'est pas une finalité. Je pense que c'est important de le rappeler, car de nombreuses femmes culpabilisent de ne pas y arriver. Arrêtez de vous mettre la pression, ce qui compte, c'est de prendre du plaisir" rassure Sabrina. Des propos que confirme Céline, en couple depuis trois ans : "Il m'arrive de ne pas avoir d'orgasme avec mon copain et de passer un meilleur moment que lorsque c'est le cas. Je préfère prendre mon temps et créer une vraie connexion plutôt que de jouir d'une manière un peu mécanique." En matière de sexe aussi, le chemin compte plus que l'arrivée.
- Etude de Brenot de 2011