"J'ai nié ma féminité pendant 65 ans" : une ex-religieuse découvre le maquillage et se révèle enfin

Enfermée pendant 40 ans dans un couvent, sous emprise, Catherine Draveil sort aujourd'hui de sa chrysalide. Alors qu'elle se sentait dissociée de son propre corps jusqu'à l'âge de 60 ans, elle est aujourd'hui plus coquette que jamais. Un témoignage exclusif et bouleversant.

"J'ai nié ma féminité pendant 65 ans" : une ex-religieuse découvre le maquillage et se révèle enfin
© Catherine Draveil

"Il n'est jamais trop tard pour exister pleinement", tels sont les mots si singuliers de Catherine Draveil, auteure de Métamorphose (Éditions Favre). Cette ancienne religieuse est restée cloîtrée dans un monastère, sous emprise psychologique de sa supérieure, pendant 40 ans. Aujourd'hui, elle a 70 ans, et découvre les plaisirs de la vie comme prendre soin de soi. Blush, eye-liner, brushing, Catherine Draveil se passionne désormais pour la beauté et découvre, pour la première fois, sa féminité. C'est à travers un récit haletant, qu'elle nous a partagé son parcours et cette nouvelle vie, libre, qu'elle parvient à exprimer, grâce à la coiffure et au maquillage. Rencontre.

"Au couvent, mon corps n'existait pas"

En 1975, Catherine Draveil entre au monastère Bocart alors qu'elle n'a que 22 ans. Elle y restera cloîtrée jusqu'à ses 60 ans. "Lorsque j'étais au couvent, mon corps n'existait pas. Durant toute ma vie au monastère, je n'ai jamais vu mon reflet dans un miroir. Je faisais d'ailleurs attention que mes cheveux ne dépassent pas de mon habit religieux. Je les attachais avec une queue de cheval, cachée sous le voile. Lorsqu'il y avait un peu de vent et que ma supérieure apercevait ma coiffure, elle me disait de la couper". À chaque sortie, Catherine Draveil veillait à cacher ses mains sous sa tenue monastique, seul son visage était visible"Il m'arrivait de croiser des femmes apprêtées et ça ne me semblait pas "normal", c'était très artificiel pour moi. J'étais influencée par des jugements moraux qu'on m'inculquait." C'est ainsi que cette ancienne nonne a vécu durant 40 années, dissociée de son corps et de sa vie, en tant que femme. En 2013, à l'aube de ses 60 ans, elle fait un burn out et est contrainte de quitter la communauté religieuse pour se reposer. Elle ne réintégrera jamais les Ordres et c'est en fait le premier jour du reste de sa vie.

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© Catherine Draveil

"En me maquillant, j'ai repris le fil de ma vie"

Après avoir quitté le couvent, Catherine Draveil a entamé une psychothérapie. "Quand la thérapeute me demandait de me dessiner, je ne faisais qu'un visage de profil, j'oubliais le reste de mon corps". Elle portera son habit religieux pendant 2 ans, en ôtant au fur et à mesure les tissus, jusqu'à essayer des robes à fleurs et y prendre goût. Un soir de janvier 2016, 3 ans après sa sortie, Catherine Draveil est conviée à l'anniversaire du père d'une amie. "Je me souviens très bien de ce jour si particulier, je remontais la rue de Rennes à Paris, en direction de la gare Montparnasse. Je suis passée devant un institut de beauté et j'ai osé y entrer. J'ai voulu, pour un soir, avoir les cils plus longs et ai demandé conseil à la boutique. Je suis ressortie avec un mascara et me suis maquillée dans le train. Je me suis sentie si heureuse, je l'ai vécu comme "je reprends le fil de ma vie", ce fut une expérience très forte." Après ce jour, Catherine Draveil n'a cessé de tester toutes sortes de maquillage. "Dès le lendemain, j'ai acheté la version waterproof de mon mascara. Et je suis ainsi restée très attentive à ce que je voyais autour de moi. Une cousine portait souvent de l'eye-liner, je trouvais ça très discret et ravissant alors que je ne savais même pas que ça s'appelait comme ça. J'ai donc décidé d'en essayer à mon tour. Noir, prune, je testais plusieurs couleurs." Et ça ne s'arrête pas là. Alors qu'elle n'avait pas le droit de laisser entrevoir ses mains pendant son séjour au couvent, aujourd'hui, Catherine est une spécialiste de la manucure. "Pour les ongles, j'achète des soins pour les cuticules, une lime et du vernis. La teinte rouge coquelicot est ma préférée. Maintenant mes mains sont impeccables."

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© Catherine Draveil

"Mon mari me pose des limites, sinon je testerais tout !"

Côté coiffure, Catherine Draveil a mis plus de temps à soigner ses cheveux"J'ai mis des années avant d'aller chez le coiffeur. Je ne saurais pas expliquer pourquoi. J'avais pour habitude de faire un chignon, vite fait, c'était simple et pratique. Et puis, en 2018, je me suis installée à St-Etienne et je suis allée chez le coiffeur pour la première fois. Je ne savais pas trop quoi lui dire, j'étais d'accord avec tout ce qu'il me proposait. Je suis sortie avec un brushing et j'ai adoré." Après cette première expérience capillaire, Catherine Draveil a choisi d'entretenir sa routine avec une amie coiffeuse. "Je vais tous les mois chez mon amie, elle me fait des shampoings blanchissants. Je découvre tout." Peu à peu, cette femme prend conscience de sa féminité et de son pouvoir de séduction. Elle rencontre un homme et se marie le 22 janvier 2022 à Lyon. "Ce jour-là, je me suis trouvée particulièrement belle. Déjà, j'étais trop heureuse d'avoir une bague, surtout après 70 ans. Et puis, j'ai mis du rouge à lèvres, après avoir compris qu'il fallait le mettre après le petit déjeuner pour ne pas salir son bol. C'était un jour magnifique." Aujourd'hui, Catherine Draveil porte une grande importance au regard de son mari : "Mon mari me dit souvent qu'il me trouve super belle. Au final, c'est lui qui me pose des limites, car je testerais tout. Mais je veux avant tout lui plaire."

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© Catherine Draveil

"J'ai nié ma féminité pendant 65 ans, mais je n'ai aucun regret"

Quand Catherine Draveil regarde en arrière, l'émotion la submerge : "Aujourd'hui, j'ai plein de compassion pour la Catherine qui est restée enfermée durant toutes ces années. Lorsque j'ai relu mon livre avant qu'il soit édité, tout à coup ce n'était plus moi le sujet, j'étais comme détachée de cette femme du passé. Des larmes sont montées. Elle a tellement souffert…" Cette ancienne religieuse peut enfin entamer sa propre vie et profiter de chaque instant. "Aujourd'hui, je suis pleine de bienveillance envers moi-même, j'ai fait un beau chemin, je suis telle que je suis. Et ça me donne des idées pour avancer. J'ai nié ma féminité pendant 65 ans, mais je n'ai aucun regret. Quand on ne peut pas ajouter de jours à la vie, on ajoute de la vie aux jours. Il vaut mieux 10 ans de cette vie-là que 50 ans à côté de ses pompes. Cette adoration pour le maquillage et la coiffure, c'est le signe que j'ai choisi ma vie. Il n'est jamais trop tard pour se maquiller."