Femen : un féminisme aux seins nus

Mouvement féministe né en Ukraine devenu aujourd'hui international, le mouvement Femen est incarné par des militantes qui défendent les droits des femmes à travers des actions choc. Leurs seins nus, leurs couronnes de fleurs et leur radicalité sont devenus leur marque de fabrique.

Femen : un féminisme aux seins nus
© Oleksandr Prykhodko/123RF

Qui sont les Femen ?

Créé à l'initiative de trois étudiantes ukrainiennes originaires de Khmelnytskyï, le mouvement Femen est né à Kiev en 2008. Ses fondatrices, Alexandra "Sacha" Chevchenko, Anna Hutsol et Oksana Chatchko, s'indignent alors de la place réservée aux femmes dans la société ukrainienne quelques années après la Révolution orange. Selon Anna Hutsol, l'Ukraine manquait de militantes pour défendre les droits des femmes : "L'Ukraine est un pays dominé par des hommes, où les femmes sont passives". Elles choisissent de nommer leur mouvement Femen, qui en latin signifie non pas "femme" mais "cuisse", mais dont elles aiment la consonance. Alors qu'elles ne sont au départ qu'une poignée de militantes, les rangs des Femen s'étoffent de plus en plus en Ukraine comme à l'international. Fin 2010, Femen compte environ 300 membres à travers le monde.

Quels sont les combats et les cibles des Femen ?

Femen se définit comme un mouvement féministe animé par la volonté de défendre le droit des femmes à travers des actions chocs. A l'origine, le mouvement naît à l'été 2008 lorsqu'une poignée d'étudiantes se révolte contre l'exploitation sexuelle des femmes dans leur pays. Alors que l'Ukraine post-communiste découvre le libéralisme, l'industrie du sexe explose et l'Ukraine devient la première destination d'Europe pour le tourisme sexuel. Le tout premier combat des Femen vise donc à dénoncer la prostitution et le "bordel à ciel ouvert" qu'est devenu l'Ukraine en manifestant déguisées en poupées Barbie.

Le mouvement prend de l'ampleur à l'occasion de l'Euro de football accueilli en 2012 par l'Ukraine. Tout au long de la compétition, les militantes Femen multiplient les actions afin de dénoncer l'explosion de la prostitution générée par cet événement sportif. À quelques heures du coup d'envoi du match d'ouverture Pologne-Grèce au stade national de Varsovie, quatre militantes Femen surgissent soudainement au milieu des de supporters affichant sur leur poitrine dénudée le slogan "Fuck Euro 2012". Un coup d'éclat qui ne passe pas inaperçu et dont la couverture médiatique assurera au mouvement une certaine notoriété.

Par la suite, le combat des féministes Femen vise également le patriarcat, le machisme, la religion, la corruption et de manière générale, tout harcèlement dont sont victimes les femmes. Profondément athée, le mouvement revendique également le caractère anti-religieux de ses combats. Vladimir Poutine, Marine Le Pen, Dominique Strauss-Kahn, Bill Cosby, Silvio Berlusconi, Roman Polanski, Tariq Ramadan… font parties des personnalités ciblées par les activistes Femen.

Quelles sont les méthodes des Femen ?

Les actions des militantes Femen sont nombreuses et souvent spectaculaires. Adeptes d'un féminisme radical, les Femen ont inventé le "sextrémisme". Leurs opérations commando menées seins nus deviennent leur mode opératoire. Un militantisme topless qui ne laisse pas insensibles les médias et qui permet d'attirer l'attention du grand public sur les causes qu'elles défendent. Rapidement, les happenings hyperscénarisés, les jeunes filles aux seins nus, la couronne de fleurs faisant référence au folklore ukrainien et les slogans chocs écrits en lettres noires sur le corps, deviennent la marque de fabrique des Femen.

L'aspect esthétique du militantisme qui caractérise les Femen s'accompagne également d'une posture guerrière. Ainsi leur nudité et leur attitude combative sont revendiquées comme un acte politique de résistance et d'insoumission au patriarcat auquel les femmes sont soumises.

Les Femen en 8 dates

  • "Descends, si t'es un homme" : le 31 octobre 2011, les Femen déguisées en soubrettes, référence à la profession de Nafissatou Diallo, protestent devant le domicile parisien de Dominique Strauss-Kahn.
  • Le 19 décembre 2011, Oksana Chatchko, Inna Schevchenko et Alexandra Nemchinova manifestent devant le siège du KGB à Minsk en Biélorussie pour protester contre la dictature du président Alexandre Loukachenko à l'occasion du premier anniversaire de sa réélection controversée. Suite à cette action, elles seront enlevées et agressées, avant d'être relâchées dans une forêt.
  • "Fuck Euro 2012" : les Femen ciblent l'Euro 2012 qui se déroule en Ukraine et qui encourage le tourisme sexuel.
  • "Free Riot" : en août 2012, Inna Shevchenko tronçonne une croix érigée à Kiev à la mémoire de victimes de répressions staliniennes, en soutien aux activistes des Pussy Riot, emprisonnées pour avoir protesté contre Vladimir Poutine.
  • "In Gay We Trust" : le 18 novembre 2012, les militantes de Femen France déguisées en nonnes interviennent dans une manifestation anti-mariage gay organisée par Civitas.
  • "Bye bye Benoît" : le 12 février 2013, huit Femen font irruption seins nus dans la cathédrale Notre-Dame de Paris et font tinter les cloches de la nef afin célébrer la renonciation du pape Benoît XVI.
  • "Noël est annulé du Vatican à Paris" : en décembre 2013, une Femen mime un avortement et urine devant l'autel de l'église de la Madeleine à Paris.
  • "Heil Le Pen" : le 1er mai 2015 à Paris, à l'occasion d'une manifestation du Front national, trois militantes Femen déroulent des drapeaux "Heil Le Pen" en effectuant le salut nazi avant d'être brutalement délogées par le service d'ordre du Front national.

La délocalisation du mouvement Femen en France

Alors que le mouvement Femen prend une ampleur internationale, Paris s'impose pour accueillir une branche du mouvement. C'est en effet à Paris que les Femen possèdent déjà de nombreux soutiens mais également la ville où s'est installée Inna Chevtchenko, éminente membre du mouvement qui a rejoint les rangs des Femen en 2010.

Inna Chevtchenko s'impose alors comme leader du mouvement à l'international et pilote d'une main de fer les Femen depuis Paris où le mouvement a établi sa base dans le XVIIIe arrondissement. En septembre 2012, est ouvert dans leur QG du quartier de la Goutte d'or, le premier centre d'entraînement Femen destiné à former les nouvelles recrues qui doivent être capable de se défendre contre les forces de l'ordre, et à répéter leurs actions-commandos.

Menacée de poursuites en Ukraine pour avoir découpé à la tronçonneuse une croix orthodoxe, en soutien aux Pussy Riot, Inna Chevtchenko reçoit en juillet 2012 le statut de réfugiée politique.

Poursuivies en Ukraine et menacées de mort, Anna Hutsol se réfugie en Suisse, Oksana Shachko et Alexandra Shevchenko rejoignent le mouvement à Paris où elles demandent aussi l'asile politique. Mais des tensions apparaissent entre les membres, Alexandra "Sacha" Shevchenko et Oksana Shachko, fondatrices historiques du mouvement, sont évincées.