A quel âge parler de sexualité à son enfant et comment s'y prendre ?

Tout-petit, l'enfant s'interroge sur son corps et son intimité. Plus il grandit, plus il se questionne sur les sujets liés à la sexualité. Identité sexuelle, sentiments, désir, consentement... De quoi peut-on parler avec son enfant et à quel âge ? Eclairage de Philippe Rougier, médecin et président de l'association Sésame.

A quel âge parler de sexualité à son enfant et comment s'y prendre ?
© Petro - 123RF

Reproduction, première fois, perception du corps, orientation sexuelle, sentiments amoureux, consentement... Tous les sujets liés à la sexualité peuvent être abordés avec les petits, mais il faut absolument tenir compte de l'âge de l'enfant. Cependant, la maturité sexuelle varie tellement d'un enfant à l'autre qu'il est difficile de donner un âge précis. Quels mots employer ? Jusqu'où aller ? Doit-on attendre les questions de son enfant ou prendre les devants ? Réponses de Philippe Rougier, médecin et président de Sésame, une association qui intervient en milieu scolaire pour parler aux jeunes d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. 

Dès 3-4 ans, ayez des propos adaptés à son âge

"Dès son plus jeune âge, aux alentours de 3-4 ans, l'enfant se pose beaucoup de questions sur la transmission de la vie, sur les relations d'amitié ou sur son corps par exemple. Les tout-petits sont déjà très intéressés par la vie affective : il est d'ailleurs très courant qu'en maternelle, les enfants aient beaucoup d'amoureux", assure le médecin. Ils peuvent alors vous poser des questions très spontanément du type "Comment on fait les bébés ?" ou "Pourquoi les filles, elles n'ont pas de zizi ?". "Et certains enfants, même très jeunes, sont bien conscients que ce genre de questions peuvent gêner leurs parents, mais c'est très important de lui apporter une information vraie tout en étant adaptée à son âge, et d'essayer de toujours respecter la pudeur et la progression de l'enfant", précise l'expert. Inutile donc de détourner son attention en parlant de cigognes, de roses ou de choux ! L'idée est plutôt de répondre à ses questions sans crudité et sans en dire plus que ce qu'il n'est prêt à entendre, de manière courte et sans "trop" entrer dans les détails pour qu'il se fasse sa propre idée. Concrètement, à la question "comment suis-je né ?", répondez-lui par exemple que son papa et sa maman ont désiré très fort sa naissance et que grâce à la petite "graine" de papa et celle de maman (ou employez le mot œuf si vous préférez), un petit bébé a grandi dans son ventre et est né. Rassurez-vous, avant 8-9 ans, l'enfant ne se posera pas plus de questions sur comment ont fusionné ces petites graines ! Précisez-lui également que les rapprochements entre deux adultes ne donnent pas forcément lieu à une naissance.

Commencez à lui parler du lien à l'autre, de la tendresse, du fonctionnement de son corps et des différences physiques entre les filles et les garçons par exemple. Les moments de la vie quotidienne sont d'ailleurs des occasions parfaites pour en parler (changer la couche du petit-frère permet d'aborder les différences physiques entre les sexes par exemple). A cet âge, le jeune enfant est tout à fait capable de conceptualiser ces sujets et d'y être sensible. Selon son niveau de maturité, l'enfant captera plus ou moins de choses "techniques". Ce n'est pas grave, chacun comprend et assimile à son rythme. Par ailleurs, commencez à aborder la notion de l'interdit : toutes les personnes ne peuvent pas s'embrasser sur la bouche par exemple. De même, on ne doit pas montrer certaines parties de son corps en public (organes génitaux ou fesse par exemple) et surtout, il ne faut pas accepter qu'une personne nous touche ou nous mette dans une situation embarrassante. Si jamais cela arrive, dites-lui qu'il doit absolument vous en parler. 

Faut-il utiliser des petits noms pour désigner les parties intimes ?

Les parents doivent vraiment faire comme ils le sentent. Certains sont plus à l'aise avec des mots comme "zizi" ou "zezette" qu'avec les vrais termes "médicaux". De toute façon, il faudra expliquer un jour ou l'autre ce qu'est un pénis ou un vagin à l'enfant lorsqu'il aura grandi. Le principal est vraiment de sentir le bon moment.

A partir de 6-7 ans, donnez-lui des repères !

A cet âge, la forme importe aussi bien que le fond : montrez-vous ouvert et surtout "pas choqué" par ses questions. Montrez-lui qu'il n'est pas ridicule et que c'est courageux de vous demander des réponses lorsqu'il a des interrogations. "L'important est de leur donner confiance en eux et de leur faire comprendre qu'il est normal de s'interroger sur ce sujet", rassure le médecin. Quand il vous pose une question, soyez le plus à l'aise possible (ou semblez l'être !). Sachez qu'un enfant ne pose pas de question par hasard, qu'il n'a pas de mauvaise intention et qu'il veut juste satisfaire une curiosité : lorsqu'on parle de sexualité à ses enfants, il faut essayer de se défaire de son point de vue d'adulte. Les tabous ne viennent généralement pas des enfants, mais plutôt des adultes. Au delà des questions qu'il pose, il y a une véritable volonté de découvrir le monde qui l'entoure. Toutefois, si une question vous surprend ou vous paraît inappropriée, dites-lui que vous n'êtes encore pas en mesure de lui répondre et que vous en reparlez en temps voulu. Prenez un temps de réflexion pour lui apporter une réponse adaptée à son âge.

"Donnez-lui des repères et non des détails"

Aussi, "apprenez-lui les mots justes et préférez utiliser les termes "pénis" ou "vagin" plutôt que les mots enfantins "zizi" et "zézette". Pour les autres notions, le mieux est de reprendre ses mots à lui. S'il prononce le mot "fellation" par exemple, reprenez son terme, sans pour autant lui expliquer ce que c'est, mais en disant par exemple qu'il s'agit d'une pratique que certains adultes font", conseille le spécialiste. A cet âge, un enfant n'a pas besoin de comprendre le processus anatomique de l'acte sexuel, en revanche, il peut avoir besoin d'avoir plus d'informations sur la conception d'un bébé par exemple : parlez-lui de tendresse et d'amour entre deux personnes sans entrer dans la pratique. Donnez-lui des repères et non des détails. S'il est trop insistant, apprenez-lui qu'il y a un temps pour tout et cantonnez-vous à ce qu'il vous semble bon de lui transmettre. 

A partir de 11-12 ans, entrez dans le vif du sujet !

"Le plus important est de mettre en place un climat de confiance et de bienveillance : vous pouvez désormais entrer de plus en plus dans le vif du sujet et parler des premiers rapports sexuels, de l'orientation sexuelle, de la puberté ou encore de désir", précise Philippe Rougier. Si votre enfant vous questionne sur ce que c'est "faire l'amour", expliquez-lui qu'il s'agit avant tout d'un moment d'intimité entre deux personnes qui se respectent, et qui éprouvent des sentiments et de l'attirance l'une envers l'autre. Vous pouvez parler davantage du rapport sexuel en soi et surtout, de la protection comme les préservatifs ou la pilule. Vous pouvez insister sur les notions de consentement, de respect et de limites (savoir et oser dire "non" lorsqu'on n'a pas envie). 

Concernant la puberté, les parents peuvent prendre les devants sans que le pré-ado n'en parle spontanément. Expliquez à votre jeune fille qu'elle va devenir progressivement une femme et qu'elle subira quelques changements. Parlez-lui des règles, des symptômes liés et dites-lui que rien n'est grave à cela, que son corps change et que ces changements sont synonymes de maturité physique. Faites attention de ne pas dramatiser cette étape de la vie car les adolescentes ont tendance à considérer leurs règles simplement comme des contraintes. Amorcez le sujet de la puberté également avec votre garçon. S'il s'inquiète de la taille de son pénis ou du fait d'éjaculer trop vite, rassurez-le en lui disant que le pénis peut se développer jusqu'à la fin de sa croissance soit à 18 ou 20 ans et surtout qu'il n'y a pas de taille standard et que la seule chose qui compte est le plaisir que l'on souhaite donner et recevoir. Il vous questionnera peut-être sur la masturbation, dans ce cas, dites-lui qu'il s'agit d'une pratique absolument naturelle qui peut l'aider à se rassurer sur le fait que "tout fonctionne bien" et à s'entraîner à gérer son excitation par exemple. 

Positions et pratiques sexuelles, techniques... Préservez votre enfant en ne lui disant pas tout. Ce sera à lui de développer son imaginaire et ses propres fantasmes en temps voulu. De la même façon qu'il n'y a pas de mode d'emploi pour embrasser un garçon ou une fille ou pour faire l'amour, l'ado devra se construire et découvrir sa propre sexualité, d'autant plus qu'à cet âge, l'imagination bat son plein ! En revanche, tout ce qui concerne la prévention en termes de santé doit être abordée : maladies sexuellement transmissibles, contraception, grossesse précoce...

Les questions à se poser : et si...

  • Vous ne vous sentez pas capable de répondre à une question ? Cela peut arriver ! Dans ce cas, sollicitez l'aide de quelqu'un de confiance (cela peut être un membre de la famille, l'infirmière scolaire, un psychologue, une assistante sociale...). Cette personne pourra vous aider à trouver les bons mots, voire même directement apporter une réponse à votre enfant. "N'hésitez pas à dire à votre enfant qu'il peut aller se confier à cette personne, qu'elle sera là pour l'écouter et lui apporter une réponse". Par ailleurs, certains livres, très pédagogiques et adaptés aux jeunes, peuvent également vous servir de support. Illustrés, ludiques ou imagés, ces ouvrages pourront répondre à plusieurs interrogations de votre enfant. 
  • Votre enfant vous a surpris en plein ébat ? Même si le rapport sexuel a pu lui paraître bestial, expliquez à votre enfant qu'il n'y a eu aucune violence et qu'il s'agit d'un acte d'amour normal et autorisé entre deux adultes qui sont d'accord et qui s'aiment beaucoup. Dédramatisez la situation tout en lui expliquant que ce moment ne doit concerner que vous, le couple, et que - sans pour autant le gronder - il est préférable qu'il frappe à la porte et attendre avant de rentrer dans la chambre. 
  • Votre enfant est tombé sur un contenu pornographique ? Ne le réprimandez pas, mais expliquez-lui que ce genre de vidéos n'est pas adapté à son âge. Et surtout, que ce n'est absolument pas la réalité et qu'il ne doit en aucun cas se comparer ou se sentir obligé d'effectuer les mêmes pratiques. Il est peut-être préférable d'installer un contrôle parental qui permettra de filtrer ce contenu inapproprié ou choquant. "Questionnez-le : que pense-t-il de ce qu'il a vu ? Pense-t-il qu'il s'agit de "vraies relations" ? Est-ce de l'amour ? Croit-il que la femme est respectée ? Cela peut amener des échanges constructifs et permettre de dédramatiser la situation", conclut le Dr Rougier. 
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