Mamans en prison : de l'importance de la communication Melissa Theuriau répond à nos questions

melissa theuriau s'est beaucoup investie dans ce projet.
Melissa Theuriau s'est beaucoup investie dans ce projet. © BENAROCH/SIPA

Pourquoi avez-vous choisi ce sujet en particulier ? En quoi vous a-t-il touché ?
Je suis intéressée par la condition carcérale depuis longtemps. J'ai été bénévole au sein du Relais Enfants-Parents avant de commencer cette enquête. C'est en tant que bénévole et en allant régulièrement, à Fleury-Mérogis (notamment, en accompagnant des enfants voir leur mère) que je me suis rendue compte de tous ces sentiments contradictoires, de la colère, de la peur des retombées, de l'amour qui est indéniable. Et de tous ces autres sentiments plus compliqués à vivre. Je me suis alors dit qu'il y avait un beau film à faire parce que peu de gens, quand je racontais un peu mon expérience de bénévole, était conscient de tout cela, du vécu de ces familles. Helène Lam Trong, la réalisatrice, est devenue bénévole à son tour pendant des mois, avant de tourner. Un film comme celui-ci sous-entend beaucoup de temps de préparation, sur le terrain, de mise en confiance... Ça relève un peu du miracle. Il y a eu tellement d'obstacles, que sincèrement,  je suis encore en train de me dire "est-ce qu'on a réussi à aller au bout et à raconter ces quatre histoires ? ". Il faut savoir qu'il faut obtenir l'autorisation des autorités pénitentiaires, celui des femmes détenues (certaines changent d'avis une fois sorties), celui des proches, qui sont contre souvent, l'aide sociale à l'enfance, les juges... Donc, c'était soumis à de nombreuses conditions qui nous ont découragées, on s'est dit " ça ne sert à rien, c'est quelque chose qu'on peut peut-être faire en presse écrite, mais qu'on ne peut pas faire en télé". Ce documentaire, c'est deux ans de travail intense et le résultat me rend très fière parce que je trouve qu'on dépasse la caricature de la population carcérale et que l'on peut tous changer un peu de regard. On peut rencontrer quelqu'un qui a fait 18 mois, plusieurs années de prison et qui reste un citoyen qui a envie et qui a le droit à sa chance aussi. Les enfants de détenues sont les victimes collatérales et subissent avec beaucoup d'injustice une vie trop lourde, trop chargée pour eux.

Cela représente quoi pour vous de le présenter aujourd'hui (ndlr : le 8 mars lors de la Journée des Droits de la Femme) au Ministère de la Justice ?
Ça a du sens. Ça ne vient pas de moi. Je suis encore plus touchée, plus honorée. C'est le cabinet de la ministre Christiane Taubira qui a pris contact avec nous. Ils avaient sans doute reçu le film, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, qui parlent de la condition carcérale. Cela les a suffisamment touchés pour estimer que c'était adapté à cette Journée de la Femme et que la Ministre s'empare aussi de ce sujet. Pour nous ça a un sens immense, ça a un sens pour le métier qu'on fait. Je suis ravie, à la fois de tout le parterre varié de personnalités du monde judiciaire et carcéral qui était ici, et puis de la Ministre et des mots qu'elle a eu avec beaucoup de sensibilité et d'intérêt.

Sans prétention, après avoir suivi ces femmes pendant longtemps, auriez-vous des "préconisations" à faire sur le sujet ?
J'ai essayé (ndlr : après la projection, Melissa Theuriau a mis en lumière le manque de communication comme les téléphones pour les détenus). J'ai tenté juste de donner quelques petites choses dont on est témoin depuis longtemps. On n'a pas la solution, mais c'est quand même de mon devoir, quand je vois la Ministre, que l'on ne croise pas tous les jours, de l'interpeller sur ce dossier. Je me suis permise, j'ai osé. Alors, évidemment, elle a raison, c'est très compliqué. Mais je trouve ça aberrant qu'il y ait aussi peu de téléphone fixe, parce que c'est vraiment l'objet de beaucoup de bagarres et de tensions en prison, et qui soit en plus soumis à des horaires très courts. Pourquoi est-ce que l'on n'étend pas les horaires ? Pourquoi une maman ne peut pas avoir son enfant au téléphone jusqu'à 21 heures ? Cela leur donnerait une chance pour que les liens familiaux continuent d'exister.

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