Familles recomposées : quatre mamans témoignent Pierrette : "Ce n'est pas aux enfants de s'adapter à nos choix d'adultes"

Pouvez-vous nous présenter votre famille en quelques mots ?

Je vis avec mon ami depuis environ 7 ans. Mon conjoint a deux filles de 16 ans et 13 ans, nous avons ensemble un petit garçon de 2 ans. Au départ, ces filles venaient un week-end sur deux.

Comment avez-vous réussi à vous faire accepter ?

Nous nous sommes apprivoisées petit à petit sans brusquer les choses. Mon ami passait souvent son week-end de garde avec ses parents et ses filles. A l'époque, nous habitions dans mon appartement qui était petit. De plus, il ne voulait pas m'imposer à ses enfants. On essayait d'avoir des activités sympas, de les emmener au restaurant...

Vous avez ensuite sauté le pas ?

Oui, les filles sont venues dormir à l'appartement. On dépliait le clic-clac, on mangeait sur la table basse du salon. C'était un peu comme du camping, fait dans la bonne humeur. En 2002, nous avons acheté une maison ensemble. On a intégré les enfants tout de suite dans notre choix, en leur faisant choisir leur chambre et la couleur des murs, en leur faisant faire les pochoirs. Et en leur montrant la chambre d'un futur petit frère peut-être... Depuis septembre 2006, nous vivons à plein temps ensemble.

Et leur maman ?

La maman des filles est tombée gravement malade à cette époque et est décédée en novembre 2007. Malgré la difficulté de ces moments et la peine, on peut dire que cela s'est bien passé. Chacun a trouvé sa place et la naissance de Sébastien en août 2006 a créé le ciment de notre famille. C'est lui finalement qui nous unis les uns aux autres, et c'est lui aussi qui a amené la joie et la vie dans les moments difficiles.

Comment s'est passée votre intégration au sein de cette nouvelle famille ?

Cela s'est bien passé. Dans les premiers temps, les filles venaient à mon appartement, "sur mon terrain" si l'on peut dire. Elles ont ressenti le besoin de s'intégrer dans notre vie, au moins autant que moi dans la leur.

"La famille traditionnelle n'est pas un gage de réussite dans l'éducation des enfants"

Les filles vous ont-elles tout de suite acceptée ?

Elles m'ont acceptée tout de suite. Quand on se voit un week-end sur deux, on n'est pas obligé de jouer le rôle de l'éducatrice. Je cherchais à me faire aimer mais pas à me faire obéir, donc cela s'est bien passé. La vie ensemble à temps plein a demandé quelques ajustements car je dois aujourd'hui participer à l'éducation. Les filles l'acceptent bien. Je crois même qu'elles apprécient que je m'intéresse à elles. La perte de leur maman les laisse très seules malgré nos efforts.

D'où vient la réussite de votre famille recomposée ?

Je pense que notre réussite vient du fait que nous n'avons pas précipité les premiers contacts, que nous avons intégré les enfants dans nos projets de maison et de bébé. J'ai toujours eu en tête que c'était à moi de faire des efforts : la séparation des parents, les nouveaux conjoints, les nouvelles maisons... C'est difficile à comprendre pour des enfants et ce n'est pas eux de faire l'effort de s'adapter à nos choix d'adultes. A nous de nous adapter pour faire le mieux pour eux. Par ailleurs, leur maman avait bien accepté la séparation (c'est elle qui était partie d'ailleurs) et n'avait pas de ressentiment à l'égard de mon ami et de sa nouvelle vie. Les filles ne l'ont pas entendue dire de mal de nous, et moi je n'en ai jamais dit d'elle.

Aujourd'hui, avez-vous trouvé votre place ?

Oui, j'ai trouvé ma place. Je participe aux réunions de parents d'élèves, je conseille la grande sur son orientation, elle m'écoute et me fait confiance. Parfois, on se fache parce que la répartition des tâches ménagères n'est pas équitable, parce que le forfait de portable est dépassé... Comme chez tout le monde. On ne diffère pas beaucoup des autres familles, il me semble. La famille traditionnelle n'est pas un gage de réussite dans l'éducation des enfants. Il faut s'aimer et avancer, qu'on soit une famille recomposée ou pas.

Auriez-vous des conseils à donner aux autres mamans ?

J'essaye toujours de me rappeler de ce que je faisais à leur âge, ce que j'aimais et comment je réagissais. Souvent, cela me guide dans l'attitude que j'adopte avec elles. Même si je ne suis pas leur mère, le quotidien se passe tout pareil, et entre les enfants, c'est une vraie fratrie pleine de joie et de cris.

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