Frein de langue : trop court, conséquences pour allaiter ?

L'Académie de médecine a alerté sur l'augmentation de frénotomie buccale, une opération qui consiste à sectionner le frein de la langue, de la lèvre ou de la joue en cas de difficultés de succion et d'échec des mesures d'aide à l'allaitement.

Frein de langue : trop court, conséquences pour allaiter ?
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Succion inefficace (allaitement ou biberon), crevasses, douleurs aux mamelons... Autant de signes pouvant faire suspecter un frein de langue trop court chez le bébé. Que faire ? Réponses et conseils de Corinne Fouassier, sage-femme et consultante en allaitement au CHU de Lyon.

Qu'est-ce qu'un frein de langue chez le bébé ? 

Le frein de langue, ou frein lingual, est une petite membrane qui relie la face inférieure de la langue au plancher de la bouche et aux os des mâchoires. Il joue un rôle important dans la déglutition et la mobilité de la langue. Mais il arrive que celui-ci soit trop court à la naissance et empêche le bébé de se nourrir correctement. Une intervention chirurgicale bénigne peut alors être envisagée. 

Frein de langue trop court : quelles conséquences ?

Un frein de langue trop court peut entraîner des complications chez la maman et le bébé, notamment pour l'alimentation ou l'allaitement. 

Conséquences d'un frein de langue trop court chez le bébé :

Un frein de langue trop court peut entraîner une succion inefficace (allaitement ou biberon) et rendre l'alimentation compliquée. "Le bébé a du mal à rester fixé sur le sein. Résultat, il ne prend qu'un bout de sein et n'arrive à se nourrir que partiellement. Il peut donc être insatisfait car il n'a pas accès à suffisamment de lait et ne va pas prendre assez de poids. Un frein de langue trop court peut également provoquer des coliques et un RGO. Le nourrisson peut également avoir tendance à pousser ses dents vers l'avant avec sa langue, ce qui peut créer des problèmes d'orthodontie plus tard, tels qu'une mauvaise implantation dentaire et des problèmes de développement des mâchoires. Des troubles de la phonation peuvent également survenir", explique Corinne Fouassier. 

Conséquences d'un frein de langue trop court chez la maman :

Chez la mère, le frein de langue trop court peut provoquer des douleurs au niveau du mamelon, favoriser la survenue de crevasses et entraîner un engorgement puisque le sein est moins bien drainé. "Un frein trop court peut également être à l'origine d'une mauvaise lactation par manque de stimulation. Et pour cause, si la langue n'arrive pas à sortir correctement, le bout de sein va être amené sur la partie dure du palais au lieu d'être amené sur la partie molle. Le bébé glisse sur le sein et ne prend que le bout du mamelon", détaille la sage-femme. 

Quels sont les signes d'un frein de langue trop court ?

Un frein de langue trop court est suspecté lorsque le bébé éprouve des difficultés pour téter ou prendre le biberon, que la maman a des crevasses ou des douleurs au niveau des mamelons et que le bébé ne prend pas de poids. "On observe alors le frein de langue et souvent, on constate que la langue ne dépasse pas bien la gencive inférieure. Le diagnostic de frein de langue trop court est alors posé", précise notre interlocutrice. 

Frein de langue trop court : que faire ? 

Selon les cas, une petite intervention appelée frénotomie, consiste à sectionner le frein de langue à l'aide d'un ciseau ou d'un laser. Ce geste très rapide peut être réalisé par un pédiatre ou un chirurgien maxillo-facial. "Cette zone n'étant pas innervée ni vascularisée, c'est totalement indolore pour le bébé et cela ne nécessite pas d'anesthésie. De plus, cette intervention cicatrise facilement. Quelques minutes après, le bébé peut à nouveau prendre le sein ou le biberon", rassure la sage-femme. 

Frénotomie buccale : les médecins alertent sur les pratiques abusives

Dans un communiqué publié ce 26 avril 2022, l'Académie nationale de médecine révèle une augmentation importante de réseaux proposant, à des tarifs excessifs, de traiter les douleurs mamelonnaires et l'arrêt précoce de l'allaitement par la frénotomie (ou pire de la pratiquer à titre préventif). Cette opération consiste à sectionner le frein de la langue, de la lèvre ou de la joue et est réalisée en cas de difficultés de succion et d'échec des mesures d'aide à l'allaitement. L'Académie nationale de Médecine s'associe à plusieurs sociétés savantes, médicales, chirurgicales, paramédicales, à des collèges professionnels et des associations, "pour émettre les plus grandes réserves quant à l'intérêt et l'innocuité de ce geste invasif à risque d'effets secondaires".

L'Association Française de Pédiatre Ambulatoire, le Collège Français d'Orthophonie ou encore le Collège National des Sage-femmes (CNSF) s'étaient déjà inquiétés de l'augmentation en France des frénotomies buccales.  "Leur augmentation récente et non justifiée, dans les mois qui suivent la naissance justifie d'alerter parents, professionnels de l'enfance et institutionnels.", expliquaient ces sociétés savantes dans un communiqué du 17 janvier 2021. Ces organisations dénonçaient le manque de preuves scientifiques concernant ces interventions mais aussi leur efficacité relative et rappellent que les effets secondaires ne doivent pas être négligés. "Les parents doivent être informés du risque d'effets secondaires (hémorragies, lésion collatérale tissulaire, obstruction des voies respiratoires ou nerveuse, sensorielle, refus de tétée, aversion orale, et infectieux), de récidives, de la durée médiane de l'allaitement en post-chirurgie", ajoutaient les sociétés savantes qui formulent plusieurs recommandations pour limiter ces interventions.

► Ainsi, ces différentes sociétés savantes conseillent de ne pas considérer un frein de langue court et/ou épais comme une indication en l'absence de difficultés et de faire appel à des professionnels ayant une formation universitaire si l'enfant a des problèmes de succion et de déglutition. Elles recommandent aussi d'informer les parents des bénéfices/risques des frénotomies aux ciseaux qui ne doivent être pratiquées qu'après l'échec des autres mesures et d'améliorer "la préparation à l'allaitement et la formation des professionnels afin de prévenir, et d'accentuer la prise en charge conservatrice et non chirurgicale en cas de difficultés". Enfin, ces sociétés savantes demandent que soient réalisées des "études méthodologiquement rigoureuses ciblant les indications, l'efficacité et la tolérance de la frénotomie"

Merci à Corinne Fouassier, sage-femme et consultante en allaitement au CHU de Lyon
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