Allaiter enceinte : comment faire, peut-on tomber enceinte ?

Tomber enceinte lorsqu'on allaite est tout à fait possible ! Et poursuivre son allaitement pendant la grossesse, jusqu'à l'accouchement, est possible également. Quel est l'impact de l'allaitement sur l'ovulation ? Comment allaiter sereinement pendant la grossesse ? Découvrez les explications et conseils de Mélanie Landru, consultante en lactation IBCLC.

Allaiter enceinte : comment faire, peut-on tomber enceinte ?
©  Olga Yastremska

Quel est l'impact de l'allaitement sur l'ovulation ? 

"L'allaitement a un impact sur l'ovulation et la fertilité de manière générale", explique Mélanie Landru, consultante en lactation IBCLC. Les hormones de l'allaitement bouleversent la production des hormones responsables de l'ovulation et ce "conflit d'intérêt hormonal" a pour effet de bloquer l'ovulation.

Allaitement exclusif : peut-on tomber enceinte ?

On entend souvent que l'allaitement évite de manière naturelle de tomber enceinte. Mais on entend également beaucoup de témoignages de femmes tombées enceintes alors qu'elles allaitaient ! Alors qu'en est-il ? L'allaitement a un impact sur l'ovulation et la fertilité, mais cela ne suffit pas. "Il existe une méthode contraceptive appelée la MAMA, pour Méthode de l'Allaitement Maternel et de l'Aménorrhée. Très efficace, il faut toutefois remplir certaines conditions pour qu'elle fonctionne", explique la consultante en lactation. Cette dernière détaille ces différents critères :

  • L'enfant doit avoir moins de six mois et ne pas être diversifié.
  • L'allaitement doit être exclusif et le bébé allaité à la demande jour et nuit. Il doit y avoir entre 6 et 10 tétées par 24 heures et pas plus de six heures entre les tétées.
  • La femme ne doit pas avoir eu son retour de couches.
  • L'enfant ne doit pas utiliser de tétine.

"Si on ne remplit pas toutes ces conditions, il est tout à fait possible de tomber enceinte lorsqu'on allaite", prévient la spécialiste. Le retour de couches est évidemment un indicateur important du retour de fécondité d'une femme. Pendant l'allaitement maternel, une femme est certes moins susceptible d'avoir une ovulation, mais il n'est pas exceptionnel qu'une femme découvre sa grossesse alors qu'elle n'allaite pas ou n'a pas encore eu son retour de couches. Si l'allaitement n'est pas exclusif, l'utilisation d'un moyen de contraception (stérilet, pilule, préservatif etc.) est donc vivement recommandée en l'absence d'un désir de grossesse.

Allaiter enceinte : est-ce difficile ?

Il est légitime pour une femme qui vient d'apprendre sa grossesse de se poser des questions quant à la poursuite de son allaitement. "Une femme enceinte peut continuer à allaiter son bébé pendant toute sa grossesse et jusqu'à l'accouchement", explique la consultante en lactation. Mais allaiter pendant la grossesse n'est pas sans conséquence et les femmes peuvent faire face à des difficultés qu'elles ne soupçonnaient pas. "Elles peuvent ressentir un inconfort physique bien réel. Outre la difficulté de trouver une bonne position d'allaitement à mesure que le ventre grossit, les mamelons peuvent être très sensibles voire même douloureux. Des douleurs que ne soulagent pas les antalgiques. Il est donc important de faire un point avec une sage-femme ou une consultante en lactation pour trouver des solutions", recommande la spécialiste.

Cette dernière insiste également sur l'inconfort émotionnel que peuvent expérimenter ces femmes, souvent sans oser en parler. "L'allaitement est très sollicitant, tout comme la grossesse, et la femme enceinte peut être irritable, agacée. Elle peut avoir l'impression de rejeter son enfant et éprouve un grand sentiment de culpabilité. Mais il n'y a aucune culpabilité à avoir ! Chaque femme doit faire ce dont elle a envie et se faire accompagner dans son projet par une association de soutien ou une consultante en lactation si elle en éprouve le besoin" observe Mélanie Landru.  Certaines mamans arrivent à poursuivre l'allaitement pendant un temps et puis arrêtent. Mais parfois, ce sevrage est à l'initiative du bébé lui-même.

Quel est l'impact de la grossesse sur la lactation ? 

"La grossesse a un impact sur l'allaitement, à plusieurs niveaux", annonce d'emblée la consultante. On peut notamment observer une baisse de la production de lait, particulièrement au deuxième trimestre. "Si le bébé est diversifié cela peut passer inaperçu, mais si le lait maternel est son alimentation principale, il peut être nécessaire de chercher des solutions pour relancer la lactation", conseille-t-elle. On observe également un changement au niveau de la composition du lait. "La teneur en protéines, en chlore et en sodium augmente, alors qu'on observe une baisse du glucose, du potassium est du lactose", explique Mélanie Landru. Des changements qui ont un impact sur le goût du lait qui devient légèrement plus salé et ce, dès le début de la grossesse. "Le goût peut déplaire au bébé qui peut se désintéresser du sein, il grimace, le repousse. Un rejet qui peut entrainer un sevrage prématuré", observe la consultante. Dans 69 % des cas, ce sevrage a lieu au second semestre de la grossesse, une période qui correspond justement à la baisse de lactation.

Allaitement pendant la grossesse : quelles contre-indications ?

On recense un grand nombre d'idées reçues autour de l'allaitement pendant la grossesse. "On entend notamment que comme l'allaitement demande beaucoup d'énergie, il pourrait avoir un impact négatif sur le développement du foetus et son poids de naissance", explique Mélanie Landru. En réalité il n'en est rien ! Une femme qui a une alimentation saine et équilibrée n'a aucun souci à se faire à ce sujet. Et même chez une femme dénutrie, le ratio bénéfice/risque reste en faveur de l'allaitement, en particulier dans les pays les plus pauvres. 

Il arrive qu'on conseille aux femmes enceintes de stimuler leurs mamelons en fin de grossesse pour provoquer l'accouchement. De là à imaginer que l'allaitement pendant la grossesse peut être responsable de fausses couches... il n 'y a qu'un pas. Mais si l'ocytocine est responsable de l'éjection du lait et des contractions de l'utérus, elle est sécrétée dans des quantités beaucoup moins importantes pendant l'allaitement que lors de l'accouchement. Selon une étude menée sur plus de 10.000 femmes entre 2002 et 2015 et publiée en 2019 dans Perspectives on Sexual Reproductive Health (Molitoris, J., Breastfeeding During Pregnancy and the Risk of Miscarriage), l'allaitement maternel exclusif pendant la grossesse peut augmenter le risque de fausse couche à un degré similaire à celui de concevoir après 40 ans. Dans certaines circonstances (menace d'accouchement prématurée, décollement du placenta, saignements etc.) il est donc préférable de se rapprocher du médecin ou de la sage-femme afin d'évaluer le bénéfice à poursuivre l'allaitement. 

Merci à Mélanie Landru, Consultante en lactation IBCLC

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