Hausse inquiétante de la délinquance chez les mineurs

Un rapport du Sénat, dévoilé le 23 septembre, révèle une hausse inquiétante de la délinquance des mineurs en France ces dernières années. Un phénomène qui survient de plus en plus à l'école et ce très tôt.

Hausse inquiétante de la délinquance chez les mineurs
© jhandersen

Une nouvelle enquête sénatoriale pointe du doigt le fléau des violences chez les jeunes. Un phénomène bien actuel dans notre société alors qu'en 2020, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti affirmait que "la délinquance des mineurs n'a pas augmenté dans notre pays depuis dix ans" et que le sentiment d'insécurité général était dû à la "surenchère permanente" des débats. Le rapport de quatre sénateurs (Céline Boulay-Espéronnier, Bernard Fialaire, Laurence Harribey et Muriel Jourda) , rendu aux commissions des lois et de la culture et publié le 23 septembre dernier, contredit ces propos. En France, ces dernières années, entre 2016 et 2021, la délinquance chez les mineurs a augmenté significativement. 

Des actes de violences bien particuliers 

En s'appuyant sur des statistiques fiables récoltées par la police depuis 2016, le rapport montre que la part des mineurs représente 20% dans l'ensemble de la délinquance en France. En revanche, dans les chiffres, les jeunes sont surreprésentés dans certains actes de violences bien spécifiques, en particulier pour les violences sexuelles faites sur mineurs (46%). Un chiffre d'autant plus édifiant que les auteurs de ces actes sont mineurs, tout comme leurs victimes. Ce jeune public est aussi concerné par les vols violents (40%) et les coups et blessures volontaires sur moins de 15 ans (30%). Leur présence dans les trafics de stupéfiants a également été démontrée. Il a augmenté de 35% entre 2016 et 2021.

Des chiffres précis, mais il n'empêche que pour les sénateurs qui ont participé à cette enquête "ils ne peuvent à eux seuls rendre compte de la réalité de la délinquance." Un phénomène qui semble bien plus complexe qu'on ne le pense, et encore plus aujourd'hui avec le rôle des réseaux sociaux. 

Les réseaux sociaux changent la donne

Le rapport sénatorial constate que les réseaux sociaux, aujourd'hui, ont une part à jouer dans la hausse de la délinquance des mineurs, pourtant on ne les prend pas en compte ou alors on minimise l'impact qu'ils peuvent avoir. "L'ensemble des personnes entendues (pendant l'enquête, ndlr) ont admis que ces nouveaux outils numériques pouvaient amplifier la violence, favoriser le passage à l'acte, voire conduire à l'augmentation de certains faits (violence scolaire, infractions à la législation sur les stupéfiants, ou extorsions par exemple)", indique le rapport d'information. 

Les violences à l'école

La violence est visible au sein même des écoles. Selon le rapport, les signalements de violences scolaires sont en augmentation. Les écoles primaires ne sont pas épargnées : "23,1% des élèves de CM1-CM2 disent avoir déjà eu peur de venir à l'école à cause de la violence." Par ailleurs, en primaire déjà, 50% des incidents contre les enseignants sont faits par des élèves. Dans le secondaire au collège et au lycée, " ⅔ des établissements ont été confrontés à au moins un incident grave. Le nombre d'incidents par élève est en légère augmentation depuis deux ans." Une triste réalité, qui rappelle ce qu'il s'est passé il y a quelques semaines lorsqu'une enseignante a été agressée au couteau par un jeune élève, de 15 ans, dans un lycée à Caen. 

Pour les sénateurs, cette délinquance à l'école a aussi un lien avec le décrochage scolaire, même si le basculement vers la violence est dû aussi à d'autres facteurs, "il en constitue souvent un élément important."

Comment lutter contre la délinquance et la prévenir ? 

Face à ces constats, il semble urgent de prévenir la délinquance et d'agir sur celle-ci. Dès l'école, la première chose à faire, estiment les sénateurs, est de mieux prendre en charge les élèves violents. L'exclusion temporaire ou définitive est une solution mais bien souvent elle peut "constituer un facteur supplémentaire de décrochage scolaire". Chaque année, entre 70 000 et 81 000 élèves sont exclus de leur établissement scolaire. Un programme d'accueil pendant la période doit être mis en place pour ces élèves. "L'objectif est double : lui permettre de comprendre et d'accepter sa sanction et structurer son temps d'exclusion." Certaines collectivités territoriales ont déjà lancé le projet, mais ce dispositif doit être généralisé. Tout comme les internats tremplins. Ces établissements qui s'adressent aux "élèves hautement perturbateurs" sont une opportunité pour eux. L'encadrement est renforcé, par la présence d'éducateurs, et la prise en charge est en général plus longue. 

Pour éviter la récidive des mineurs, le rôle de la PJJ, soit la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, est aussi crucial. Avec toutes ces observations, les sénateurs ont mis au point 14 recommandations pour tenter de freiner ce phénomène :

  • mettre en place un suivi statistique de la délinquance des mineurs et publier des indicateurs annuels globaux et détaillés
  • développer des enquêtes sociologiques sur les auteurs des faits
  • améliorer le repérage des infractions liées au numérique et évaluer le rôle des réseaux sociaux
  • procéder à des études plus fines de la récidive
  • assurer le suivi des jeunes décrocheurs
  • permettre à un élève de moins de 15 ans d'avoir accès au parcours aménagé de formation initiale
  • instaurer une prise en charge systématique de tout élève exclu temporairement de son établissement scolaire
  • prévoir dans chaque académie au moins un internat tremplin ou des places dédiées dans des internats classiques pour la prise en charge des élèves poly-exclus
  • mettre en place un programme d'évaluation des mesures éducatives
  • réorienter les moyens financiers pour développer les mesures déjà existantes
  • attribuer une labellisation par l'éducation nationale pour une durée minimale de deux ans à toutes les structures éducatives mises en place par la protection judiciaire de la jeunesse
  • renforcer les partenariats entre la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale
  • renforcer le nombre d'heures d'enseignement des détenus en quartier pour mineurs
  • mieux prendre en compte les conséquences de la libération du mineur délinquant sur son insertion