Après Pimkie, André et Kookaï, c'est au tour de cette marque française centenaire d'être en péril

Après Pimkie, André et Kookaï, c'est au tour de cette marque française centenaire d'être en péril

Une nouvelle griffe hexagonale a été placée en redressement judiciaire. Il s'agit cette fois-ci d'une marque de dessous renommée.

Après le prêt-à-porter (Kookaï, Jennyfer, Naf Naf…) et les souliers (San Marina, Minelli, André…), le marché des sous-vêtements est en souffrance. D'après les chiffres publiés par Kantar, les résultats du secteur, portés à 2,12 milliards d'euros pour les 9 premiers mois de 2023, sont en baisse de 1,8 % par rapport à l'année précédente. Un recul qui explique certainement les difficultés que connaît Maison Lejaby. La marque de dessous a été placée en redressement judiciaire le 2 janvier 2024 par le tribunal de commerce de Lyon.

Une histoire made in France

Ce n'est pas la première fois que Maison Lejaby traverse une période de troubles. Pourtant, son histoire débute il y a plus de 100 ans. En 1884, Louis Neyron et le docteur Rasurel lancent une marque de sous-vêtements pour homme et femme, produits par des usines lyonnaises. Un demi-siècle plus tard, une certaine Gabrielle commence à imaginer de la lingerie que son beau-frère Marcel Blanchard fait fabriquer à grande échelle. Dans la région, ces sous-vêtements sont surnommés "les soutiens-gorge de La Gaby". Lejaby est né et prospère jusqu'en 1966, date à laquelle l'entreprise rachète Rasurel, qui se spécialise dans le maillot de bain. Ellipse narrative. En 1996, Lejaby est un fabricant qui pèse dans l'univers de la lingerie française. L'entreprise et ses 1 100 salarié-e-s suscitent alors la convoitise de l'Américain Warnaco, qui débourse 400 millions de francs (environ 61 millions d'euros) pour se l'offrir. L'idylle est de courte durée, puisqu'en 2008, l'entreprise est cédée au groupe autrichien Palmers pour 45 millions d'euros. Pour les employé-e-s de Lejaby, les ennuis sont sur le point de commencer.

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Des ouvrières manifestent devant le siège de Maison Lejaby à Rillieux-la-Pape le 12 avril 2010 © Dargent Vincent/ABACA

Fermetures d'usines et licenciements

Le 1er avril 2010, la presse annonce la fermeture des trois quarts des usines de production françaises et le licenciement de près d'un tiers des effectifs de Lejaby. Les ouvrières décident de ne pas se laisser faire et occupent les fabriques de la marque pour alerter sur les délocalisations. Un an plus tard, le scénario catastrophe se poursuit, et l'entreprise est placée en redressement judiciaire. C'est Alain Prost qui s'en empare en 2012, au prix de 255 licenciements supplémentaires et de la fermeture de l'usine Lejaby d'Yssingeaux. Dans la foulée, il baptise la griffe Maison Lejaby pour opérer sa montée en gamme. Pourtant, deux ans plus tard, il cède la majorité du capital au fonds Impala, qui se délaisse d'un tiers des effectifs avant de revendre l'entreprise en 2019 à deux hommes d'affaires, Stéphane Collaert et Thierry Le Guénic. C'est ce dernier qui dirige aujourd'hui l'entreprise, via sa société Triangle International Invest. Au fil des ans, ce spécialiste de l'habillement s'est constitué un portefeuille de marques conséquent. Du prêt-à-porter avec Paule Ka et Burton of London (liquidée en février 2024), de la lingerie avec Chantal Thomass et Orcanta (liquidée en septembre 2023) et enfin de l'art de vivre avec Habitat (liquidée en décembre 2023).

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Les 130 ans de Maison Lejaby fêtés avec un ballet en 2014 © Marechal Aurore/ABACA

Pour "préserver son activité future"

Pour Maison Lejaby, l'espoir est encore de mise. "Afin de préserver son activité future, face à une dette d'exploitation principalement générée lors de la période Covid, Maison Lejaby a demandé au tribunal de commerce sa mise en redressement judiciaire", écrivait Thierry Le Guénic à ses employé-e-s dans un communiqué interne consulté par l'AFP. L'objectif poursuivi ? "Donner l'opportunité à Maison Lejaby et ses collaborateurs d'accélérer les transformations engagées vers une montée en gamme, une plus grande présence à l'international et sur le digital", détaillait-il alors. Les prochaines semaines vont être décisives pour l'entreprise, puisqu'une période d'observation de six mois a été décidée par le tribunal de commerce de Lyon. En jeu, l'avenir de deux boutiques, situées à Paris et Lyon, et le sort de 55 salarié-e-s. Olivier David, représentant CFDT de la société, précisait lors de la mise en redressement judiciaire : "Il n'y a pas de suppressions de postes annoncées".

Il faut rappeler que ce type de procédure n'est pas toujours synonyme de fin d'activité. Après la période d'observation, qui permettra au tribunal de commerce de Lyon de faire le bilan du patrimoine, des revenus et des dettes de Maison Lejaby afin d'estimer sa viabilité, trois cas de figure seront envisagés. Si les créances de la société sont recouvertes, le redressement judiciaire sera clôturé. Si le tribunal estime que l'entreprise peut, en prenant des mesures, continuer son activité, un plan de continuation sera mis en place, comprenant ou non des licenciements. Sinon, la liquidation judiciaire de Maison Lejaby sera prononcée. Une éventualité que Thierry Le Guénic et ses équipes feront tout pour éviter.