Témoignage famille nombreuse : "avoir 6 enfants, c'est renoncer à la slow life"

Emmeline a 25 ans lorsqu'elle donne naissance à son premier enfant. 11 ans plus tard, elle donnait naissance au dernier de "son clan", le sixième enfant de la fratrie. Elle raconte sa vie de mère de famille nombreuse. 

Témoignage famille nombreuse : "avoir 6 enfants, c'est renoncer à la slow life"
© Roman Samborskyi

"J'ai eu mon premier enfant à 25 ans. Une fille, Sarah. Je me suis séparée de son père et j'ai rencontré mon mari, Romuald, avec qui nous avons eu notre premier enfant ensemble quatre ans plus tard, Léanne. J'ai vécu des grossesses magiques, sans aléas, j'adore être enceinte, c'est une seconde nature pour moi. Je vis un état de grâce, ça me remplit littéralement ! Du coup, sans l'avoir prévu à aucun moment, on a continué à avoir des enfants. Seize mois après Léanne, il y a eu notre troisième fille, Marie. Dix-sept mois plus tard, naissait Gaspard, suivi de 17 mois par Arthur. Et enfin, 22 mois après, notre numéro 6, Gabriel a vu le jour. Nous n'étions pas partis pour beaucoup d'enfants. Nous n'étions même pas vraiment partis pour des enfants tout court, au départ. Mon compagnon avait 25 ans quand on s'est rencontré et pas vraiment de projet en ce sens… Mais voilà, on a fini par avoir six enfants ! 

Je n'ai pas dormi pendant dix ans. J'étais soit enceinte, soit allaitante. Et j'adorais allaiter la nuit, c'était le seul moment où j'avais du temps pour être seule avec mes bébés. Je dois avouer que j'ai la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil. Le jour ? Je travaillais ! J'étais infirmière, à temps plein pour mes deux premiers enfants et à mi-temps par la suite. Les enfants allaient à la crèche de ma clinique, je pouvais même les allaiter la journée, c'était parfait. Ça me paraissait si facile que j'aurais pu continuer. Mais à un moment donné, il fallait être réaliste. Et financièrement, ça aurait été compliqué.

Les finances d'une famille de 8 personnes

En tant qu'infirmière, j'avais le plus gros salaire du couple, et avec le mi-temps on a dû revoir le budget… Mais on s'en fichait, ce qui comptait pour nous, c'était de profiter de chaque instant avec nos tout-petits. Avoir 6 enfants, ça a un coût. Je dirais qu'on dépense environ 250 euros de courses par semaine. C'est mon mari qui s'en occupe, je déteste ça ! Moi je cuisine, on ne mange jamais rien de surgelé. J'adore préparer des curry ou des tajines. Ce qui nous amène au sujet "temps". Avoir six enfants, c'est faire une machine de 10 kilos 4 à 5 fois par semaine. J'ai complètement renoncé à mon obsession du repassage… Cela va sans dire ! Ma vie est une valse entre les emplois du temps de chacun. A la maison, on a un calendrier que tous les enfants, quels que soient leurs âges, remplissent tour à tour. Ils ont tous opté pour un parcours en horaires aménagés musique. Je ne les y ai pas forcés, au contraire. Ça me rajoute des déplacements ! Les cours, les orchestres le soir après l'école… À côté de cela, il y a le sport. Chacun à son activité. En début d'année scolaire, chaque mois de septembre, c'est le brans-le-bas de combat pour organiser tout ça : trouver les activités qui plaisent aux 6 enfants, faire en sorte qu'elles ne se chevauchent pas, pour que je puisse effectuer les allers-retours. C'est un véritable raz-de-marée, chaque mois d'octobre, je me dis : Ouf, j'ai survécu ! 

Avoir 6 enfants demande d'être stratégique 

"Dépêche toi de finir ton repas, on va être en retard au sport !" Être mère d'une famille nombreuse c'est jongler dans tous les sens. Et la partie que j'aime le moins, c'est râler. Pourtant, je passe ma vie à leur dire de se dépêcher. A tel point que ça ne marche plus, ils ne se dépêchent plus ! "Maman, comment veux-tu que je fasse mes lacets plus vite que ça ? Je n'ai que dix doigts." Il m'arrive de craquer, de me dire : j'en peux plus, je me barre ! Surtout quand ils se disputent entre eux. Ma dernière fille et mon premier fils ne supportent pas de respirer le même air, par exemple. Alors on est obligé de mettre en place des stratégies, de faire un plan de table, de les asseoir le plus loin possible en voiture. Et moi, je dis tout le temps : je n'ai pas fait autant d'enfants pour que vous vous parliez comme ça ! 

Ils ne s'entendent pas tous, au grand damne de mon mari. Nous n'avons pas fait en sorte qu'ils s'occupent les uns des autres. On s'est toujours dit qu'on ne voulait pas leur imposer notre choix de famille nombreuse. L'aînée n'a jamais été chargée de les garder, par exemple. C'était important pour nous, maintenant on regrette un peu… On ne voulait pas déléguer, mais on a été un peu loin. Cela dit, ils nous aident à la maison. Mettre la table, débarrasser, vider le lave-vaisselle, sortir les poubelles : c'est le truc des enfants. Mais c'est un peu anarchique, personne n'est assigné à une tâche. Tous les deux mois, mon mari essaye d'établir un calendrier ménager, et ça ne marche jamais. Il faut dire que je n'aime pas trop le côté "militaire" de la famille nombreuse. 

Transports et vacances : comment faire avec 6 enfants à bord ? 

Quand on a une famille de huit, il faut la voiture qui va avec. Nous, c'est une Peugeot 807. Je vous vois venir avec la question qui tue : mais, il n'y a pas de coffre avec huit sièges ? Comment faites-vous ? Tout est prévu ! Si on part en week-end, on ajoute juste un coffre de toit. Si on part en vacances, on ajoute au coffre de toit une remorque. Et voilà ! Nos vacances ? On a dû s'adapter et renoncer à certaines choses, comme le ski par exemple… Mais on ne se prive pas ! Pendant les petites vacances, on part visiter une capitale européenne du lundi au vendredi. Pendant les grandes vacances, on se fait toujours une semaine d'aventure en famille, à la roots. Une semaine de kayak avec la tente sur le bateau, une semaine à roulotte tirée par un cheval. La première fois, on avait opté pour une semaine de rando en montagne dans l'Aveyron. On avait déjà cinq enfants. Le plus petit était bébé, je le portais en écharpe. Le second avait deux ans et se trouvait sur le dos de son père, dans le porte bébé. La troisième, âgée de trois ans à l'époque, marchait comme nous, 13 kilomètres par jour. C'était épique ! Mais c'était magique, aussi. J'adore qu'on soit unis dans l'effort. Ensuite, pendant deux semaines, on se repose. Avant, je détestais le camping. Et j'avais négocié avec mon mari, "si on en fait un cinquième, d'accord pour le camping !" Vous connaissez la suite… On a trouvé un camping sans étoile, très sympa, où l'on va depuis dix ans chaque été.

Une maison assez grande pour loger la tribu

Même avec tout ça, il m'est arrivé de me dire que je m'ennuyais dans la vie. A 40 ans, j'avais déjà eu mes six enfants et je me suis dit : mais c'est quoi cette vie ? On vit dans un bled un peu perdu, je suis infirmière à mi-temps, la maison est trop petite. On l'avait acheté avec trois chambres, on en avait fait construire une dans les combles, on avait joué aux chaises musicales pendant des années pour répartir le mieux possible. Et même si on adore être les uns sur les autres parce que c'est plein d'amour, on ne vit pas dans le monde des bisounours. A ce moment-là, j'étais dépitée. Je manquais d'un projet qui me tienne en haleine. Alors, j'ai proposé à mon mari que nous partions tous vivre dans mon pays d'origine, l'Australie. Il m'a dit qu'aller sur la lune lui paraissait à peu près aussi réaliste. Le septième enfant ? Dans mes rêves, ça aussi. J'ai dit, d'accord, mais on déménage. La slow life, ce n'est vraiment pas pour moi, je crois. On a trouvé une maison dans la ville de Rouen, avec un terrain assez grand pour la faire atteindre 300m2 après travaux, et enfin avoir 8 chambres, le pied ! En parallèle, comme je ne fais jamais les choses à moitié, j'ai quitté mon boulot et j'ai décidé de me reconvertir. Là, autour de moi, tout le monde m'a prise pour une folle : mère de 6 enfants, en plein déménagement avec une maison à agrandir, et tu démissionnes ? Moi je ne m'inquiétais pas vraiment. J'ai confiance en la vie. J'ai repris mes études à la fac et j'ai passé le Capes, je suis devenue prof d'anglais ! Quatre ans après cet achat, on est toujours en travaux, mais ça avance !"