Que révèlent les dessins de nos enfants ?

Votre enfant vous a dessiné un bel arc-en-ciel accompagné d'un soleil ou au contraire un bonhomme tout triste et vous aimeriez connaître la signification de son oeuvre ? Eclairage avec le pédopsychiatre Daniel Bailly.

Que révèlent les dessins de nos enfants ?
© 123RF / Jacek Chabraszewski

Que ce soit un véritable artiste, un adepte du minimalisme aux œuvres joyeuses ou au contraire effrayantes, vous vous demandez ce que qu'elles traduisent ? Les dessins de votre progéniture peuvent donner lieu à plusieurs analyses, "tout dépend de l'axe qu'on prend pour interpréter le dessin" précise Daniel Bailly, pédopsychiatre, professeur de psychiatrie à l'Université d'Aix-Marseille et auteur de plusieurs ouvrages dont Déculpabilisons les parents : pour en finir avec les normes éducatives (Ed. Odile Jacob).

Les dessins, pour évaluer son développement moteur

Ses dessins peuvent servir de support pour étudier son développement psychomoteur. "La régularité de ses traits, sa manière de les organiser peuvent renseigner, en particulier chez l'enfant sujet a des troubles de la coordination, de ses habilités motrices, de sa motricité fine" note le pédopsychiatre. Le "bonhomme" est typiquement utilisé pour évaluer son développement psychomoteur. En effet, plus son croquis est élaboré, plus cela témoigne de son développement : sa représentation du schéma corporel, la manière dont il le reproduit, dont il le perçoit et aussi dont il le dessine. Toutefois, rappelle-t-il, "chaque enfant se développe à son rythme et deux enfants du même âge n'ont pas forcément le même niveau en dessin". Par ailleurs,"on ne peut juger des capacités d'un enfant en se basant uniquement sur un élément" rassure-t-il. Aussi, si votre bambin fait un dessin rudimentaire, mais qu'il a un bon développement général, inutile de vous inquiéter, dans quelques mois, il vous en fera sans doute de bien plus élaborés. 

Et son développement cognitif

On peut aussi utiliser ses œuvres pour jauger son développement cognitif"Le dessin est d'ailleurs utilisé dans certains tests pour évaluer les capacités visuo-motrices (reproduire ce qu'il voit) et visuo-constructives (comment l'enfant se repère dans l'espace)détaille le Professeur Bailly. On lui présente par exemple une figure géométrique qu'il doit reproduire d'abord avec le support sous les yeux, pour évaluer sa capacité de coordination visuo-motrice et ses capacités attentionnelles (focaliser son attention sur le dessin). Puis en enlevant le support pour étudier son aptitude à en reproduire les détails et sa mémoire immédiate (capacité à mémoriser les éléments de la figure et à les reproduire sans modèle). "Un exercice souvent complexe pour les enfants hyperactifs ou distractifs qui mettront généralement beaucoup de temps à le réaliser ou/et le feront de manière désorganisée" constate le Pr. Bailly.  

Son état psychologique

Les dessins d'enfant font également souvent l'objet d'une interprétation psychologique. Il sont d'ailleurs considérés comme support de projection des fantasmes de l'enfant, un peu comme les associations libres (technique utilisée en psychothérapie analytique où l'on demande au patient de laisser libre court à toutes ses pensées sans rien censurer) utilisées par les adultes pour se livrer. Ainsi, on a tendance à penser qu'à travers son dessin et la façon dont il l'élabore, l'enfant projette ses affectes. Le problème selon le pédopsychiatre : le dessin n'a de valeur que dans le contexte où il est analysé". Tout dépend donc où l'enfant l'a réalisé, en compagnie de quelle personne et la nature de leur relation. Et "l'interprétation n'est possible que si l'enfant a confiance en la personne avec laquelle il réalise son dessin". Un psychothérapeute ne peut donc pas se contenter de recevoir un enfant dans son cabinet et lui faire faire un dessin pour en tirer quelque chose, il faut d'abord un temps d'apprivoisement, qu'il sente qu'il peut délivrer certaines informations, qu'il ne sera pas jugé, que l'adulte face à lui peut l'aider. Tout comme un adulte a besoin de temps avant de se confier.

A ce moment-là, "l'enfant peut en effet utiliser le dessin pour faire passer des messages, un moyen de communication souvent plus pratique que le langage chez l'enfant tout en ayant la même valeur" continue-t-il. Vous l'aurez compris, si votre enfant revient du centre aéré avec un dessin à la main, quel que soit ce qu'il représente, il est peu probable que vous puissiez lui donner une quelconque interprétation.

Les différentes interprétations possibles

Difficile de se baser sur le dessin de son enfant pour jauger son état car il y a une multitude de facteurs qui peuvent traduire son dessin. Par exemple, vers 7 ans, l'enfant entre en phase de latence, ses affectes sont en sommeil et ses apprentissages et son développement intellectuel, mis en avant. De fait, s'il vous dessine une belle maison, cela ne veut pas dire qu'il se sent bien à la maison, ni qu'il s'y sent mal. Il peut aussi avoir simplement envie de dessiner car cette activité lui plaît.

D'autre part, qu'il esquisse des arcs-en-ciel ne signifie pas nécessairement qu'il est heureux et vous ramener des bonshommes gribouillés de noir ou de rouge ne traduit pas forcément une détresse. Peut-être s'est-il simplement inspiré de ce qu'il a vu à la télé ou dans un livre. Et généralement, ce sont des soleils, des bonshommes, une maison... et puis parfois des monstres. 

Un dessin peut aussi transmettre certains traits de tempérament. "Les enfants anxieux, par exemple, ont tendance à tirer la langue, s'appliquer, effacer quand ils dépassent, ils sont souvent perfectionnistes" révèle Daniel Bailly. A l'inverse, certains enfants dépassent ou bâclent leur dessin. L'explication peut alors être qu'il n'a tout simplement pas envie de dessiner. Certains enfants aussi ont une forte envie de plaire et peuvent réaliser de très beau dessins juste pour vous faire plaisir.

Enfin, le dessin peut illustrer un état de colère, de mal-être ou au contraire signifier qu'il se sent heureux. Tout dépend s'il s'accompagne d'autres symptômes comme de l'inquiétude, une grande joie ou un changement de comportement. "Le dessin n'est qu'un moyen, il n'a aucune valeur absolue" rappelle le pédopsychiatre.  

Quand le dessin de votre enfant vous préoccupe

Dans certains contextes, les enfants peuvent effectivement transférer et projeter sur leur dessin leurs fantasmes et difficultés. Mais alors, comment savoir quand son croquis est préoccupant ? "Le dessin est comme un symptôme et il faut plusieurs symptômes pour analyser l'état de l'enfant" analyse le professeur Bailly. S'il vous tend sous le nez un bonhomme qui pleure ou au visage effrayant, avant de vous alarmer, commencez par en parler avec lui : "pourquoi as-tu dessiné ça ?" afin de voir dans quel état il se trouve. Si tout va bien, inutile d'insister. Il est en colère ? rien de grave tant que c'est passager. En cas de doute, "n'hésitez pas à aller interroger ses enseignants, savoir comment ça se passe à l'école" conseille Daniel Bailly. Si la maîtresse confirme vos soupçons, le trouve reclus ou étrange ces temps-ci ou/et que vous-même trouvez qu'il s'isole, se comporte différemment, mange moins... Alors, pas besoin d'un dessin, il y a bel et bien quelque chose qui cloche. Et pour vous aider à identifier le problème, vous pouvez l'emmener consulter un psychologue, le pédiatre ou un pédopsychiatre. Vous pourrez alors lui présenter son dessin, à condition de décrire dans quel contexte il a été réalisé et de détailler son comportement. 

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