Mon enfant zozote : que faire ?

Les difficultés à prononcer les "s" et les "ch" sont fréquentes et considérées comme normales jusqu'à la perte des dents de lait. Que faire si ces troubles du langage persistent ? On fait le point avec Françoise Garcia, orthophoniste et vice-présidente de la Fédération nationale des orthophonistes.

Mon enfant zozote : que faire ?
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Zozotement, zézaiement, chuintement… Autant de petits défauts de prononciation qui peuvent accompagner l'apprentissage du langage. S'ils restent tout à fait communs chez les enfants de moins de 6 ans, lorsque la maturation globale de l'articulation dentaire est terminée, ils peuvent néanmoins persister et nécessiter la consultation d'un orthophoniste.

Pourquoi mon enfant zozote-t-il ?

Certains facteurs favorisent le développement du zozotement (ou du chuintement) comme le fait de sucer son pouce ou une tétine de manière excessive. Aussi, d'autres enfants conservent une déglutition infantile primaire : la langue est avancée entre les incisives et empêche les dents du haut et celles du bas de se toucher. Conséquence : l'enfant prononce mal les "s" ou les "z", d'où un zozotement. Par ailleurs, "si l'enfant est encore en déglutition ou en succion, ses joues ne seront pas encore assez toniques pour prononcer certains sons comme le "ch", précise Françoise Garcia avant d'ajouter que ce n'est qu'au cours de la croissance que la langue se logera naturellement derrière les incisives". D'autre part, des déformations dentaires peuvent également nuire à la bonne prononciation de certains sons.

"Cheveu sur la langue" ou trouble du langage plus profond ?

Le zozotement ne devient un trouble que lorsque la maturation globale de l'articulation dentaire est terminée et que l'enfant continue à avoir un défaut de langage. "L'articulation de l'enfant est perfectible au fil des mois et sa capacité à prononcer certaines lettres va évoluer avec l'âge. En effet, le "s" ou le "ch", font partie des sons qui se prononcent mieux plus tard que le "a" ou le "o" par exemple". Avant 6 ans, l'enfant peut avoir d'autres troubles linguistiques qui eux, peuvent l'empêcher de comprendre ce qu'on lui dit, de faire de phrases ou de ne pas trouver les bons mots pour s'exprimer : des altérations de langage qui sont bien souvent imperceptibles. D'où l'importance de veiller à ce que l'enfant valide toutes les étapes du langage. "Certains parents se focalisent sur ce qu'ils entendent sans aller explorer la syntaxe, la compréhension globale ou la phonologie de l'enfant alors que ces éléments sont plus importants que le trouble articulatoire", ajoute l'orthophoniste. Enfin, il est important de savoir si l'enfant de moins de 6 ans perçoit bien la différence entre un "s" et un "ch" quand nous parlons. Si oui, cela signifie qu'il a une bonne perception des sons et qu'il ne présente qu'un défaut de réalisation motrice liée à la maturation. Si l'enfant ne fait pas cette différence phonologique, il y a peut-être un problème sous-jacent et il est alors nécessaire de faire un bilan de langage.

"Avant 6 ans, il n'est pas utile de consulter un orthophoniste"

A quel âge consulter un orthophoniste pour son enfant ?

Le zozotement (ou le chuintement) isolé n'est pas considéré comme un trouble jusqu'à la perte des dents de lait et l'apparition des dents définitives, soit entre 5 et 6 ans et demi, et a toutes les chances de disparaître naturellement. Avant, il n'est pas utile de consulter un orthophoniste. En effet, non seulement les points d'articulation des enfants vont évoluer lors de la déglutition secondaire puis "l'orthophoniste va se servir d'un appui de la langue sur les dents pour prononcer le "s" et le "z" (les deux sons concernés par le zozotement), cette position de rééducation n'est alors possible que lorsque les dents définitives sont apparues", précise l'experte. Dès lors que sa dentition est formée, mais que des défauts de prononciation persistent, on peut faire appel à un orthophoniste, parallèlement à un soutien orthodontiste lorsque c'est nécessaire, pour aider l'enfant à positionner correctement sa langue afin de prononcer tous les sons. L'enfant pourra alors travailler sur chaque point d'articulation par le biais d'exercices, de chansons, de jeux d'écoute ou de grimaces, d'interaction de langage et de stimulation quotidienne pour l'aider à acquérir l'agilité de sa langue. A noter que les soins orthophoniques sont remboursés par l'Assurance Maladie à 60 % et par les mutuelles pour le reste. 

Exercices, conseils : comment l'aider au quotidien ?

"On ne peut améliorer son langage… qu'en pratiquant et ce tous les jours !", affirme Françoise Garcia avant de préciser "qu'il est inutile de faire répéter le mot, de manière insistante, jusqu'à ce qu'il soit correctement prononcé, surtout si le mot reste malgré cela compréhensible". En effet, l'enfant risque de crisper sa langue, de stresser voire de se vexer et son zozotement risque même de s'intensifier. Mieux vaut aménager des moments ludiques où l'enfant devra faire un effort particulier pour bien écouter chaque mot et essayer de les répéter convenablement. C'est en utilisant une grande palette de mots différents, en lui permettant d'être plus à l'écoute et plus attentif aux mouvements articulatoires de ses interlocuteurs qu'il va, par mimétisme, essayer de reproduire ce qu'il entend ou voit. Ce travail sera renforcé lors des séances d'orthophonie pour les enfants plus en difficulté. Enfin, proposez-lui d'abandonner progressivement le pouce ou la tétine et soyez à son écoute : parfois un zozotement témoigne d'une peur de grandir, d'un manque de confiance ou d'un moyen d'attirer votre attention. 

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