Syndrome du bébé oublié : "ça peut arriver à n'importe quel parent"

En été, le "syndrome du bébé oublié" fait souvent le tour de l'actualité. Ce phénomène survient lorsqu'un parent oublie son bébé dans la voiture sans s'en rendre compte, pendant quelques heures ou une journée entière. Un oubli qui peut être fatal pour les tout-petits qui finissent par succomber à la chaleur et la déshydratation. Ce fut le cas le 7 juin 2023 en Belgique, un bébé de six mois est décédé d'un "très gros coup de chaleur", selon le parquet belge, après avoir été oublié dans un véhicule toute la journée. Ces drames suscitent l'émoi, mais surtout l'incompréhension de l'opinion publique. Comment expliquer ce phénomène, quelles sont les causes ? Que faire pour l'éviter ? Réponses d'experts.

Qu'est-ce que le syndrome du bébé oublié ? 

On parle du "syndrome du bébé oublié", lorsque de jeunes enfants, le plus souvent des nourrissons, décèdent d'hyperthermie après avoir été laissés plusieurs heures dans la voiture familiale en plein soleil. Pour la plupart d'entre eux, les parents les ont malheureusement oubliés dans leur véhicule alors qu'ils étaient censés les déposer à la crèche ou chez la nounou. Pensant l'avoir fait, ils se rendent à leur travail en laissant bébé dans l'habitacle, fenêtres et portes fermées.

Les scientifiques parlent d'un oubli involontaire. Le parent est dans "un état d'hypnose, un état de pilotage automatique où c'est l'inconscient qui prend les devants", a expliqué Ilana Waserscztajn, psychologue clinicienne à BFMTV, ce qui explique pourquoi il ne s'en rend pas compte sur le moment. Dans d'autres cas, il arrive également que des parents peu scrupuleux laissent intentionnellement l'enfant dans leur véhicule pendant qu'ils s'absentent pour faire des courses, des démarches administratives ou parce que l'enfant dort. 

Le parent qui oublie son enfant est dans "un état d'hypnose, un état de pilotage automatique où c'est l'inconscient qui prend les devants."

Comment expliquer le syndrome du bébé oublié ?

Si le "syndrome du bébé oublié" fait si souvent l'actualité, c'est qu'il peut toucher n'importe quel parent qui a priori la tête sur les épaules. "Dans la plupart des cas, ces épisodes concernent des adultes dont les fonctions psychiques et cognitives sont parfaitement intactes", soulignent les chercheurs d'une étude scientifique parue en 2020 dans la revue Rivista di Psichiatria.

L'explication viendrait, selon David Diamond, professeur au département de psychologie cognitive, neurale et sociale de l'Université de Floride Sud (Etats-Unis) du fait que notre mémoire relative aux habitudes, comme effectuer le même trajet quotidiennement, prend le dessus sur la mémoire prospective (liées aux tâches que l'on doit accomplir). C'est ce qu'il explique dans un article publié dans The Conversation. "Lorsque nous conduisons de manière répétée le long d'un itinéraire fixe, comme entre le domicile et le travail, la mémoire des habitudes peut remplacer les plans stockés dans notre mémoire prospective".

Oublier bébé dans sa voiture l'été représente un vrai danger

En période estivale, les bébés sont très sensibles à la chaleur et au soleil. Si un bébé est laissé seul dans un véhicule en plein été, il risque de souffrir à la fois de déshydratation et d'hyperthermie, et de décéder.

Risque d'hyperthermie

A l'intérieur d'une voiture fermée, la température peut accroître de façon très importante. Selon une étude scientifique publiée en 2015 dans l'International Journal of Current Research, "il peut y avoir jusqu'à 55 % d'augmentation de la température dans les cinq premières minutes et jusqu'à 90 % dans les 15 minutes, même si les fenêtres de la voiture sont partiellement ouvertes".

Décès

En cas d'hyperthermie, il y a de fortes probabilités pour que l'enfant succombe à la chaleur. "Deux à trois heures suffisent pour qu'un enfant décède", note l'étude. Par temps froid aussi, "l'enfant peut décéder d'hypothermie, caractérisée par une baisse de sa température corporelle en deçà de 35°C", indique le rapport de la Commission de la sécurité des consommateurs.

Des conséquences psychologiques

Des conséquences psychologiques non négligeables peuvent aussi survenir. Comme le rapporte la Commission de la sécurité des consommateurs, "celles-ci peuvent prendre la forme d'une réaction aigüe au sentiment d'abandon que suscite une telle situation et qui se manifestera dans le temps par des crises d'angoisse et des cauchemars récurrents ou par une dépression larvée, sous forme d'un repli sur soi par peur du monde extérieur ou de ce qui pourrait être vécu comme un nouvel abandon parental". 

Que faire pour ne pas oublier bébé dans la voiture ?

Pour limiter les risques d'oublier son bébé à l'arrière du véhicule, les autorités conseillent de :

• Placer bébé dans son siège-auto, attaché et dos à la route, sur le siège avant, côté passager. Selon son âge bien sûr, on le verra et on aura donc moins de chance de l'oublier.
• Laisser son téléphone, son sac à main à l'arrière du véhicule afin d'être certain d'avoir à se tourner pour les récupérer au moment de descendre de voiture et d'apercevoir ainsi si l'enfant y est présent.
• Laisser le doudou de bébé ou son sac de change à côté de nous, à l'avant en guise de mémo.
• Vous pouvez aussi placer des dispositifs d'alerte "anti-éloignement". Ces capteurs sont à fixer au siège-auto du bébé et se déclenchent dès lors qu'on s'en éloigne.
• Enfin, on tâche de se reposer pour lutter contre la baisse de vigilance.

"Quand j'ai retrouvé mon fils, il était écarlate"

Témoignage de parents ayant oublié leur bébé dans une voiture

Certains parents qui ont vécu le syndrome du bébé oublié partagent leur témoignage. Au micro de RTL, une mère de famille, âgée de 37 ans, est revenue sur l'événement qui l'a bouleversé en août 2016 lorsqu'elle a oublié son bébé de 16 mois à l'arrière de sa voiture. Elle s'est confiée non sans émotions : "Je n'ai jamais vraiment réalisé qu'il était dans la voiture. Je n'ai aucune idée du temps qui s'est écoulé. Quand j'ai retrouvé mon fils, il était écarlate. J'ai hurlé, j'ai ouvert la porte et il était en train de pleurer (...) il n'était pas mort. (...) Je ne sais pas à quel point cela l'a impacté, une multitude de facteurs qui font que cela peut arriver à n'importe quel parent."