Un bébé né d'une greffe d'utérus post-mortem, une première mondiale

Pour la première fois, un bébé est né au Brésil en décembre 2017 grâce à une greffe d'utérus prélevé post-mortem. Un espoir pour les femmes souffrant d'infertilité utérine ?

Un bébé né d'une greffe d'utérus post-mortem, une première mondiale
© Suphakaln Wongcompune - 123RF

"À notre connaissance, aucune naissance suite à une greffe d'utérus à partir d'une donneuse décédée n'avait encore abouti. En effet, toutes les greffes d'utérus prélevées post-mortem avaient jusque-là échoué aux Etats-Unis, en République Tchèque ou encore, en Turquie", apprend-on dans une étude publiée le mardi 4 décembre 2018 dans la revue scientifique The Lancet. Pour la première fois dans le monde, une transplantation utérine réalisée post-mortem a donné lieu à une naissance au Brésil le 15 décembre 2017. L'utérus greffé provenait d'une femme de 45 ans, décédée d'un accident vasculaire cérébral. L'opération - qui a duré au total plus de dix heures - a été réalisée en septembre 2016 à l'Hôpital universitaire de São Paulo chez une patiente de 32 ans atteinte du syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH), une pathologie rare qui se manifeste par une absence congénitale totale ou partielle de vagin et d'utérus. La patiente est tombée enceinte sept mois après la greffe, suite à un unique transfert d'embryon obtenu par fécondation in vitro. L'accouchement a eu lieu par césarienne à 36 semaines de gestation et a permis la naissance d'une petite fille pesant 2.550 kg, en très bonne santé. "Il y a 4 mois, elle pesait 7.2 kg et était toujours nourrie au sein par sa maman, également en bonne santé", peut-on lire dans la revue. L'organe greffé a quant à lui été retiré lors de la césarienne pour ainsi suspendre le traitement immunosuppresseur, jugé très lourd pour la maman. 

La greffe d'utérus post-mortem peut-elle ouvrir de nouvelles possibilités ? 

Après des dizaines d'échecs, le recours à des donneuses décédées représente un espoir pour les femmes touchées par une infertilité d'origine utérine. Cette réussite pourrait ainsi "ouvrir la voie au don d'utérus post-mortem, comme c'est le cas pour d'autres organes" ce qui "permettrait aux femmes qui ne peuvent concevoir un bébé du fait d'un utérus défaillant de porter leur propre enfant, plutôt que de dépendre de donneurs vivants, ou de recourir à l'adoption ou à une mère porteuse", espère le professeur Andrew Shennan, obstétricien à Kings College London, cité par The Lancet. Les transplantations d'utérus représentent le seul traitement envisageable pour les infertilités d'origine utérine. Les greffes d'utérus prélevé post-mortem présenteraient quant à elles plusieurs avantages par rapport à la greffe à partir d'une donneuse vivante : "elle s'appuierait sur un réservoir de donneuses potentielles plus vaste, coûterait moins cher et éviterait les risques pour la donneuse vivante", précise le Dr Srdjan Saso, du département obstétrique de l'Imperial College de Londres, également cité par la revue scientifique.

Qu'en est-il en France ?

"La transplantation d'utérus à partir de donneurs vivants est devenue une réalité pour traiter la stérilité, après un essai réussi en octobre 2014 en Suède, inspirant ainsi les centres et programmes de transplantation d'utérus dans le monde entier", indique l'étude. Depuis, 39 transplantations à partir de donneuses vivantes ont été effectuées dans le monde, mais seulement 11 ont abouti à une naissance, selon les chiffres du premier congrès de l'International Society of Uterus Transplantation (ISUT, 2017). Mais où en est-on en France ? En mars 2017, l'équipe du Pr Ayoubi, chef de service à l'hôpital Foch de Suresnes avait obtenu l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament (ANSM) afin de réaliser dix greffes utérines à partir de donneuses vivantes. Par ailleurs, l'ANSM avait également autorisé fin 2015 un premier essai clinique de greffes d'utérus à partir de donneuses en état de mort cérébrale. Menées par l'équipe de gynécologie-obstétrique du CHU de Limoges qui travaille ce sujet depuis 1999, le projet prévoyait d'inclure huit femmes, sélectionnées selon des critères très stricts. Si la greffe était initialement prévue fin 2016 et la première naissance fin 2018, les résultats de ces essais cliniques n'ont toujours pas été rendus publics.