Comment lui apprendre la notion de partage ?

Les enfants aiment conserver tout ce qui leur est précieux… Et lorsqu'il s'agit de prêter leurs jouets, ils se braquent. Pourquoi ne veulent-ils pas partager ce qui leur appartient ? On fait le point avec le Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre.

Comment lui apprendre la notion de partage ?
© Tatyana Tomsickova-123RF

Tous les parents ont un jour constaté qu'un jouet qui laisse indifférent leur enfant le passionne subitement dès lors qu'il suscite l'intérêt d'un autre. "Il y a tellement de choses intéressantes que le désir d'un enfant s'élabore à partir du désir d'autrui", souligne le Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur du livre Soigner les enfants hyperactifs sans médicaments (Ed. Fayard). Il faut savoir que jusqu'à 8 ou 9 mois, les bébés ont la sensation de ne faire qu'un avec leur maman. En pleine construction de leur ego, ils vont ensuite réaliser petit à petit qu'ils sont des êtres humains à part entière avec des envies, et donc, des angoisses. "Ils prennent conscience de la propriété à partir de 2 ans pour certains et de 3 ans pour d'autres", rappelle Stéphane Clerget. Petits, les enfants jouent l'un à côté de l'autre et commencent à interagir, mais ils souhaitent alors prendre ce que l'autre possède, ce qui vient casser le jeu. Ils ont du mal à élaborer un scénario et donc à jouer ensemble. "Les enfants sont particulièrement inquiets quand des copains viennent à la maison et prennent leurs jouets dans leur chambre. Cela devient angoissant car ils sont inquiets à l'idée qu'on leur prenne ce qui est à eux, alors qu'ils commencent à investir affectivement les objets. Voir des enfants jouer avec leurs jouets leur fait le même effet que s'ils jouaient avec leur maman" souligne le Dr Clerget.

Les aînés prêtent moins leurs jeux

Il faut savoir que les enfants les moins enclins à prêter sont les aînés, car ils sont très investis avant la naissance des autres frères et sœurs. Les enfants du milieu sont dans une position intermédiaire et sont de futurs diplomates. Ils font des alliances tantôt avec l’aîné, tantôt avec le dernier, et ont donc bien compris que le don ou le prêt est un moyen d'en créer. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, les enfants uniques ne sont pas moins prêteurs que les autres. "Pour compenser leur unicité, beaucoup d'enfants uniques apprennent à créer des liens avec leurs copains et les appellent parfois leur frère ou sœur de cœur. Une telle relation passe aussi par le prêt et par l'échange. note le Dr Clerget.

L'âge de raison… et du partage

C'est quand il arrive dans "l'âge de raison" et donc celui de l'entrée à l'école primaire que votre enfant devient disposé à partager… et donc à prêter ! "A 6 ou 7 ans, l'enfant doit apprendre rationnellement à se contenir grâce à l'éducation qu'il a reçue et à supporter l'idée que d'autres enfants puissent jouer avec ses jouets sans que cela lui porte préjudice", souligne le Dr Clerget. Néanmoins, si votre enfant continue de refuser de partager, interrogez-vous : le fait-il avec tous les enfants ou uniquement avec ses frères et sœurs ? Refuser de prêter ce qui lui appartient en famille n'est qu'un symptôme de la jalousie entre frères et sœurs. En revanche, s'il refuse de partager avec tous les enfants, il est important d'intervenir car cela peut lui porter préjudice et l'isoler des autres camarades de son âge.

Comment lui apprendre à prêter ses jouets ?

Il ne faut pas le forcer à prêter ses jouets, mais en discuter avec lui en lui demandant ce qu'il craint afin de verbaliser ses angoisses. "Il s'agit aussi de lui expliquer l'intérêt qu'il a à prêter : cela lui permet aussi d'obtenir des choses en retour. Il faut également l'aider à choisir les objets qu'il veut bien prêter et ceux qu'il veut garder pour lui. Dans les fratries, il peut être intéressant d'acheter des jouets pour chaque enfant, mais aussi des cadeaux communs et qui n'appartiennent donc ni à l'un à l'autre", conseille le spécialiste. N'hésitez pas également à jouer avec votre enfant à des jeux collectifs comme des jeux de société, et surtout à des jeux par équipe, qui pourra alors initier cet esprit du partage. 

Donner le bon exemple. "Il faut balayer devant sa porte, car souvent, l'un des parents de l'enfant peu prêteur (celui auquel l'enfant s'identifie), a du mal à se libérer de son instinct de possession", rappelle le Dr Clerget. Certains enfants ont également tendance à sur-investir des objets, soit parce que leurs parents ont été trop exigeants, soit parce qu'ils ont été victimes d'une carence affective. Il faut alors les inciter à partager autre chose. "Ils peuvent être très généreux en conseils et en temps libre et offrir de l'attention ou leur aide. Il ne faut pas oublier qu'il y a d'autres façons de partager que de prêter des objets !", conclut Stéphane Clerget.
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