Maje, en passe de réinventer la mode une seconde fois ?

[Exclusivité] Pionnière "premium", il y a vingt ans, Maje est devenue la marque star des jeunes femmes élégantes avec sa mode entre luxe et fast fashion. Deux mots qui n'ont plus le même sens aujourd'hui. Soit, la griffe parisienne a plus d'un tour dans son sac.

Maje, en passe de réinventer la mode une seconde fois ?
© Maje

La commercialisation de la mode n'avait aucun secret pour elles. Nées au Maroc et élevées au cœur du Sentier, quartier textile historique de Paris, Judith Milgrom et sa sœur Evelyne Chetrite se piquent naturellement de prêt-à-porter. Elles lancent ensemble Sandro, mais rapidement, Judith rêve de plus de liberté créative et prend son envol avec Maje (anagramme de Milgrom, son nom, Alain, le prénom de son frère, Judith, le sien, et Evelyne, celui de sa sœur). Avec son vestiaire frais, comprenant matières nobles et pièces fortes aux détails bohèmes et féminins, Maje devient le hit du début des années 2000. 

Marque maje-ure

"Il y a 20 ans, le marché réclamait un nouveau modèle économique alternatif mixant les exigences du luxe et l'agilité du fast fashion et nous y avons répondu", la recette du succès, Isabelle Guichot, Directrice Générale de Maje l'explicite ainsi. Cette nouvelle catégorie de marque dite "premium" tient du rêve pour les consommatrices de mode des années 2000. Et pour cause, il n'y a alors aucune proposition entre Zara (arrivée 10 ans plus tôt sur le sol Français) et autres enseignes de prêt-à-porter abordables et les enseignes de l'avenue Montaigne. Chez Maje, mais aussi les autres marques du groupe SMCP, The Kooples, Ba&Sh et consort, les portemonnaies moyens peuvent "craquer" pour des pièces très mode et bénéficier d'une expérience soignée en magasin, sans se ruiner. Il n'en fallait pas plus pour mettre toute une génération de jeunes filles apprêtées à ses pieds. 

(R)évolution

"Le tour de force de Maje, c'est sa manière de construire une forte image de marque autour d'une cible spécifique" souligne Sarah N'tsia, responsable des rubriques retail et DNVB au Journal du Net. Avec des boutiques dans le monde entier, Maje se fait aussi l'ambassadrice de ce je-ne-sais-quoi Français, hautement désirable à l'étranger. Mais bientôt, Internet va ouvrir la voie à un nouveau modèle. Dans les années 2010 naissent les DNVB (Digital Native Vertical Brands). Comme Sézane ou encore Le Slip Français, à grand coups de transparence et d'interaction avec les clients via les réseaux sociaux, ces marques digitales parviennent à fédérer de très solides communautés autour de valeurs éthiques. "L'évolution de la mode, les enjeux environnementaux, et le développement du digital ont donné naissance à de nouveaux entrants qui nous interpellent et nous challengent au quotidien." reconnaît Isabelle Guichot. Sarah N'tsia, elle, va jusqu'à parler de mise en péril : "Dans quelques temps, plus personne ne comprendra le positionnement de Maje"

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Le sac M, le it-bag Maje né en 2018 © Maje

En vert et avec tous

La marque parisienne se doit d'évoluer avec son temps. "La concurrence est quelque chose de sain, une opportunité, un moteur pour innover." poursuit la DG. Le modèle dans son entièreté doit muer, mais en ce sens, la griffe multiplie les initiatives pour s'améliorer. Signataire en 2019 du Fashion Pact, elle lance des programmes comme First Stone, et à présent Dream Tomorrow, truffés de gestes pour devenir plus verte, de la suppression des emballages plastiques à usage unique à l'emploi de matières plus responsables. "Ce qui requiert le plus de temps est d'agir sur la chaîne de production" : concrètement, la conversion aux méthodes d'éco-conception, le choix de partenaires engagés, la réduction des transports aériens sont autant d'axes sur lesquels travaille Maje côté pile.

Côté face, son aura cool ne prend pas une ride avec notamment le succès de son it-bag, le Mini M en 2018, ou lorsqu'elle mise sur le phénomène Instagram Vogue Turfu pour communiquer début 2020. Personne ne s'étonne de voir ses pièces représenter le vestiaire de la Parisienne dans la série Emily in Paris sur Netflix.

Prêt-à-porter, et porter encore 

A plus forte raison quand la crise sanitaire force à repenser nos habitudes mode, Maje prend le pli et réserve une bonne nouvelle à ses fidèles. Après avoir collaboré avec Vestiaire collective, la marque nous annonce en exclusivité qu'elle planche sur un service de location intégrée. La clé pour une consommation plus vertueuse, sans encombrer sa penderie et acheter inutilement ? Le dernier chic est de consommer sans culpabilité et Maje semble avoir compris le message.