"L'agression sexuelle dont j'ai été victime à 14 ans a ressurgi pendant ma grossesse"

A 14 ans, Elena Faure a croisé les mauvaises personnes au mauvais moment, dans une petite ruelle du nord de la France. Trois hommes l'ont violemment agressée sexuellement, mais elle garde ce lourd secret en elle et n'en parle que six ans plus tard. Anorexie, crises d'épilepsie et malaises rythment son quotidien de jeune fille... Puis, tout refait surface pendant sa grossesse. Témoignage.

"L'agression sexuelle dont j'ai été victime à 14 ans a ressurgi pendant ma grossesse"
© 123RF/volurol

Au lendemain des fêtes de Noël, Elena Faure*, alors âgée de 14 ans, a pour la première fois l'autorisation de sortir seule en centre-ville, accompagnée de sa sœur et de son petit ami. Pour ne pas tenir la chandelle, elle lui demande si elle peut se rendre dans un magasin et les rejoindre plus tard. C'est alors qu'elle tombe sur trois hommes d'une trentaine d'années qui l'abordent en lui demandant son numéro de téléphone. Elle feint de ne pas en avoir, mais sa mère tente de la joindre : la sonnerie retentit et trahit ses dires. "Le ton monte, ils me brutalisent, m'attrapent par le bras et m'emmènent quelques mètres plus loin, dans un parking" nous raconte la jeune femme. Ses agresseurs la brûlent au menton avec une cigarette, la maintiennent en la rouant de coups au niveau du ventre, la forcent à faire des fellations et des attouchements sexuels... Puis tentent de la traîner jusqu'à leur voiture. Son instinct de survie la pousse à hurler de toutes ses forces, ce qui l'a probablement sauvée des griffes de ses ravisseurs puisqu'un homme d'une quarantaine d'années est arrivé à ce moment-là. 

Elena se met à courir et appelle sa sœur, sans lui raconter ce qu'il venait de se passer. Pour ne pas culpabiliser l'aînée, qui avait la responsabilité de sa petite sœur, mais aussi parce qu'elle craignait que ses parents restreignent ses prochaines sorties. "À cette période, mon père était malade, j'avais peur de parler de tout ça. La première sortie a été terrifiante pour moi, je craignais aussi qu'on ne me fasse plus confiance et je sentais que ce n'était pas le bon moment pour en parler", nous explique-t-elle.

Elena décide de tout dire à ses parents, à l'âge de 20 ans

Mais le poids de ce secret, qui a duré plusieurs années avant que la parole ne se libère, a engendré un lourd traumatisme. Son corps en a fait les frais : Elena fait des malaises, tombe dans l'anorexie mentale, fait des crises d'épilepsie à répétition, sans que personne comprenne la cause de ce mal-être. "J'ai fait des IRM et l'un des médecins qui a observé une varice sur le flanc gauche de mon cerveau a expliqué à mes parents que cela provenait certainement d'un choc émotionnel". 

"À 20 ans, j'ai tout dit à mes parents" raconte Elena. Son père bondit de sa chaise, en larmes, mais elle ne comprend pas vraiment la réaction de sa mère, qui est restée "figée", sans dire un mot. Elle réalisera des années plus tard que sa maman a vécu, elle aussi, un traumatisme lorsqu'elle était jeune et qu'elle a eu un trou noir à l'annonce de l'agression de sa propre fille. Au fil du temps, Elena est parvenue à s'en sortir, notamment grâce à l'aide d'une hypnothérapeuthe qui lui a fait prendre conscience des faits graves qui s'étaient passés, mais surtout, qu'elle était parvenue, en criant, à "sauver sa peau".

Enceinte, le soulagement d'apprendre qu'elle attendait un garçon

Lorsqu'elle tomba enceinte, tout s'est accéléré, et alors qu'elle espérait avoir une petite fille, Elena a été plus que soulagée d'apprendre qu'il s'agissait d'un petit garçon au moment de l'échographie. Le sexe du bébé était finalement essentiel pour elle, pour qu'elle ne craigne pas au quotidien que le même schéma se reproduise. "Il fallait que ça se passe de cette manière pour que tout aille bien. L'arrivée de mon petit garçon a été bénéfique : ça m'a aidée à me prendre en main, à éradiquer tout de ma tête pour mieux m'occuper de lui". 

Ses souvenirs remontent pendant la grossesse

Bizarrement, alors que tout allait bien, ses pires souvenirs remontent. "Juste après l'échographie, je me suis mise à refaire les mêmes cauchemars. Mais les traumatismes ressurgissent pendant la grossesse : quels qu'ils soient, il y a une partie psychologique qui fait que les anciennes blessures remontent à la surface, une manière de nettoyer tout ça et pouvoir passer à autre chose", analyse Elena.

Aujourd'hui maman de deux petits garçons, Elena est une femme épanouie et bien entourée. Mais elle n'en demeure pas moins craintive et très stricte quant à la sécurité de ses enfants. "En tant que maman, je suis plutôt extrême. J'ai peur quand mon fils me demande s'il peut aller dormir chez un copain, je n'ai pas confiance aux colonies de vacances... Même si j'ai fait un gros travail sur moi-même, il y a encore des conséquences", confie Elena, qui compte sur le papa, Gatien, pour l'aider à relativiser au quotidien. Son objectif à présent : briser le silence sur ce tabou et inciter toutes les victimes de violences sexuelles à se confier et à parler le plus rapidement.

Merci à Elena Faure, autrice de l'ouvrage "Pour toi, pour moi et tous les autres" (éditions Trois Colonnes), pour son témoignage. *Le prénom et le nom ont été modifiés.