Tout ce que le congé paternité d'un mois permet aux papas

Le gouvernement a annoncé l'allongement du congé paternité à 28 jours. Quel écho cette décision a-t-elle eu chez les jeunes papas qui n'ont bénéficié que des 14 jours accordés jusqu'à présent, lors de la naissance de leur enfant ? Ils témoignent.

Tout ce que le congé paternité d'un mois permet aux papas
© 123RF / Dean Drobot

[Mise à jour du 7 septembre 2022] A compter du 1er juillet 2021, les jeunes papas bénéficieront de 28 jours de congé paternité lors de la naissance d'un enfant dont 7 obligatoires dès la naissance du bébé. Qu'est-ce que ce mois de congé va changer par rapport aux 14 jours actuels ? Ces papas témoignent, et mettent en lumière tout ce qui se joue pour ceux qui ont la chance dorénavant d'avoir un mois de congé paternité.

"J'aurais pu poser plus de repères et mieux me préparer à la séparation"

Marc, 40 ans, professeur d'arts plastiques, a repris le boulot 11 jours à peine après la naissance de sa petite Juno. "J'ai le souvenir d'une coupure très abrupte, doublée d'une solide inquiétude pour ma femme et ma fille" explique-t-il. Et pour cause, il a eu "la désagréable sensation d'avoir été mis en dehors de la stase du nouveau cocon et de vivre un exil forcé, du chaud familial vers le froid salarial." Une culpabilité aussi. Résultat, Marc a dû assurer ses cours, mais avoue n'avoir pu faire que de la figuration. "J'imagine que sur un laps de temps plus long, j'aurais pu poser plus de repères et me préparer à cette séparation avec ma fille".

"Pour avoir du temps, j'ai quitté mon poste pour devenir indépendant"

Pascal, auteur du blog Histoires de papas et du livre Histoires de papas : 13 portraits de papas inspirants a participé fin juin, à une tribune aux côtés de 10 autres papas engagés pour réclamer l'allongement du congé paternité à un mois minimum ou encore, que l'on puisse fractionner ses congés afin de pouvoir en poser une partie à la reprise du travail de l'autre parent, par exemple."Avoir des enfants c'est un tsunami, d'autant plus quand, comme moi, on a des jumeaux" confie Pascal. Et si prendre ses marques prend du temps, il trouve difficile de reprendre le travail et d'être performant avec un nouveau-né qui ne fait pas ses nuits. Plutôt que de se contenter des 3 semaines qui lui auraient été accordées en tant que papa de jumeaux, Pascal a donc préféré quitter son poste de salarié et devenir indépendant après avoir passé 4 mois à plein temps avec ses bébés. "Je voulais avoir du temps pour mes enfants les premiers mois en m'organisant comme je le souhaite", précise-t-il. Son souhait ? Que ce ne soit qu'un premier pas car tous les pères devraient avoir droit de passer plus longtemps auprès de leurs enfants après leur naissance. Par exemple, que les 7 jours de congés obligatoires passent à 15 car 70 % des papas n'utilisent pas le reste de leurs congés. "Pour les besoins de notre tribune, on a demandé aux papas pourquoi ils n'utilisaient pas la totalité de leur congé paternité : 32 % l'ont justifié par une pression exercée par leur employeur et 26 % s'auto-censurent persuadés que prendre plus serait mal vu". Mais "ce congé devrait déjà contribuer à faire évoluer les lignes sur l'égalité femme-homme" salue-t-il, tout en espérant que ce ne soit qu'un début !  

"Avec ma petite dernière, née grande prématurée, cela aurait radicalement changé la donne !"

Lucas, papa de 2 enfants âgés de 2 ans et 3 ans, a eu droit comme tout le monde à 3 jours de naissance et 10 jours de congé parental pour la naissance de chacune de ses filles. "Au début, on tâtonne, on découvre, on aimerait profiter à 100% de ses premiers instants qui sont si précieux" précise-t-il. Mais il se sent vite frustré en ayant l'impression de manquer de temps en reprenant rapidement le travail. "Ce constat a été encore plus criant lorsque nous avons eu notre deuxième enfant qui est né grand prématuré". Or, si depuis le 1er juillet 2019, les pères bénéficient d'un congé paternité spécifique en cas d'hospitalisation du nouveau-né pouvant aller jusqu'à 30 jours consécutifs, ce n'était pas le cas à son époque."Elle a 1 an et 10 jours d'écart avec sa grande sœur. Il a fallu enchaîner entre les allers/retours à la crèche pour l'aînée, les allers-retours à l'hôpital pour la petite dernière, les divers soins et suivis à faire, sans compter le stress que cela engendre, difficile à gérer en même temps que la vie pro. Avoir droit au congé spécifique couplé avec l'allongement du congé paternité aurait radicalement changé la donne, j'aurais davantage pu m'impliquer et mieux faire face au quotidien parental" témoigne-t-il.

"Avec des enfants d'âge rapproché, j'aurai pu soutenir davantage ma femme"

Une meilleure répartition du temps, voilà ce que cet allongement du congé paternité évoque à Laurent, ingénieur informatique de 36 ans. "Quand mon fils est né, nous étions déjà parents d'une petite fille de 18 mois. 2 enfants proches impliquent beaucoup de choses à gérer en parallèle" confie-t-il. Or, avec ses 11 jours de congés paternité, il regrette de ne pas avoir pu aider davantage sa compagne. "Les premiers mois ont été difficiles pour elle, entre l'allaitement qui est épuisant et prend beaucoup de temps, et la gestion de notre aînée". Avec un congé plus long, j'aurais pu la soutenir plus facilement et lui laisser plus de temps pour se remettre de l'accouchement". Laurent avoue par ailleurs qu'il était difficile pour lui de se lever la nuit, de trouver un juste milieu : "j'avais besoin de dormir pour être efficace la journée. Le fait d'avoir plus de jours de congé permettrait d'alterner plus équitablement les phases de repos et d'éveil entre les conjoints". 

"Plus le congé sera long, plus le père pourra prendre sa place"

Pour Antoine,"on avance dans le bon sens, 11 jours c'était bien trop court". Cet instituteur de 35 ans estime qu'il est déjà difficile pour un père de trouver sa place et de parvenir à s'immiscer dans la relation mère-enfant. "On n'a pas accouché, on n'allaite pas, alors retourner bosser si vite n'aide pas... plus le congé parental sera long, plus les pères pourront prendre leur place".  Ce qu'il aimerait ? "Que le congé parental soit réévalué financièrement afin que les pères le prennent davantage et que la femme ne soit pas la seule à supporter l'impact que peut avoir le congé parental au niveau professionnel". Et de préciser que "confier son bébé de 2 mois et demi à des inconnus, c'est quand même très angoissant". 

"Créer du lien avec le bébé et réduire la charge maternelle"

Comme le note Gilles Vaquier de Labaume, père, également fondateur de l'Atelier du Futur Papa et auteur de Nouveaux papas, les clés de l'éducation positive (Ed. Leduc.s) "mettre un enfant au monde et l'accompagner n'est pas de tout repos, durant cette période, la présence des deux parents est donc plus que souhaitable". Période d'autant plus importante selon lui pour les pères, car "n'ayant pas porté l'enfant, ils n'ont pas de lien d'office. Ils doivent donc être d'autant plus présents, s'impliquer, participer pour commencer à créer du lien". Autre avantage à cet allongement du congé paternité ? "Aider les papas à prendre leurs marques et à se sentir à l'aise lorsqu'ils s'occupent de leur bébé en ayant eu le temps de découvrir son rythme". Gilles estime par ailleurs que cet allongement va contribuer à"réduire la charge maternelle en faisant davantage participer les pères aux tâches qui rythment le quotidien des jeunes parents". Une façon de favoriser l'égalité homme-femme, mais aussi de limiter le taux de dépression post partum.  

"35 jours, quand on a des jumeaux ça passe très très vite"

Pour les papas de jumeaux et de triplés, ce congé paternité va s'étendre à 35 jours au total contre 21 jours jusqu'à présent. Papa de jumelles, Eric Bonneton, aurait apprécié de bénéficier d'un congé paternité plus long. Etant à la fois salarié en CDD et à son compte, il a préféré ne pas renouveler son CDD et mettre ses contrats en stand-by pendant plusieurs mois pour s'occuper et profiter de ses enfants. Un choix du coeur qui n'était pas évident à gérer financièrement. "Si j'avais eu droit aux 35 jours qui vont bientôt être accordés aux papas de jumeaux, en cumulant des congés, j'aurais pu être présent tout en conservant une sécurité professionnelle et financière". Malgré tout, Eric qui anime également un Atelier du Futur Papa à Bordeaux, ne regrette pas d'avoir fait ce choix car, comme il l'explique à ses participants :"35 jours, ça passe très très vite, surtout que deux bébés d'un coup, c'est le double de travail et de fatigue".