Time-out (au coin) : une technique éducative dépassée ?

Qu'est-ce que le Time-out ? Doit-on appliquer ou bouder cette technique éducative ? Quelles sont les autres alternatives pour calmer son enfant ? L'éclairage de Sandrine Moreira, psychologue et formatrice petite enfance.

Time-out (au coin) : une technique éducative dépassée ?
© 123RF / tomsickova

La psychologue Caroline Goldman a beaucoup parlé du time-out dans les médias, suite à la publication, en 2020, de son ouvrage "File dans ta chambre" (Ed. Dunod). Ce qu'elle suggère : isoler les enfants dès l'âge d'un an durant un temps assez court pour les plus petits (1 ou 2 minutes), lorsqu'il y a conflit, désaccord ou lorsqu'un enfant est dans la transgression de règles ou d'interdits. Mais, est-ce réellement efficace ? Cette technique éducative n'est-elle pas un peu dépassée ? La psychologue Sandrine Moreira nous donne son avis sur la question du "time-out".

Qu'est-ce que le time-out ?

Le time-out consiste à mettre à l'écart, à isoler, mettre au coin (appelé aussi temps mort) pendant un temps, un enfant d'une situation : par exemple suite à un conflit, une crise, une transgression de règles, etc. L'objectif : permettre à l'enfant de se calmer, de lui fixer des limites, et à la situation de s'apaiser. Selon Caroline Goldman, cette pratique "repose sur des recherches rigoureuses qui ont mené à un consensus scientifique encore plébiscité par les plus grands experts et organismes à ce jour : la méthode Barkley (pour le traitement des TDAH) ; le Pr Kazdin (directeur du centre de parentalité à l'université de Yale) ou encore l'Academy of Child and Adolescent Psychiatry (qui le recommande comme "stratégie parentale efficace")

Que dit le conseil de l'Europe ?

En 2008, le Conseil de l'Europe publiait un communiqué préconisant la parentalité positive et y préconisait le coin comme solution alternative à une parentalité non violente. Mais, depuis lors, les répercussions psychologiques que cette mise à l'écart peuvent avoir sur l'enfant semblent mettre à mal cette sanction. Et pour cause, elle serait jugée néfaste, voire finalement violente. En octobre, les médias relataient pourtant que le Conseil de l'Europe, encouragé par des associations de protection de l'enfance comme Stop VEO, Enfance sans violences envisageait même de l'interdire. Mais, en réalité, le Conseil de l'Europe ne précise pas véritablement s'il est pour ou contre le time-out. Il spécifie seulement réprouver toutes formes de violences éducatives. Reste donc à définir si mettre un enfant au coin (time-out) est considéré ou non comme une violence éducative. Or, d'un parent à l'autre, la réponse ne sera pas la même. 

Le temps mort est-il ou non efficace pour punir un enfant ?

Pour Sandrine Moreira, psychologue et formatrice petite enfance, il s'agit d'une technique éducative dépassée. "Elle n'a aucun sens au vu de ce que l'on peut apprendre et connaître des neurosciences sur le bienfait d'accompagner l'enfant". Et pour cause, détaille-t-elle encore, "quand il y a désaccord, un conflit ou un enfant qui transgresse les limites, ce n'est pas qu'un comportement, c'est aussi et d'abord une émotion". Autre précision importante : l'enfant n'a pas encore le cerveau suffisamment mature, il n'agit pas avec une volonté de nous embêter.

Selon la psychologue, il n'y a donc pas à avoir de rapports de force avec l'enfant, même si le comportement n'est pas approuvé, simplement être là, dans l'accompagnement de son émotion : "On ne peut pas laisser un enfant seul avec son émotion. Ce n'est pas possible du fait de son immaturité cérébrale, émotionnelle, ça n'a ni effet positif, ni effet éducatif". L'écueil sinon ? Un conditionnement de l'enfant qui, pour éviter d'avoir à se retrouver à nouveau au coin, puni, seul face à son émotion qui le submerge, la taise et accepte la consigne de l'adulte sans pour autant qu'elle ait de sens pour lui.

"Le time-out n'a aucun sens au vu de ce que l'on peut apprendre et connaître des neurosciences sur le bienfait d'accompagner l'enfant".

Le time-out est-il considéré comme une violence éducative ?

Si les avis divergent, pour Sandrine Moreira, le time-out peut bel et bien être considéré comme une violence éducative et, ne constitue en tout cas, pas la solution idéale pour calmer un enfant. Seule exception selon elle : quand le parent, submergé ou démuni, est proche de basculer dans la violence physique : "il est évidemment préférable d'isoler l'enfant un temps, plutôt que de risquer de déborder et de tomber dans la violence physique." 

De quelle manière punir son enfant ?

De l'avis de la psychologue, il n'y a pas de solution idéale, il vaut mieux agir au cas par cas. Parmi les solutions, ce qui peut fonctionner, c'est, par exemple, de détourner son attention vers autre chose. En tant que parents, on connaît bien nos enfants, à nous alors de faire le point sur ce qui fonctionne ou pas avec lui. Et surtout, comment on peut entrer en relation autrement avec lui. Parfois, "on s'aperçoit qu'un enfant fait des bêtises ou une crise pour capter l'attention de son parent, y compris si ce n'est pas la réaction escomptée", rapporte la psy. En somme, notre progéniture veut entrer en relation avec nous, et si ça donne lieu à une relation conflictuelle, tant pis.

Qu'est-ce que le time-in ?

Une bonne alternative au time-out : prendre le contre-pied en adoptant le time-in. Plutôt que de l'isoler, "l'enfant a, au contraire, besoin d'être en présence, c'est-à-dire accompagné et que l'on puisse faire un focus sur son émotion du moment et non pas seulement sur son comportement", décrypte-t-elle. On prend alors conscience qu'il y a quelque chose qui déborde, que notre enfant est dans la transgression, dans le test des limites corporelles, affectives et cognitives. Or, pour le calmer, un câlin suffit souvent. Bien sûr, comme le précise Sandrine Moreira, "il faut que l'adulte soit en capacité de le faire à ce moment-là, c'est-à-dire que lui-même ne soit pas en débordement émotionnel, agacé ou honteux d'une situation susceptible de le faire sur-réagir." Il est nécessaire d'être en mesure d'accepter son émotion, de se dire qu'il est simplement frustré et lui faire un câlin pour que ça passe.

Son conseil : lui dire qu'on comprend qu'il soit fâché ou déçu, qu'il a le droit de l'être et que pour l'aider à ce que ça passe, on peut lui faire un câlin, lui lire une histoire ou mettre une petite musique qu'il apprécie. L'idée est qu'il sache qu'on est là pour lui et qu'on ne nie pas son émotion. 

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