Droit à l'image de l'enfant : que dit la loi ?

Une loi visant à protéger le droit à l'image des enfants sur les réseaux sociaux a été adoptée en première lecture par le Sénat. De quoi s'agit-il ? Aux yeux de la loi, qu'est-ce que le droit à l'image de l'enfant ? Quels sont les risques d'une surexposition ? Le point, avec l'expertise de Claire Hédon, Défenseure des droits.

Droit à l'image de l'enfant : que dit la loi ?
© paulphoto-123RF

Après le vote en mars dernier à l'Assemblée nationale, le Sénat a adopté, en première lecture ce 10 mai 2023, la proposition de loi qui a pour objectif de renforcer et protéger le droit à l'image des enfants face aux dérives de la surexposition sur les réseaux sociaux par les parents. Ce texte de loi qui se veut avant tout pédagogique pour les parents et vise à intégrer dans les règles du code civil relatives à l'autorité parentale, le respect de la vie privée et du droit à l'image des enfants. Ainsi, l'accord des deux parents sera désormais nécessaire pour toute photo ou vidéo diffusée au public. Les sénateurs ont également permis à la CNIL d'agir en référé pour demander le blocage d'un site internet en cas d'atteinte aux droits et libertés d'un mineur, sans condition de gravité ou d'immédiateté.

En quoi consiste le droit à l'image d'un enfant ?

"Le droit à l'image de l'enfant permet d'autoriser ou au contraire de refuser la reproduction et la diffusion publiques de son image (en photo ou en vidéo)", explique la Défenseure des droits, Claire Hédon. "Il va de pair avec le droit au respect de la vie privée, qui permet d'autoriser justement ou de refuser la divulgation d'informations concernant sa vie privée", ajoute-t-elle. En tant que parents, nous sommes responsables de nos enfants (mineurs), c'est donc à nous qu'incombe cette responsabilité du respect de leurs droits.

Qui a le droit à l'image de l'enfant lorsque les parents sont séparés ?

"Si les deux disposent de l'autorité parentale, l'accord des deux parents est donc nécessaire pour permettre la diffusion d'une image de leur enfant", précise la Défenseure des droits. Et de souligner que "cette autorisation des parents est valable, que l'enfant soit photographié seul ou au sein d'un groupe d'enfants", à partir du moment où il est identifiable.

"Si les deux parents disposent de l'autorité parentale, l'accord des deux est donc nécessaire pour permettre la diffusion d'une image de leur enfant."

A quoi faire attention avant d'autoriser le droit à l'image de son enfant ?

Actuellement, l'autorisation de diffusion de l'image de l'enfant doit être obtenue par écrit, sans aucune exception. Y compris s'il s'agit, par exemple, de paraître dans une publication en interne, à l'école. Claire Hédon recommande d'ailleurs aux parents de "bien lire tout document nécessitant leur accord concernant le droit à l'image de leur enfant avant de signer pour protéger et encadrer son droit à l'image". En effet, certaines cases peuvent inclure un droit de rediffusion ou autoriser un usage plus général de ladite photographie.

Un parent peut-il publier librement des photos de son enfant sur les réseaux sociaux ?

Pour les enfants influenceurs ou mannequins, la diffusion d'images d'un mineur de moins de 16 ans dont l'activité relève d'une relation de travail est règlementée par la loi. "Ainsi, les parents doivent demander une autorisation auprès de l'inspection du travail avant de mettre en ligne une vidéo dont le sujet principal est leur enfant", rappelle la Défenseure des droits. Pour ce qui est des publications "plaisir", non rémunérées, un parent peut poster des photos de son enfant sur un réseau social. "Légalement, il n'y a aucune interdiction", concède Claire Hédon qui alerte toutefois sur "les risques d'une surexposition pour l'enfant". Et notamment la gêne que cela peut induire chez un ado de voir toutes ces photos de lui "bébé" postées sur la toile. "La notion de l'intérêt supérieur de l'enfant doit être omniprésente pour les parents et ils doivent s'interroger sur ce que pourraient dire leurs enfants plus tard", note-t-elle.

En cas de condamnation d'un tiers pour atteinte à l'image de votre enfant, qui perçoit les indemnités ?

Quid du versement des dommages-intérêts, après décision judiciaire, suite à un refus de retirer une image en ligne ? "Si les dommages viennent répondre à un préjudice de l'enfant, la juridiction condamne l'auteur à verser à l'enfant, représenté par ses parents, l'indemnité. Elle est gérée par ses parents, sous le régime de l'administration légale pure et simple, sans formalisme particulier, et sans versement, sauf cas particulier, sur un compte bloqué", explique la Défenseure des droits. En revanche, comme elle le précise, "les parents peuvent également avoir été considérés eux-mêmes directement comme victimes (préjudice moral, …). Alors, certains dommages et intérêts peuvent leur être attribués par la juridiction et leur être versés à eux".

Quels sont les risques de la surexposition d'un enfant ?

Multiplier la publication de photos de son enfant sur Internet n'est pas sans risque pour le parent : en grandissant, l'enfant peut déposer un recours devant la justice s'il estime que cela a porté atteinte à sa dignité. En effet, il peut se sentir humilié ou en colère par la diffusion de certaines images de lui ou/et par sa surexposition numérique. D'autant que les moqueries entre jeunes sur ces questions-là sont assez courantes. Autre risque pour l'enfant : "que ses photos circulent sur d'autres sites, on ne sait pas ce qu'elles peuvent devenir", prévient Claire Hédon. Elle suggère ainsi que les parents se posent la question de la diffusion de l'image de leurs enfants. Le curseur doit être l'intérêt supérieur de l'enfant. Il ne s'agit donc pas de ne plus immortaliser les moments en photos, mais de les conserver dans un album papier ou dans la photothèque de notre téléphone, sans forcément les partager en ligne systématiquement. En outre, même quand on choisit de les poster, pour limiter les dérives, on peut restreindre leur accès à un petit nombre de personnes ou/et mettre nos réseaux sociaux en mode "privé" pour éviter que tout le monde y ait accès.

Comment mieux sensibiliser les parents au droit à l'image de l'enfant ?

"Les parents sont peu au courant de comment obtenir le retrait de son image", constate la Défenseure des droits. Or, si elle a été diffusée sans notre autorisation, on peut, dans un premier temps, contacter l'auteur de cette diffusion (photographe, organismes, etc.). 

► Il refuse de retirer l'image ? On peut "s'adresser au juge pour réclamer son retrait, voire demander des dommages et intérêts ou/et le remboursement des frais d'avocat", révèle Claire Hédon, car "les publications postées sans un consentement propre sont vraiment encadrées par la loi".

► Enfin, pour mieux sensibiliser les parents au droit à l'image de l'enfant, la Défenseure des droits nous fait part d'une des recommandations présente dans son rapport sur les droits de l'enfant : la mise en place de modules d'information aux parents et aux enfants à chaque rentrée scolaire. "On ne délivre pas les mêmes conseils aux enfants suivant leur âge et puis, c'est important de les informer sur les risques du numérique ou encore sur le droit à l'oubli". Et de conclure qu'"il est nécessaire de sensibiliser à la fois parents et enfants au respect de ce droit à l'image".

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