Mon enfant a peur de faire caca : pourquoi et comment réagir ?

L'apopathophobie, ou peur de déféquer, se développe généralement chez l'enfant entre deux et trois ans. Quelles sont ses causes et comment en venir à bout ? Les réponses d'Anne Sénéquier, pédopsychiatre et chercheuse.

Mon enfant a peur de faire caca : pourquoi et comment réagir ?
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Dès le plus jeune âge, les enfants peuvent développer certaines peur. En tant que parent, cela vous est peut-être déjà arrivé de voir votre enfant se retenir de faire caca. Même si l'envie est là, rien n'y fait, il a peur de faire son besoin, au point de pleurer lorsque vous vous énervez contre lui pour qu'il aille aux toilettes. Il ne fait pas un énième caprice non, sa peur est bien réelle et elle a une explication. Une experte nous éclaire sur le sujet. 

Qu'est-ce que l'apopathophobie ? 

L'apopathophobie est la peur d'aller à la selle.

Elle se manifeste par une tendance à la constipation et par des traces des selles, voire l'ensemble des selles, dans la culotte.  "L'enfant se retenant, petit à petit apparaît une constipation qui peut devenir chronique et il arrive un moment où l'exonération se fait seule par un mécanisme réflexe… C'est l'accident 'caca dans la culotte'. On peut également avoir le versant anxieux en premier plan avec un enfant angoissé à l'idée d'aller aux toilettes ou au pot, avec pleurs et refus", nous explique le Dr Anne Sénéquier, pédopsychiatre, chercheur à l'IRIS (institut des relations internationales et stratégiques) et auteur de l'ouvrage Luce et l'invasion des virus (Ed. Petit Kiwi).

Pourquoi mon enfant se retient-il ?

Souvent, l'enfant a peur d'aller à la selle car on lui a demandé d'être propre trop tôt. Les spécialistes rappellent que les petits peuvent être propres à deux ans, même avant, mais que certains le sont beaucoup plus tard ! Poussé régulièrement à se passer de couches par ses parents ou les membres de la crèche, l'enfant peut associé le passage aux toilettes à un sentiment négatif." "L'enfant peut également avoir à faire à un souvenir marquant, un épisode de constipation qui a été douloureux, ou de diarrhée… Le souvenir douloureux s'ancre, l'enfant se retient pour ne pas avoir mal à nouveau. Si au moment de l'exonération suivante, il a mal ou si cela se passe mal (il fait un 'accident', il est inconfortable, il se fait moquer à la maison ou à l'école) on risque la mise en place d'un 'renforcement négatif' qui entérine l'action d'aller aux toilettes comme étant problématique donc à éviter. Le souvenir d'humiliation est assez présent dans l'apopathophobie", analyse le Dr Anne Sénéquier.

Quand consulter ?

Tour dépend de l'âge de l'enfant. "Chez les tout petits, la consultation doit arriver lorsque l'on constate la mise en place de comportement d'évitement. Une constipation récurrente, des pleurs devant le pot, les w.c ou tout simplement la consigne d'aller aux toilettes doivent inciter à faire preuve de vigilance", énonce Anne Sénéquier.

Quels risques physiques et psychologiques ?

Comme son nom l'indique l'apopathophibie est une phobie qui peut donc devenir chronique au fur et à mesure que l'enfant grandit et impacter de façon durable son quotidien. Plus les années passent, plus l'angoisse d'aller aux toilettes va devenir envahissante pour l'enfant qui va avoir tendance à éviter les activités en groupe. "Certains enfants prennent l'habitude de s'imposer à aller à la selle avant de sortir, ce qui peut engendrer une irritation du colon. In fine, chaque personne peut développer ses propres rituels pour avoir l'impression qu'il contrôle la situation… mais pour être honnête c'est la phobie qui le contrôle. Avant d'en arriver là, le risque premier est la constipation qui peut aller jusqu'à la formation de fécalome (une accumulation d'excréments durcis dans le rectum ou dans le côlon, ndlr), fort peu agréable à évacuer", précise le Dr Sénéquier.

Comment l'aider à faire caca ?

Un suivi auprès d'un professionnel apporte une aide conséquente. Il pourra axer son accompagnement sur la réassurance, la gestion des émotions ou l'angoisse. Le professionnel pourra aussi proposer, surtout aux plus grands, une thérapie cognitivo-comportementale qui a pour objectif de casser le lien entre l'action d'aller à la selle et l'angoisse. 

 

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Appli Comment fonctionne mon corps ? © Google Store

"Pour les enfants, j'aime bien utiliser une petite application d'anatomie qui permet à l'enfant de suivre le trajet des aliments, devenant bol alimentaire et finalement gaz et selles. Les enfants choissisent la nourriture à donner au personnage, ce qui génére plus ou moins de selle. Ce sont également eux qui font  avancer les aliments dans l'intestin et aussi le moment de l'exonération. Pour autant, cela ne suffit pas complètement. Nous associons cette application avec un suivi personnel pour l'enfant et le changement de la logistique à la maison. Il faut apprendre la différence entre 'avoir envie d'aller aux toilettes' et 'avoir décidé d'y aller'. Cela semble similaire mais il y a une grande différence... primordiale dans les problématiques d'angoisse : l'une est subie, l'autre décidée. Après il n'y a pas de remède miracle qui conviendrait à tous les enfants apopathophobiques. Il faut les écouter d'abord et mettre en place une prise en charge adapté et sur-mesure", insiste le Dr Sénéquier.

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