Mon enfant me colle

Que cela soit par timidité, par manque d'autonomie ou par peur de la séparation, votre enfant ne vous lâche pas d'une semelle ? Que traduit ce comportement ? Comment réagir et réussir à "couper le cordon" ? Le point avec la pédiatre Edwige Antier.

Mon enfant me colle
© 123RF / Jozef Polc

Certains enfants ont une angoisse de séparation majeure, d'autres habituellement autonomes se mettent soudainement à coller aux basques de leurs parents à tout bout de champ. Une attitude fusionnelle chez l'enfant qui peut rapidement causer un épuisement maternel : la mère ne pouvant plus rien faire sans avoir sa progéniture entre ses pattes. Comment expliquer cette attitude ? A partir de quand cette peur de la séparation va-t-elle s'apaiser ? Réponses. 

Mon enfant est collant, que traduit cette fusion ?

Dans certaines tribus et notamment africaines, prônant un mode de vie naturel, on considère normal de porter longtemps son bébé, jusqu'à ses deux ans environ. Même si à des moments, il réclame d'être posé pour partir explorer librement le monde qui l'entoure. Pendant longtemps, il ne quitte pas sa mère, qu'il soit porté dans les bras, sur son dos ou sur ses hanches. La nuit, le cododo est longtemps privilégié - pour des raisons pratiques (pouvoir l'allaiter sans avoir à se lever) mais aussi physiologiques (on estime qu'un enfant n'a pas à dormir loin de ses parents). Pour autant, "en grandissant, ces enfants ayant joui de cette éducation dite 'proximale' deviennent pleinement autonomes" souligne Edwige Antier, pédiatre et auteure de "J'aide mon enfant à avoir confiance en lui" (Ed. Robert Laffont). Une éducation aux antipodes de celle dite "distale" proposée dans notre société occidentale où le dogme de "l'autonomie" prévaut. On attend de notre enfant qu'il apprenne à gérer ses émotions, se tienne sage dans sa poussette et dorme dans sa chambre, tout seul comme un grand. Par ailleurs, "on préconise depuis peu de le garder dans la chambre des parents au moins les 6 premiers mois de sa vie, les statistiques ayant montré que cela prévenait la mort subite", rappelle le Dr Antier. Or, selon elle, cette attente d'autonomie de l'enfant ne va pas forcément de paire avec ses besoins à lui, rappelant que jusqu'à 3 ans, il est tout à fait normal que notre enfant n'apprécie pas trop d'être éloigné de nous. 

Le contre-effet d'une séparation précoce

Le hic, selon la pédiatre, est qu'en voulant aller trop vite, "ce détachement imposé est parfois violent pour les enfants les plus sensibles". Ils ne sont pas prêts. Résultat : à trop vouloir instaurer une séparation rapide, souvent par nécessité - reprise du travail, besoin de préserver aussi sa vie de couple, d'avoir des instants à soi - on provoque l'effet inverse : l'enfant devient anxieux, nous réclame encore davantage et on tombe dans un cercle vicieux. Et nous ne savons plus comment jongler entre notre besoin essentiel de respirer à certains moments et celui de devoir répondre aux demandes de notre chérubin. La solution proposée par la pédiatre : apprendre à mieux gérer les périodes de séparation afin d'établir une bonne évolution de la relation. 

Angoisse de la séparation : les périodes propices 

L'angoisse de la séparation

Vers 8-9 mois, l'angoisse de séparation est maximale chez le bébé, âge où "il réalise qu'il peut se déplacer par lui-même et donc perdre sa mère de son champ de vision, ce qui suscite chez lui une angoisse" note la pédiatre. Puis, jusqu'à ses 3 ans environ, il va alterner entre période d'autonomie (avec l'apprentissage de la marche, de la propreté) où il va arpenter le monde et période de dépendance pour se sécuriser, car cette indépendance l'attise autant qu'elle l'effraie. 

La première entrée à l'école maternelle

Autre période charnière : l'entrée à l'école maternelle. Cette rupture est brutale pour l'enfant car il se retrouve au milieu d'enfants et d'une maîtresse qu'il ne connaît pas. "Et même s'il fait partie de ceux qui semblent vivre cette étape plutôt bien, voir ses petits camarades en larmes ne le laisse pas indifférent" souligne le Dr Antier. D'ailleurs, si elle a conservé l'appellation d'école "maternelle", l'entrée en petite section n'a plus grand chose de "maternel". En outre, l'enfant devra souvent y rester jusqu'à 18h et aller au centre de loisirs le mercredi, à cause de nos impératifs professionnels. Voilà pourquoi notre enfant n'a plus envie de nous lâcher lorsqu'il nous retrouve enfin. 

Comment faciliter la séparation ?

Parce qu'on n'a malheureusement pas toujours la possibilité de le garder en permanence avec nous, il existe malgré tout quelques astuces pour que la séparation se passe au mieux.

  • Un t-shirt ou un doudou, imprégné de notre odeur par exemple, permettra à bébé de nous sentir et de s'apaiser même quand il n'est pas à nos côtés.
  • Dialoguer et choisir ses mots est également primordial selon la pédiatre pour l'aider à dépasser ses craintes. Ainsi, plutôt que de lui dire "ne pleure pas", on lui explique la situation sans nier son ressenti : "Moi aussi j'aimerais bien rester avec toi, mais je dois aller travailler. Ne t'inquiète pas, je vais revenir te chercher tout à l'heure".
  • Instaurer un rituel auditif permet à l'enfant qui n'a pas la notion du temps, de se repérer comme une comptine qu'il entend chaque jour un peu avant notre arrivée. En l'entendant, il se sentira rassuré, sachant que l'on va bientôt arriver. 
  • Il est préférable, dans la mesure du possible, que ce ne soit pas le même parent qui accompagne l'enfant le matin et le récupère le soir. Et de ne pas céder si l'enfant réclame que ce soit toujours sa maman. Cette répartition parentale permet de franchir une première étape dans la séparation et très vite, l'enfant devrait s'y habituer et partir sans larmes. S'il pleure, consolez-le en lui disant que l'on comprend son mécontentement, mais qu'on ne peut pas faire autrement. Au besoin, un petit tissu parfumé avec notre odeur devrait le rassurer. 

Quand s'inquiéter ?

Certains enfants préfèrent se priver d'aller jouer au parc que de s'éloigner de leur maman. D'autres refusent que ce soit papa qui raconte l'histoire du soir. Une situation pesante pour la maman qui aimerait bien être soulagée et prendre du temps pour elle. Outre les deux grandes périodes de séparation propices aux angoisses, plusieurs explications sont possibles selon Edwige Antier : soit l'enfant ressent un vrai manque de sa mère car elle travaille beaucoup et tente de grappiller autant qu'il peut. Et dans ce cas, souvent, instaurer un petit temps de qualité où l'on fait des choses ensemble suffira à combler ce manque. Soit, l'angoisse se prolonge, et elle peut être révélatrice d'un environnement familial insécure : une dépression maternelle (je colle maman pour la tenir en activité, comme une béquille inconsciente) ou des disputes entre ses parents qu'il ne parvient pas à gérer autrement qu'en restant au plus proche de l'un des deux. En cas de doute, et après en avoir parlé à son médecin, des séances de psychothérapie peuvent alors s'avérer d'un grand secours pour aider la mère et l'enfant à rétablir une relation plus saine. Enfin, rassurons-nous, ce n'est pas parce que notre enfant n'est pas prêt à partir en vacances chez Mamie qu'il ne sera pas ravi d'y passer ses vacances durant les nombreux prochains étés. Dans quelques années, il est même fort probable que l'on regrette ces instants où il voulait constamment rester avec nous… Alors savourons-les encore un peu !

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